Paris: Claude Rayna presents the report of the senators’ mission concerning the Marianne Fund

 « Tout cela va finir par ressembler à un très grand mensonge d’État » : le rapporteur général du Sénat convoque une conférence de presse sur le déficit

La commission des finances de la haute assemblée va se réunir en urgence, à la suite des nouvelles données budgétaires transmises par Bercy. Le rapporteur général Jean-François Husson (ex-LR) fait part de sa colère après avoir pris connaissance des chiffres et va tenir une conférence de presse.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

Une rentrée au pied levé, et un nouveau branle-bas de combat à la commission des finances du Sénat. Ses membres vont se réunir en urgence le 4 septembre, au sujet des données budgétaires communiquées lundi soir par le gouvernement aux principaux cadres des commissions des finances des deux assemblées. Le rapporteur général de celle du Sénat, Jean-François Husson (ex-LR), annonce même auprès de Public Sénat tenir une conférence de presse aux côtés du président de la commission des finances Claude Raynal (PS), le 4 septembre à 16 heures.

Voilà des semaines que les parlementaires attendaient les grandes lignes de l’ébauche d’un budget de l’État 2025, qui en l’absence d’un nouveau gouvernement de plein exercice, se borne à ce stade à une reconduction des niveaux votés l’an dernier, mais dans une répartition différente. L’exercice est très théorique, tant que le prochain gouvernement n’est pas nommé.

L’envoi comprend également les dernières données de Bercy sur la réalisation du budget annuel en cours. Les chiffres traduisent un nouveau dérapage, par rapport à la trajectoire budgétaire réactualisée au printemps. Certaines dépenses progressent, et les recettes ne sont pas au rendez-vous des attentes : le ministère de l’Économie et des Finances a mis en garde contre une nouvelle aggravation du déficit public (État, Sécurité sociale et collectivités territoriales). Il pourrait atteindre 5,6 % cette année, loin des 5,1 % ciblés en fin d’année. En l’absence d’économies significatives, il pourrait se creuser à 6,2 % du PIB l’an prochain, au lieu des 4,1 % imaginés.

« La situation est calamiteuse. On est au bord du précipice »

Pour l’an prochain, la direction générale du Trésor estime que le respect « a minima » des nouvelles règles européennes imposera un effort de « grande ampleur », de 30 milliards d’euros d’économies à placer dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025.

« La situation est calamiteuse. On est au bord du précipice, les comptes publics sont dans le rouge violet », s’exclame Jean-François Husson. Près de trois mois après sa mission d’information sur la dégradation inattendue des comptes publics en 2023, le parlementaire a une désagréable sensation de déjà-vu. En cause, cette note du Trésor particulièrement alarmiste, datée du 17 juillet que les parlementaires n’ont dans leurs mains que depuis quelques heures. Accusé de « rétention d’informations » au printemps, Bruno Le Maire s’était engagé à faire preuve de transparence devant les parlementaires à l’avenir.

« Ne pas l’avoir transmise c’est proprement méprisant. C’est très grave. L’exécutif se livre à des pratiques qui datent. Tout cela va finir par ressembler à un très grand mensonge d’État sur la réalité de la situation budgétaire de notre pays. La démocratie, ce n’est pas confisquer le débat », fulmine le sénateur.

Des moindres recettes, malgré les prévisions plus prudentes du printemps

Dans son courrier adressé aux parlementaires, le ministère de l’Économie et des Finances fait état de remontées inquiétantes de la part de ses services. Fin août, la Direction générale des finances publiques (DGFIP) anticipait par exemple des recettes de TVA moins importantes que ses modélisations. Après « l’accident budgétaire » de 2023 dans l’évaluation des recettes (20 milliards d’euros ont manqué), Bercy en avait tiré les leçons, en abaissant ses prévisions dans le programme de stabilité établi au printemps. Cette précaution n’aura pas suffi, l’administration fiscale estime désormais que les recettes de TVA, d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés pourraient être « moins élevées que prévu ». Selon un courrier transmis aux commissions des finances, « l’évolution de la composition de la croissance » serait « moins favorable aux recettes fiscales ». Les récentes bonnes nouvelles sur le front de la croissance, qui résiste en cette année 2024, sont décidément loin.

« Sans surprise les prévisions du gouvernement ont été trop optimistes. Le gouvernement démissionnaire n’a plus les moyens d’action pour tenir les dépenses. Cela accentue la perte de confiance dans les prévisions budgétaires », déplore de son côté Claude Raynal, à la tête de la commission des finances du Sénat.

Le gouvernement épingle « l’augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités »

Dans l’autre colonne, celle des dépenses, le ministre de l’Économie et des Finances, et son ministre des Comptes publics, s’inquiètent également de la trajectoire des finances locales. L’augmentation des dépenses des collectivités territoriales est, selon eux, « extrêmement rapide ». Leurs dépenses pourraient « dégrader les comptes 2024 de 16 milliards d’euros par rapport » à la trajectoire de déficit envoyée à la Commission européenne en avril. Les ministres ont rappelé que l’État n’avait aucun moyen d’imposer quoi ce soit collectivités. En 2022, le gouvernement avait échoué à mettre en place par l’intermédiaire du projet de loi de finances un mécanisme pour limiter la progression des dépenses des collectivités.

Sur ce sujet aussi, la mise en relief de cette donnée n’est pas du goût du Sénat, qui représente les collectivités, dont les associations représentatives ont d’ailleurs vivement protesté tout au long de l’après-midi. « Tout le monde va devoir être sérieux, mais de grâce, que l’État arrête de désigner d’autres coupables que lui-même », enjoint Jean-François Husson. Claude Raynal qualifie la sortie du gouvernement sur ce sujet de « plaisanterie traditionnelle ». Les dépenses des administrations locales représentent environ 20 % de la dépense publique, et 10 % de l’endettement public. « Hausse classique » des investissements deux ans avant la fin des mandats, conséquence de la hausse du point d’indice, inflation : le sénateur de Haute-Garonne égraine les raisons de ce mouvement.

L’un des sénateurs centristes de la commission des finances, Bernard Delcros, assure que la question des collectivités « n’est pas un tabou », à condition d’être équitable. « Un traitement égalitaire de toutes les collectivités serait assez catastrophique. Il faut absolument préserver les capacités financières, qui sont déjà faibles, des petites collectivités, notamment de la ruralité », appelle le sénateur Union centriste du Cantal.

Le budget 2025 va constituer une épreuve

Le futur gouvernement devra contenir les dégâts pour l’année 2024. Après dix milliards d’économies par décret en février, Bruno Le Maire avait également précisé les économies qu’il restait à mener pour tenir le cap en juillet, notamment en matière crédits gelés. L’effort s’annonce aussi considérable pour 2025, d’autant plus que la France, sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, doit indiquer son plan d’action fin septembre à la Commission européenne. Bercy évoque même le scénario d’un déficit qui continuerait de se creuser, en l’absence d’économies suffisantes et de menaces sur la croissance.

« On est dans un temps de crise. Il faut un gouvernement de salut public, très resserré. Il va falloir qu’on se dise quelques vérités, essayer de trouver un bloc aussi près que possible d’une majorité, qui accepte d’inverser la tendance », appelle le rapporteur général. Chacun appelle à faire tomber un tabou. Jean-François Husson appelle par exemple à « tout revoir », y compris des lois de programmation, engagées dans les ministères régaliens. « On n’aura pas le choix. Est-ce qu’on aurait voté ces lois en 2024 dans la situation actuelle ? Non. »

Dans l’Union centriste, Bernard Delcros appelle à « cibler » les baisses et à ne pas céder à la tentation de faire un « coup de rabot général ». En s’alliant avec la gauche, lui et ses collègues espèrent que les amendements sur la taxation des dividendes dans les très gros patrimoines, ou les superprofits, pourront prospérer dans la navette. « Nous ne réussirons sans agir sur le levier des recettes. C’est un verrou à faire sauter. C’est un combat à gagner pour nous »

La droite n’y est pas prête. « Le niveau de prélèvements obligatoires est déjà suffisamment élevé. Sauf à la marge ou par redéploiement, il faut d’abord et avant tout agir sur la dépense, c’est la priorité », insiste le sénateur Stéphane Sautarel (apparenté LR).

« Il faudra jouer sur tous les leviers, trouver des économies et des recettes nouvelles. Avoir une vision globale, et pas faire petite mesure par mesure », anticipe Claude Raynal, le président PS de la commission.

Face à des enjeux considérables, l’absence de nouveau Premier ministre et d’une équipe apte à gouverner pleinement est encore plus problématique aux yeux de Jean-François Husson. « L’exécutif a choisi d’attendre. L’attentisme du président de la République, qui met deux mois pour accoucher, est coupable. Depuis nos conclusions, il s’est passé trois mois. On a perdu trois mois pour le pays. Les assemblées n’ont pas pu dialoguer. » L’attente du budget ne plus durer, selon lui. C’est pourtant un scénario sur lequel le gouvernement démissionnaire a demandé une expertise juridique. « Cette petite musique, c’est non, non et non. La situation est trop grave », sermonne le sénateur.

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

CESE
7min

Économie

Concentration des médias, fake news, Gafam : que proposent les Etats généraux de l’information ?

Lancés par le chef de l’Etat, les Etats généraux de l’information mettent sur la table une taxe des Gafam pour l’information, une meilleure définition de la concentration, l’importance de l’éducation aux médias ou des mesures sur la gouvernance. Mais face aux difficultés et menaces qui pèsent sur le secteur, notamment en matière de pluralisme, certains restent sur leur faim.

Le