Sale temps pour les automobilistes. A des pénuries et des files d’attente dans une partie des stations-service du pays, s’ajoute un renchérissement du prix des carburants. Selon des données du ministère de la Transition écologique mises à jour ce lundi, le tarif du prix à la pompe du litre de gazole a bondi de 6,5 % en une semaine (1,9211 euro) et celui de Sans Plomb 95, de 4,6 %, pour atteindre 1,6646 euro. Ces prix moyens payés par le consommateur tiennent déjà compte de la ristourne gouvernementale de 30 centimes. Ils sont au plus haut depuis la fin du mois d’août.
C’est dans ce contexte de tensions sur l’approvisionnement que la Première ministre a annoncé une prolongation surprise de la remise sur le prix du carburant à la pompe financée par l’Etat. Avant sa prise de parole sur TF1, la réduction de 30 centimes devait tomber à 10 centimes pour les deux derniers mois de l’année. Elle restera en vigueur jusqu’à la mi-novembre.
Ce soutien au pouvoir d’achat pèse évidemment sur les finances publiques. Le quotidien Les Echos, s’appuyant sur une source du ministère de l’Economie et des Finances, évoque un surcoût de 440 millions d’euros pour cette première quinzaine de novembre. Difficile de savoir à combien se chiffrera le coût de l’arbitrage de dernière minute de l’exécutif, celui-ci dépendra du prix à venir des carburants (orientés actuellement à la hausse) et du comportement des automobilistes.
Un surcoût qui avoisinera le demi-milliard d’euros
L’addition pourrait être plus lourde. Selon des estimations des services de la commission des finances du Sénat, le haut de la fourchette pourrait s’élever jusqu’à 700 millions d’euros, compte tenu de la consommation observée au mois de septembre. Ce chiffre est potentiellement atteignable, si les tensions sur l’approvisionnement disparaissent, et si la demande est similaire à celle de la rentrée, nous explique une source au sein de la commission des finances.
Rappelons que la participation de l’Etat aux frais de carburants des automobilistes a débuté le 1er avril. Jusqu’à la fin du mois d’août, la remise gouvernementale s’élevait à 18 centimes (taxes comprises), avant de passer à 30 centimes au 1er octobre.
Dans son rapport du 28 juillet 2022, réalisé pour l’examen du projet de loi finances rectificative (PLFR), Jean-François Husson (LR), le rapporteur général de la commission des finances, estimait à 4,4 milliards d’euros les dépenses engagées par l’Etat depuis le mois d’avril pour financer la remise à la pompe. Lorsqu’il avait été auditionné par les sénateurs, le ministre des Finances Bruno Le Maire évoquait, quant à lui, un coût mensuel d’un milliard d’euros.
Depuis le 1er avril, 7,6 milliards d’euros inscrits dans les textes budgétaires pour la remise à la pompe
Au total, ce sont pour l’heure 7,6 milliards d’euros qui ont été budgétés cette année pour financer la remise à la pompe : 3 milliards dans un décret d’avance au printemps, puis 4,6 milliards cet été dans la loi de finances rectificative, sur la base d’un arrêt de la ristourne de 30 centimes à la fin octobre et d’un passage à 10 centimes pour les mois de novembre et de décembre.
Avant son passage au Parlement, le budget rectificatif de l’été ne prévoyait plus de remise globale à compter d’octobre. Le gouvernement envisageait de limiter l’accompagnement aux gros rouleurs se rendant à leur lieu de travail. Au moment de son audition au Sénat fin juillet, Bruno Le Maire insistait sur la nécessité de basculer à l’automne « sur un dispositif plus ciblé en faveur de ceux qui en ont réellement besoin ».
Ce matin sur BFMTV, le ministre a assuré que la ristourne ne s’appliquera plus en 2023. « Que la Première ministre décide de la prolonger pour 15 jours parce qu’il y a eu des difficultés et qu’il continue d’y en avoir dans les stations-service, chacun peut le comprendre », a-t-il justifié. Et de préciser : « Chacun comprendra aussi que nous ne pouvons pas conserver de manière définitive une mesure qui est aussi une incitation à consommer du carburant dont des énergies fossiles, qui est une subvention aux énergies fossiles. »
La semaine dernière, sur RTL, il précisait qu’une aide ciblée pouvait toutefois être envisagée. « Si jamais les prix des carburants devaient exploser, notre soutien sera ciblé sur toutes celles et tous ceux qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler. »
Lors débats budgétaires au Sénat le 1er août, le rapporteur général Jean-François Husson avait reconnu que cette aide ne serait pas soutenable indéfiniment. « La transition écologique doit être menée, il nous faut recouvrer notre souveraineté énergétique et l’état de nos finances publiques ne nous permettra pas de poursuivre ainsi au-delà de la fin de cette année. »
Parallèlement à la remise gouvernementale de 30 centimes, Élisabeth Borne a également annoncé dimanche soir la prolongation de la remise de 20 centimes de TotalEnergies jusqu’à la mi-novembre. Ce geste du groupe énergétique, touché par un important conflit social dans ses raffineries et dépôts sur la question du niveau des salaires, s’ajoute à la remise effectuée par l’Etat. Initialement, TotalEnergies prévoyait de faire passer sa déduction à 10 centimes au 1er novembre, jusqu’à la fin de l’année.
Sollicité sur l’estimation du coût de la prolongation de la ristourne de 30 centimes, le ministère de l’Economie et des Finances ne nous a pas répondu, à l’heure où nous écrivons ces lignes.