Faut-il y voir un effet du dérapage du déficit public ? Alors que le gouvernement passe au crible les différentes pistes pour renflouer les caisses de l’Etat – en tête desquelles figure une nouvelle réforme de l’assurance chômage -, le journal Le Monde nous apprend que l’exécutif envisage toujours de ponctionner l’Agirc-Arrco, la caisse de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, copilotée par les organisations patronales et syndicales. Une information dont L’Opinion indique avoir eu confirmation auprès du ministère du Travail.
La réforme des retraites votée en avril 2023 doit rapporter au régime général 8 milliards d’euros d’ici la fin du quinquennat. De son côté, l’Agirc-Arcco, a enregistré en 2022 un excédent à 5,2 milliards d’euros, et à 4,3 milliards l’année dernière, selon les chiffres dévoilés cette semaine par son vice-président Didier Weckner. Pour l’heure, ces résultats sont sans lien avec la réforme des retraites, entrée en vigueur le 1er septembre dernier, et dont les effets se feront seulement sentir à partir de cette année.
Le recul de l’âge légal de départ à la retraite devrait permettre à la complémentaire du privé d’engranger jusqu’à 6 milliards d’excédents en 2030, selon les prévisions du gouvernement. « Un « magot » sur lequel l’exécutif lorgne depuis plusieurs mois déjà, estimant que ce sont ses réformes qui valorisent pour partie la bonne santé financière de la caisse complémentaire.
« C’est insupportable, je rappelle que cet argent n’appartient pas à l’Etat »
« Les prévisions ne sont pas si encourageantes que cela, les résultats bénéficiaires ont baissé cette année, et l’on a toujours des interrogations sur l’inflation. Par ailleurs, l’Agirc-Arrco est également soumise à l’évolution démographique, avec une baisse annoncée du nombre de cotisants », nuance la sénatrice LR Pascale Gruny, rapporteure pour la branche vieillesse du budget de la Sécu.
« Aujourd’hui, le gouvernement est face au mur. Il refuse de se serrer la ceinture, alors il la serre aux autres. C’est insupportable, je rappelle que l’argent de l’Agirc-Arrco n’appartient pas à l’Etat, C’est celui des salariés et des retraités », martèle l’élue auprès de Public Sénat. Fin 2021, l’Agirc-Arrco comptait 19,5 millions de cotisants pour un peu plus de 13 millions d’allocataires.
Un levier pour permettre la revalorisation des petites pensions
« À l’horizon 2026, sur le total des excédents, 1,2 milliard d’euros est dû à la réforme des retraites adoptée au printemps dernier. Nous considérons comme légitime que cette part des excédents liés à la réforme puissent être mobilisés pour participer au financement d’un régime de solidarité », avait expliqué l’ex-ministre du Travail, Olivier Dussopt, devant le Sénat, le 12 octobre. L’idée étant de prélever cette somme pour financer la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme des retraites. Or, dans le même temps, syndicats et patronat s’étaient entendus pour utiliser les excédents du régime privé afin de revaloriser les retraites complémentaires à hauteur de 4,9 %.
Avant l’ouverture des dernières discussions budgétaires, cet automne, Bercy avait finalement calmé le jeu, en indiquant écarter la piste d’une ponction. Pour autant, le bras de fer s’était poursuivi durant les débats parlementaires. Au Sénat notamment, où les élus ont bataillé autour de l’article 9 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024, estimant qu’il laissait le champ libre à une contribution de la caisse complémentaire, au titre de la solidarité financière du système général de retraite.