C’est à une large majorité que le Sénat a voté une dernière fois en faveur du projet de loi qui facilitera la construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites nucléaires et au fonctionnement des installations existantes. La Haute assemblée a adopté par 315 pour, 13 contre, ce texte, dont l’objet principal est d’accélérer les procédures. Il vise à faciliter la construction de six nouveaux réacteurs EPR promis par Emmanuel Macron à l’horizon 2035. Seul le groupe écologiste a refusé de le soutenir, appuyés par un socialiste, dénonçant une « régression du droit de l’environnement » et une « atteinte au droit de participation du public ».
Jeudi dernier, députés et sénateurs s’étaient entendus en commission mixte paritaire sur un texte commun. « Notre commission a entendu porter une vision résolument plus moderne de l’énergie nucléaire », a ainsi souligné le rapporteur Daniel Gremillet. Le sénateur LR a aussi formé le vœu que la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie « acte » cette relance du nucléaire. « Que de temps perdu depuis 2007 », s’est exclamée ensuite la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR), en référence à la dernière année où un réacteur a été autorisé (l’EPR de Flamanville). « L’énergie nucléaire dans notre pays était devenue un problème, quand nous pensions ici, depuis longtemps au Sénat, que c’était une solution ».
« Un signal fort envoyé à notre filière », salue Agnès Pannier-Runacher
De son côté, la ministre de la Transition énergétique s’est « réjouie de l’accord trouvé en commission mixte paritaire ». « C’est un signal fort envoyé à notre filière pour qu’elle se mobilise en vue du lancement du programme de construction de 6 EPR 2 et de la mise à l’étude de 8 complémentaires », a-t-elle détaillé. Agnès Pannier-Runacher a précisé que le gouvernement ne s’interdirait pas « d’aller plus loin en fonction de la réalité de nos capacités industrielles ». La filière, qui emploie actuellement près de 220 000 personnes, évalue ses besoins à 100 000 recrutements sur la prochaine décennie.
Les groupes de gauche favorables à la relance du nucléaire ont épinglé les « points en suspens » laissés par le projet, notamment le financement des programmes et l’attractivité des métiers. Le groupe communiste est allé jusqu’à l’abstention au moment du vote, regrettant la succession de projets de loi bien spécifiques sur les différentes énergies. « Le problème est le même qu’en première lecture : vous segmentez le sujet sans donner de cap général », a ainsi dénoncé Fabien Gay.
Les sénateurs encore marqués par le projet de fusion ASN-IRSN
Si le texte sorti de la CMP ne fait plus du tout mention de l’organisation de la sécurité dans le nucléaire, la tentative du gouvernement de fusionner au cours du débat l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) avec l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) a été une fois encore été dénoncée par les parlementaires. « Laissons-nous le temps, Madame la ministre, d’expertise sur ce sujet majeur », a insisté la sénatrice Sophie Primas. « Potentiellement, toute évolution de la doctrine et de l’organisation française en matière de sûreté nucléaire doit être documentée, discuté avec la représentation nationale et les acteurs de la société civile », a également encouragé Franck Montaugé.
Ce texte issu de la commission mixte paritaire sera à présent soumis au vote des députés le 16 mai en séance. Après son adoption, d’autres rendez-vous majeurs sur le front de l’énergie attendent le gouvernement et les parlementaires. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie et le projet de stratégie nationale bas carbone devront être rendus publics après un conseil de planification en juin. Le projet de loi de programmation énergie-climat sera, quant à lui, présenté à l’automne.