Les membres du gouvernement continuent de multiplier les déclarations sur la nécessité d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Une manière de préparer l’opinion à un nouveau tour de vis ? Après Gabriel Attal, qui s’est déjà exprimé à plusieurs reprises sur le sujet, notamment la semaine dernière en marge d’un déplacement dans les Vosges, c’est Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, qui revient à la charge ce mercredi 6 mars, dans un entretien accordé au journal Le Monde. « Une réforme de l’assurance chômage est nécessaire pour atteindre le plein-emploi », estime le locataire de Bercy, qui pointe notamment la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi – pourtant passée de 24 à 18 mois au 1er février –, « l’une des plus longues parmi les pays développés ».
Mais le gouvernement pourrait aller plus loin, toujours à la recherche d’économie structurelle, en touchant à la gouvernance même de l’assurance chômage. « La responsabilité des partenaires sociaux, ce sont les salariés. La responsabilité de l’Etat, ce sont tous ceux qui sont au chômage. Pour ma part, je considère que l’Etat devrait reprendre la main sur l’assurance chômage de manière définitive », développe Bruno Le Maire. S’il ne donne aucune précision sur les modalités de cette reprise en main, on comprend bien qu’il s’agit de retirer au patronat et aux syndicats l’une de leurs prérogatives, ce qui viendrait bouleverser un système vieux de plus de 60 ans.
Assurer le financement de l’assurance chômage
L’assurance chômage est pilotée depuis 1958 par un organisme paritaire, l’Unédic (Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce). Sa création répond à une volonté du président Charles de Gaulle, qui avait réclamé des partenaires sociaux la mise en place d’un mécanisme assurantiel contre la perte d’emploi. L’Unédic est administré par un conseil qui rassemble, à parts égales, les représentants des confédérations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) et ceux du patronat (CPME, Medef et U2P).
Le fonctionnement de l’assurance chômage reste néanmoins encadré par l’Etat, qui impose notamment à l’Unédic un objectif d’équilibre financier. En France, le chômage est financé par les cotisations sociales et l’impôt. Pour faire simple : les allocations versées aux demandeurs d’emploi doivent être soutenues par les contributions spécifiques prélevées par l’employeur sur la fiche de paie des salariés. À cela s’ajoute une participation de l’Etat, qui reverse depuis 2019 une fraction de la CSG à l’assurance chômage. Il n’empêche, fin 2022, dans la foulée de la crise sanitaire, le déficit du système s’est creusé jusqu’à 60 milliards d’euros.
Fixer les règles d’indemnisation
Tous les 2 à 3 ans, en fonction de l’évolution du contexte socio-économique, le gouvernement adresse aux partenaires sociaux une lettre de cadrage qui présente les attentes de l’exécutif en matière de retour à l’emploi. La dernière en date est celle du 1er août 2023. Elle fixe notamment le principe de contracyclicité de la durée d’indemnisation, désormais modulée en fonction du taux de chômage.
Sur la base de ce document, les organisations patronales et les représentants des salariés ont quatre mois pour s’entendre sur les nouvelles règles d’indemnisation : quelles conditions remplir pour prétendre à des droits aux allocations ? Pour quels montants et quelle durée ?
L’accord entre les partenaires sociaux donne lieu à ce que l’on appelle « la convention d’assurance chômage ». Elle doit être validée par le Premier ministre, qui s’assure que ce document est conforme à la loi et répond aux objectifs qui ont été fixés dans la lettre de cadrage. Si le gouvernement refuse d’agréer l’accord entre syndicats et patronat, ou si ces derniers ne sont pas parvenus à s’entendre dans le délai imparti, l’Etat a la possibilité de fixer lui-même les règles d’indemnisation par décret. On parle dans ce cas de « régime de carence ».
L’Unédic et ses services veillent dans un second temps à ce que la réglementation soit bien appliquée. Notons qu’elle participe aussi au budget de fonctionnement de France Travail (ex-Pôle Emploi), auquel elle reverse 11 % des cotisations générales d’assurance chômage.