Stop fast fashion action in Bordeaux

Proposition de loi anti-fast fashion : en commission, le Sénat resserre le dispositif pour mieux cibler les géants chinois Shein et Temu

Très attendue, la proposition de loi visant à pénaliser la mode express, déjà adoptée à l’Assemblée nationale, pourrait être débattue au Sénat la semaine du 19 mai. En commission, les sénateurs ont affiné le dispositif pour empêcher les deux plateformes chinoises de mode en ligne de s’y soustraire. En revanche, certaines enseignes comme Zara et H&M devraient être épargnées par la législation.
Romain David

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C’est un texte qui cristallise l’attention des associations et nourrit l’inquiétude des industriels. Le Sénat a adopté en commission et à l’unanimité, ce mercredi 19 mars, la proposition de loi anti fast-fashion. Porté par les députés du groupe Horizons, ce texte, qui vise à responsabiliser l’industrie textile en encadrant certaines pratiques commerciales polluantes, a été voté à l’Assemblée nationale il y a tout juste un an et attend depuis sur le bureau du Sénat son inscription à l’ordre du jour. Une longue attente qui soulève la colère des ONG. Vendredi 14 avril, le collectif « Stop Fast-Fashion » a fait déverser 10 tonnes de déchets textiles devant les grilles du Jardin du Luxembourg pour appeler les parlementaires et le gouvernement à agir.

« Son inscription à l’ordre du jour du Sénat a été décalée. Le gouvernement espère qu’elle sera examinée avant l’été et que des mesures renforcées y figureront », avait fait savoir en février Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, lors d’une séance de questions d’actualité au gouvernement. Selon nos informations, le texte pourrait finalement arriver en séance la semaine du 19 mai.

Cette proposition de loi cible l’impact environnemental de certaines enseignes de mode qui depuis plusieurs années multiplient les collections à bas coûts sur de très courtes périodes, bien au-delà du traditionnel calendrier printemps-été et automne-hiver qui a longtemps régi ce secteur. L’objectif de cette « mode express » : satisfaire les demandes du consommateur en lui proposant une grande variété de vêtements répondant aux dernières tendances de la mode, le tout à des prix abordables.

« J’assume de cibler Shein et Temu »

L’agence européenne pour l’environnement estime que l’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de CO2. Quelque 2,6 milliards de pièces de textiles d’habillement, de linge de maison et de chaussures sont mises sur le marché chaque année en France, selon les chiffres de l’éco-organisme Refashion. Soit 624 000 tonnes de linge, qui représentent 9,5 kg par habitant.

La proposition de loi établit une définition de la fast-fashion, reposant sur des seuils quant au nombre de nouveaux modèles mis en vente par une enseigne sur une période déterminée. Ils devront être définis par décret. « Cette souplesse nous permet de cibler les deux géants chinois de vente en ligne, Shein et Temu, qui sont ma priorité, je l’assume car ils disposent d’une force de réactivité qui leur permet généralement de s’adapter aux législations », justifie la rapporteur LR Sylvie Valente-Le Hir auprès de Public Sénat.

Par ailleurs, l’élue souhaite épargner les entreprises françaises et européennes, notamment des enseignes comme Zara et H & M dont les pratiques ont pourtant déjà été épinglées. « C’est un point de divergence avec les travaux de l’Assemblée nationale, mais je ne veux pas reproduire ce qu’il s’est passé avec la fermeture de Camaïeu. On peut dire ce que l’on veut, mais ces marques font vivre des centres-villes », explique la sénatrice.

L’article deux, sans doute le plus sensible du texte, introduit un malus financier modulable aux producteurs de la filière textile sur leurs vêtements les plus polluants, notamment sur la base de critères de durabilité. Ces pénalités viendront financer les bonus reversés aux entreprises les plus vertueuses de l’industrie textile, selon le principe de l’éco-contribution.

« Nous n’allons pas interdire aux gens d’acheter de la fast-fashion »

Dans sa mouture initiale, l’article 3 de la proposition de loi interdisait la publicité pour les vêtements issus de la fast-fashion, sur le modèle de la loi Evin avec le tabac et l’alcool. Mais les commissaires au développement durable ont fait le choix de resserrer le dispositif. « C’est une sécurité juridique. Nous avons supprimé cette interdiction globale car elle aurait pu être interprétée par Bruxelles comme une entrave à la liberté d’entreprendre », explique Sylvie Valente-Le Hir. Dans cette nouvelle version de la proposition de loi, seuls les influenceurs se verront empêcher de faire de la publicité pour ces vêtements, « parce qu’ils en sont les principaux promoteurs », souligne la rapporteure.

Néanmoins, les enseignes auront l’obligation d’accompagner leurs campagnes publicitaires d’une information sur l’impact environnemental des produits, à l’image de ce qui se fait déjà dans l’alimentation avec le fameux slogan : « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ». « Nous n’avons pas interdit aux gens d’aller manger dans les fast-foods, et de la même manière nous n’allons pas interdire aux gens d’acheter de la fast-fashion, mais nous voulons faire en sorte qu’ils le fassent en connaissance de cause », pointe Sylvie Valente-Le Hir.

Le poids des lobbies

La sénatrice, qui a auditionné au cours de ses travaux des représentants de la plateforme Shein, mais aussi de Zara et H & M, reconnaît avoir senti « un important lobbying » de la part des enseignes qui pourraient être frappées par ce texte. « Les ministres aussi, ils ne nous l’ont pas caché. Il y a quelques jours, le patron de Shein a eu le droit à des tribunes ici ou là à l’occasion de son passage en France », pointe-t-elle.

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche ce week-end, Donald Tang, président exécutif du géant asiatique assure que « Shein n’est pas une entreprise de fast-fashion. » « La fast-fashion impose aux consommateurs les tendances définies par les marques, avec une production de masse. Notre modèle repose sur la production à la demande : nous fabriquons ce que les clients veulent porter », assure ce dirigeant. CQFD.

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