« Enlever les cailloux dans les chaussures de nos entrepreneurs » et « débureaucratiser », c’est ainsi que la ministre en charge des entreprises, Olivia Grégoire résumait les enjeux du projet de loi sur la simplification économique. Après avoir engagé leurs travaux en séance lundi, les sénateurs sont venus à bout de l’examen du texte ce 5 juin. Un vote solennel viendra conclure cette première lecture le 11 juin, avant le passage de relais à l’Assemblée nationale en juillet.
Dans ce texte d’essence très technique, abordant de nombreuses procédures que ce soit dans la commande publique, les assurances ou encore les décisions d’aménagement, le gouvernement s’est heurté sur quelques points emblématiques à l’opposition du Sénat, dominé par la droite et le centre. L’exécutif n’est pas parvenu à rétablir en séance l’article relatif au bulletin de paie très simplifié.
Refus net du Sénat d’un bulletin très simplifié
Cette mesure emblématique du texte n’était pas loin de faire l’unanimité contre elle. Le gouvernement veut limiter la fiche de paie à une quinzaine de lignes, résumant les grands agrégats, pour en faciliter la lecture. Cette modification relève surtout d’un texte réglementaire et d’une concertation avec les parlementaires sociaux, l’exécutif a toutefois besoin de passer par la loi pour modifier les modalités de transmission de données aux salariés.
Jusqu’en 2027, les entreprises devront conserver les données détaillées dans un fichier pour les salariés qui en feraient la demande, jusqu’à ce que l’administration ne prenne le relais. La majorité sénatoriale y a vu une mesure qui alourdira le quotidien des entreprises, la gauche a dénoncé une mesure qui rendra « opaque » le bulletin de paie.
Suppression du délai d’information préalable des salariés dans le cas d’une cession d’entreprise
Une autre bataille très politique s’est jouée sur le délai d’information imposée aux PME pour prévenir leurs salariés en cas de cession. Le gouvernement prévoyait de faire passer la durée de deux à un mois, estimant que le cadre actuel pouvait compromettre des cessions et dissuader les potentiels acquéreurs. La droite et le centre ont supprimé ce mécanisme, contre l’opposition de la gauche.
Le Sénat a également refusé trois demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances, dont celle pour simplifier les démarches des entreprises. Le gouvernement souhaitait en passer par là pour faire une revue des milliers de démarches chronophages ou encore supprimer une partie des 1800 formulaires Cerfa, qu’il s’est engagé à faire disparaître d’ici à 2030. Les sénateurs ont refusé de se voir « dépossédés » de leurs prérogatives de législateurs. « Vous pensez qu’on va vous donner un blanc-seing pour réformer ? » s’est exclamée la corapporteure Catherine Di Folco (LR).
Les projets industriels retirés des objectifs de baisse d’artificialisation des terres
À noter aussi que les sénateurs, à l’initiative du corapporteur Yves Bleunven (Union centriste), sont revenus à la charge sur les modalités du zéro artificialisation nette (ZAN), la trajectoire de diminution progressive de la bétonnisation, avec un premier objectif de réduction de moitié des nouvelles constructions d’ici 2030. Les sénateurs ont adopté un amendement pour exclure totalement les implantations industrielles et les projets d’intérêt national majeur du décompte des enveloppes d’artificialisation, pour la période 2021-2031.
Intégration d’un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises
L’examen fut aussi marqué par l’intégration au projet de loi d’un dispositif voté par le Sénat en mars : les tests PME. Les mesures, portées par Olivier Rietmann (LR), ont été prolongées en séance avec un amendement de la co-rapporteure Catherine di Folco. L’article 27 donne naissance à un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises, chargé d’évaluer les normes applicables aux entreprises. Composé notamment de représentants des différentes strates d’entreprises, ce Haut Conseil devra rendre un avis sur les projets de loi, assortis d’une étude d’impact, qui entraînent des conséquences techniques, administratives ou financières sur les entreprises.
Le gouvernement est favorable à la création d’une telle instance mais ne partage pas l’ensemble de son architecture imaginée au Sénat. Il refuse en particulier que ce haut conseil rende un avis sur les projets de textes réglementaires ayant un impact sur les entreprises. Olivier Grégoire a indiqué que cette extension pourrait « l’engorger ».
L’exécutif et les sénateurs divergent également sur la présidence. La commission des affaires économiques du Sénat souhaite que son nom soit choisi en Conseil des ministres, quand le gouvernement préfère une désignation par le Premier ministre.