Voté en première lecture par le Sénat le 24 janvier, et par l’Assemblée nationale le 21 mars, le projet de loi « relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » est proche de l’épilogue. La commission mixte paritaire (CMP), réunie ce 4 mai dans l’après-midi, chargée d’aboutir à un texte commun entre les deux assemblées, a été conclusive. Les sept députés et sénateurs sont parvenus à trouver un compromis après une heure et demie de réunion, a appris Public Sénat de sources parlementaires.
Ce projet de loi, dont l’objectif est d’alléger les procédures administratives et les délais en vue de l’installation de nouveaux réacteurs, va désormais pouvoir être adopté définitivement dans les prochains jours. La lecture des conclusions de la CMP est prévue le 9 mai au Sénat, puis le 16 à l’Assemblée nationale.
Une « dispense » de zéro artificialisation pour le nucléaire
Le Sénat a notamment obtenu gain de cause sur le fait de ne pas prendre en compte les nouveaux réacteurs et leurs infrastructures environnantes dans le calcul des surfaces artificialisées. Ce sujet « difficile » de la gestion de l’objectif national du « zéro artificialisation nette » a fait l’objet de longues négociations. Selon la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR), membre de la CMP, ces surfaces ne seront pas comptabilisées dans le crédit des communes et des régions d’appartenance, et feront l’objet d’un « compte à part ». Une loi « avant le 1er janvier 2024 » devra déterminer ces modalités dérogatoires.
L’autre point important de cette commission mixte paritaire, c’est la disparition de l’article 11 bis. Il s’agissait du reliquat du projet de fusion de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), qui contrôle les installations, et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), chargé de l’expertise technique et de la recherche. Cette article controversé, introduit en commission à l’Assemblée nationale, a été ensuite retoqué en séance publique.
Plus aucune trace du sujet de la fusion ASN-IRSN
Les députés ont réécrit l’article, en précisant que la sécurité nucléaire devait reposer sur « une organisation duale » composée de l’ASN et de l’IRSN. « On a complètement évacué l’article, on ne pouvait pas traiter ça sur un coin de table en CMP », résume le sénateur LR Daniel Gremillet, rapporteur du projet de loi au Sénat. Pour rappel, l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) doit remettre un rapport cet été sur les conséquences d’une fusion entre les deux organismes. Il a été saisi par la commission des affaires économiques du Sénat.
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Une petite nouveauté néanmoins : le texte issu de la CMP donne la possibilité à l’ASN de recruter de nouveaux personnels avec des contrats de droit public ou privé. « Il faut leur donner les moyens de recruter, compte tenu des besoins », explique le sénateur Daniel Gremillet.
Le texte rédigé conserve également la suppression l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici 2035, inscrite dans le Code de l’énergie. Cette modification avait été introduite dès les premiers débats, au Sénat.
Le rapporteur sénatorial précise également que certains apports, sur l’amélioration de la sécurité, ont été conservés dans le texte final. C’est le cas de l’un de ses amendements exigeant que les rapports de sûreté, émis à l’occasion d’autorisations ou de procédures de réexamen, tiennent compte des effets du réchauffement climatique ou de la sécurité des équipements. Les risques liés à la cybersécurité sont aussi pris en compte.
À l’issue de cet après-midi de travail, les principales forces représentées dans cette CMP ne boudaient pas leur plaisir. Pour le député Antoine Armand (Renaissance), rapporteur de la Commission d’enquête sur l’indépendance énergétique, cet épilogue « illustre le large consensus national pour relancer enfin, durablement et massivement, notre filière nucléaire qui sera l’un des piliers de notre stratégie énergétique ». Pour le sénateur Daniel Gremillet, cette CMP marque « la confirmation des débats lancés au Sénat sur l’ambition de retrouver une capacité énergétique pour notre pays et des choix d’investissements sur le nucléaire ».