Projet de loi industrie verte : Bruno Le Maire fait plusieurs pas en direction des sénateurs

Auditionné sur le projet de loi censé doper l’implantation d’usines-clés dans la transition écologique, le ministre de l’Économie s’est dit ouvert à plusieurs modifications pour satisfaire les demandes de la chambre haute.
Guillaume Jacquot

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Le projet de loi « industrie verte », censé favoriser les implantations d’usines en France dans le cadre de la transition écologique, sera un nouveau texte sur lequel le Sénat aura l’occasion de s’exprimer en premier, au mois de juin. À l’occasion de l’audition du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et du ministre de l’Industrie, Roland Lescure, les sénateurs ont émis ce 31 mai des réserves sur certaines dispositions du texte présenté par le gouvernement. Attaché à dégager une majorité sur un projet de loi qu’il qualifie de « stratégique pour la nation » voire de « révolutionnaire », Bruno Le Maire a pris bonne note des doléances sénatoriales, en appuyant à plusieurs reprises leur discours.

Pour encourager la réindustrialisation du pays dans des secteurs clés pour la décarbonation, le projet de loi propose de réduire les délais administratifs en matière d’autorisation. L’exécutif se donne pour objectif de diviser par deux l’attente, en la faisant passer en moyenne de 18 à seulement 9 mois. Plutôt qu’une succession d’étapes, le texte vise à permettre à plusieurs examens et procédures de pouvoir progresser en « parallèle ».

Le gouvernement prêt à redonner du poids aux maires pour les implantations de grands sites

Un « cadre exceptionnel » est même prévu, à l’article 9, pour les sites les « projets d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique », définis par décret. L’État aurait la main sur la délivrance de l’autorisation et aurait le pouvoir de mettre d’office en comptabilité les documents de planification et d’urbanisme. Une petite bombe dans une assemblée de parlementaires dont la mission est de représenter les maires. « Ce fameux article réussit à faire l’unanimité contre lui », a constaté Sophie Primas (LR), la président de la commission des affaires économiques. « La participation des élus locaux est réduite à la portion congrue », a renchéri Laurent Somon (LR), l’un des quatre corapporteurs du projet de loi. Le ministre a tenu à rassurer son auditoire en précisant que cette procédure ne serait activée que pour quelques sites « majeurs », comme l’usine géante de batteries électriques automobiles de Douvrin (Pas-de-Calais), inaugurée en grande pompe ce mardi.

Ce rappel étant fait, le ministre s’est dit « évidemment ouvert » à toute correction et à s’en remettre à la « sagesse » des sénateurs pour aboutir, par exemple, à une solution de type « avis conforme ». « Je suggère que nous amendions le texte sur ce point, pour nous assurer que cela ne se fait jamais contre les élus locaux », s’est-il engagé.

Bruno Le Maire veut exclure l’industrie verte du décompte du zéro artificialisation nette

Une autre difficulté est apparue aux yeux des sénateurs. Elle est majeure, puisqu’elle concerne le foncier, sans lequel rien n’est possible, quand bien même les autorisations et les financements sont là. Comment concilier l’implantation de nouvelles usines avec la contrainte du « zéro artificialisation nette » (ZAN) ? Plusieurs intérêts se heurtent à cet objectif de la loi Climat-Résilience, qui vise à stopper la progression des espaces bâtis. Le rapporteur Laurent Somon s’est dit « surpris » que le texte ne comporte « aucun dispositif d’exemption » des projets industriels verts des décomptes du ZAN.

Sur ce sujet, le ministre a annoncé que des « décisions » seraient prises dans le cadre de la proposition de loi votée par le Sénat en mars pour faciliter la mise en œuvre du ZAN. Celle-ci sera examinée par les députés le 21 juin. À titre personnel, Bruno Le Maire s’est posé résolument en soutien d’une solution qui privilégiera les activités économiques favorables à la transition écologique. « Je souhaite que les projets industrie verte soient exemptés du ZAN, sans quoi nous aurons beaucoup de mal », a-t-il déclaré, laissant le soin « à la sagesse » des parlementaires les modalités exactes. « Il me semble que le minimum, c’est de mettre l’ensemble des projets industriels répondant à la définition européenne de l’industrie verte », a-t-il préconisé.

Rapporteure d’une mission sur la mise en application du ZAN, Valérie Létard (Union centriste) a demandé des précisions sur la façon dont le ministre envisage de sortir les sites industriels verts. Pour sa part, Bruno Le Maire plaide pour une exclusion, qu’il s’agisse de projets d’intérêt national, d’entreprises à taille intermédiaire ou de PME. « Je sais que d’autres plaident pour un compté à part. Je pense qu’à force de compter à part beaucoup de projets, on va se retrouver avec l’intégralité du pays mis en stock et difficile ensuite à répartir », a-t-il déclaré ensuite. Le « compté à part » suppose de répartir le chiffre des nouvelles surfaces industrielles entre plusieurs régions. Et c’est ce terme qu’a employé le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, lors de l’examen de la proposition de loi du Sénat qui facilite l’application ZAN. À ce stade, Bruno Le Maire s’est uniquement exprimé au nom de son ministère, puisque la position du gouvernement sur ce sujet « n’est pas encore définitivement arbitrée ».

Le budget 2024 devra concrétiser certains articles du projet de loi

En matière de calendrier budgétaire, le ministre est toutefois resté droit dans ses bottes. L’un des dispositifs phares du projet de loi, la création d’un crédit d’impôt « industrie verte » pour attirer les capitaux dans certaines filières de la transition écologique, ne sera pas concrétisé avant le prochain budget, à la fin de l’année donc. « N’aurait-il pas été précieux de ne pas perdre les six prochains mois », s’est demandé la sénatrice Sophie Primas. « Il me semble que nous pouvons attendre le projet de loi de finances, pour le faire », a répondu le ministre. Selon lui, une adoption du projet de loi industrie verte enverrait de toute manière une « indication » en direction des investisseurs.

Financé grâce à la « réduction de niches fiscales sur les énergies fossiles » ou l’un alourdissement des taxes sur les véhicules les plus lourds, ce crédit d’impôt ne visera pas toutes les cinq grandes technologiques citées dans le projet de loi. Il s’appliquera aux investissements pour la production de batteries électriques, de pompes à chaleur, d’éoliennes et de panneaux solaires, mais pas à l’hydrogène vert, lequel a déjà bénéficié d’investissements substantiels dans le cadre de France 2030, a précisé le ministre.

Le projet de loi sera étudié dans les différentes commissions compétentes – quatre au total (affaires économiques, aménagement du territoire, finances et lois) – le 14 juin, avant un examen en séance publique le 20 juin.

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