L’addition des mesures de soutien aux ménages français face à la crise énergétique devient salée. Le cumul a déjà atteint 4,2 % du PIB en France, contre 2,5 % en moyenne dans l’UE, selon un rapport d’une agence européenne publié en juillet. En vigueur depuis l’automne 2021, le bouclier tarifaire sur l’électricité, qui vise à contenir la hausse des tarifs pour l’ensemble des ménages, s’apprête à être reconduit pour une nouvelle année. La situation inquiète la majorité sénatoriale, opposée à la largesse d’un dispositif allégeant toutes les factures de façon « aveugle », en « flagrante contradiction avec les promesses de sortie du quoi qu’il en coûte ».
« La reconduction proposée, évaluée à 10 milliards d’euros, nous paraît devoir être remise en cause, en introduisant des mesures de ciblage », a opposé le sénateur Jean-François Husson (LR), ce 27 novembre 2023, lors des débats sur cet article important du projet de loi de finances (PLF). Le rapporteur général de la commission des finances, s’appuie en particulier sur une note critique du Conseil d’analyse économique (une instance de réflexion qui conseille Matignon) de juillet 2023 sur l’étendue généreuse de l’aide. « En valeur absolue, les ménages les plus aisés ont davantage bénéficié du bouclier tarifaire que les ménages les plus modestes », pointait notamment le CAE.
À l’heure de la recherche d’une trajectoire plus soutenable pour les finances publiques, pas question pour la droite de cautionner la reconduction d’un dispositif large, dont le coût avoisine le budget de la Justice. Les sénateurs ont ainsi sorti les particuliers du bouclier électricité, lequel consiste à maintenir à un niveau bas l’accise sur l’électricité.
Une aide ciblée sur les six premiers déciles, dans la version sénatoriale
Ce vote ne signe pas pour autant la fin brutale du mécanisme d’aide. La semaine prochaine, lors des débats sur le volet dépenses, la commission des finances proposera un chèque pour les 60 % des ménages (18 millions) du pays les plus modestes. Pour ce public, l’aide sera « au moins équivalente » au dispositif gouvernemental, et même renforcée pour les classes populaires et les familles nombreuses, selon l’amendement. Seule différence avec le bouclier gouvernemental : les 4 foyers sur 10 en haut du classement des revenus ne bénéficieront pas d’appui. « Cet amendement a pour objet d’introduire un dispositif ciblé. Il sera évidemment moins coûteux pour les finances publiques, de l’ordre d’un bon milliard d’euros d’économies, ce qui n’est pas rien », a détaillé Jean-François Husson.
Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics, a estimé que cette solution constituait une « vraie divergence » avec le gouvernement. Selon ses calculs, contestés par Christine Lavarde (LR), l’amendement du rapporteur aurait pour conséquence de renchérir les prix de l’électricité de 20 % (hors compensation), « soit en moyenne 260 euros par an », avec le rétablissement du tarif normal de l’accise. L’autre difficulté aux yeux du gouvernement, c’est la forme du deuxième étage du mécanisme sénatorial. « Si on veut sortir collectivement du quoi qu’il en coûte, et de la période de crise, il faut aussi voir savoir renoncer aux dispositifs de chèques », a encouragé le ministre. Et d’ajouter : « Vous ne ferez pas plus d’économies que nous. »
Le 23 novembre, en ouverture des débats le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire avait pourtant qualifié la proposition du rapporteur de « bonne, utile et justifiée ». Avant de tempérer : « Nous sommes prêts à le faire, à condition que la hausse du prix de l’électricité pour les ménages soit limitée à 10 % en février 2024 et de l’expliquer très clairement à nos concitoyens. J’en ai pris l’engagement auprès d’eux et j’aime tenir mes engagements. »
« On doit envoyer un message qui est la responsabilisation », a insisté ce lundi le rapporteur général, considérant que les ménages les plus aisés ont la capacité de faire des arbitrages dans leurs dépenses.
L’amendement Husson a même reçu un soutien des écologistes. « C’est un moment un peu de gauche », s’est amusé le sénateur Ronan Dantec. Un qualificatif avec lequel le principal intéressé à tenu à prendre ses distances. « Je n’ai pas le souvenir que la gauche ait proposé des amendements avec des économies d’un peu plus d’un milliard d’euros. »
Les socialistes ont souhaité s’abstenir. Franck Montaugé a objecté que ni le mécanisme du gouvernement, ni celui de la commission des finances ne permettait de répondre à la question de fond, à savoir un prix construit qui doit mieux refléter les prix de production en France.