Un Salon de l’Agriculture inédit. Blocages à l’ouverture, tensions entre agriculteurs et forces de l’ordre, un Président de la République organisant au pied levé une table ronde avec des exploitants en colère, un Premier Ministre deux fois porte de Versailles en moins de 24 heures. L’édition 2024 du salon restera dans les annales. Alors que 91% des Français déclarent soutenir leurs agriculteurs selon le dernier sondage Odoxa, la pression se fait de plus en plus forte sur le gouvernement.
L’occasion pour les ministres de réagir à l’ensemble des événements qui ont marqué le début du Salon mais également d’expliciter les mesures annoncées par l’exécutif.
« Le Président de la République n’imaginait pas qu’il allait être accueilli par des pétales de rose »
Interrogé sur l’accueil chaotique du Président de la République lors de l’ouverture du Salon, samedi 24 février dernier, Christophe Béchu a voulu tempérer cet accueil : « Le Président de la République n’imaginait pas qu’il allait être accueilli par des pétales de rose » a-t-il réagi avec ironie tout en reconnaissant une « tension » et une « forme de chaos dans l’organisation ».
Le ministre de la Transition écologique a également dénoncé les accointances politiques entre la Coordination rurale et le Rassemblement National, affirmant qu’ « il y a peu de gens qui doutent » que la Coordination rurale « roule pour le RN ». Pour autant, l’ancien maire d’Angers explique qu’ « on ne peut résoudre le Salon ni aux organisations syndicales, ni à ce qu’il s’est passé le 1er jour », estimant pour sa part qu’ « il faudrait être de mauvaise foi pour considérer qu’il y avait des gens qui n’étaient là que pour parler (…) mais qui cherchaient plutôt à montrer leur colère ».
Des « complexités » administratives « qui pénalisent tout le monde »
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s’est ensuite attardé sur la difficile, mais non moins nécessaire conciliation entre écologie et agriculture. « L’écologie sans les agriculteurs est totalement hypocrite », a-t-il fait remarquer, considérant qu’ « on ne peut pas prendre des normes (…) et constater à la fin qu’elles font reculer la part de l’agriculture française en France ». Cependant, le locataire de l’Hôtel de Roquelaure refuse d’évacuer ses responsabilités dans cet empilement de normes : « Il y a une responsabilité politique (…), je balaye devant ma porte sur des textes qui se sont ajoutés ».
S’adressant ensuite à Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, qui l’a questionné sur la multiplication des contraintes écologiques, Christophe Béchu a néanmoins tenu à renvoyer toutes les parties à leurs obligations : « J’attends des organisations syndicales qu’elles ne pointent pas l’écologie comme étant un problème » tance-t-il, pointant que « le lien de confiance est dans les deux sens ». « On a besoin les uns des autres » incite le ministre, qui reconnaît toutefois que « le travail de simplification est un combat » face à « des complexités qui pénalisent tout le monde ».
Même son de cloche pour Agnès Pannier-Runacher qui déclare en avoir « assez de voir parler de l’agriculture en négatif ». « On est capable d’être compétitifs sur des produits tout en respectant et en rémunérant mieux les agriculteurs », souligne-t-elle, se réjouissant des accords tripartites mis en place par certains acteurs de la grande distribution, des producteurs et les intermédiaires pour veiller à payer « au juste prix » la production.
« Il n’y a plus de marché du bio », alerte un agriculteur
Confronté à un agriculteur qui déplorait devoir arrêter le bio face à des ventes qui s’effondrent (baisse de 20% des ventes en un an), estimant qu’ « il n’y a plus de marché », Christophe Béchu a tenu à répondre aux inquiétudes, notamment vis-à-vis de la concurrence étrangère : « On ne peut pas continuer à accepter des règles de concurrence déloyale qui consistent à laisser entrer en France des produits faits avec des choses interdites », tonne-t-il, tout en pointant le rôle essentiel du consommateur dans l’aggravation du phénomène : « On déplore la déforestation alimentaire, mais on l’alimente en consommant des produits qui viennent du bout du monde » alerte le ministre, qui constate que « la part de l’agriculture dans nos assiettes recule ». « Il n’y aura pas d’écologie si nous ne sommes pas capables d’augmenter la part de production et de retrouver notre souveraineté alimentaire ».
De la même manière, Christophe Béchu s’est réjoui de la fin annoncée des produits phytosanitaires, réputés cancérigènes : Soulignant la nécessité de « baisser l’usage des produits phytopharmaceutiques dans notre pays », il s’est félicité que « depuis 2018, 96% des produits phytosanitaires classés cancérigènes ont été éradiqués ».
« Prolonger le sens de la loi EGALIM »
Pour autant, cette volonté française de rendre l’agriculture plus verte, plus durable et mieux rémunératrice des agriculteurs se heurte à un niveau européen, souvient bien inférieur en termes de normes et de protection de l’environnement : « Il n’y a plus de règlement européen sur les pesticides » s’est alarmé Christophe Béchu, égratignant au passage les positions de la France Insoumise « qui estime que l’on n’en fait pas assez », et le Rassemblement National « qui pense que l’on en fait trop », et qui « finalement votent tous les deux contre ». « La transition on la réussira ensemble ou on la ratera ensemble », tonne le ministre. Même constat pour Agnès Pannier-Runacher pour qui « un produit qui est réalisé, produit, transformé, transporté et vendu en France à un consommateur français, doit relever du droit français ».
S’attardant ensuite sur les mesures franco-françaises déployées par l’exécutif à l’occasion des différentes prises de parole d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal, la ministre déléguée a tenu à rappeler que de gros chantiers avaient déjà été engagés, en particulier sur la rémunération. Faisant référence au plan d’urgence de trésorerie, dont les premiers versements ont commencé « mi-février », mais que beaucoup d’agriculteurs n’ont pas encore touché, Agnès Pannier-Runacher a appelé à « collectivement faire connaître ces dispositifs ». Néanmoins, elle reconnaît que « sur le partage de l’eau, la gouvernance doit évoluer », faisant écho à la décision du Président de la République de reconnaître l’agriculture comme étant un « intérêt général majeur », mesure réclamée par la FNSEA et qui devrait permettre une « priorité d’usage de l’eau » pour les exploitants.
Questionnée également sur l’avenir de la loi EGALIM, réformée déjà à 2 reprises depuis son introduction en 2018, la ministre s’est déclarée en faveur de « prolonger le sens de la loi » en ayant notamment davantage recours à la « contractualisation » qui permet à l’éleveur de proposer son propre contrat en incluant certains critères de vente. Si la ministre se réjouit que cela soit devenu quasiment la norme dans la filière laitière, c’est en revanche bien moins le cas dans la filière bovine où « seulement 25% » y ont recours.