En 2022, le gouvernement commande aux Inspections générales un rapport sur la tension des logements en zones touristiques. Rendu en juin 2022, le rapport pointe « une urgence dans de nombreux territoires touristiques ». C’est pourquoi Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, a constitué un groupe de travail sur ce sujet. En y associant les élus, mais aussi les acteurs privés. La principale conclusion, dévoilée hier, est que des mesures nationales sont possibles, mais l’efficacité passe par « la mobilisation des outils de politique de l’habitat par les collectivités territoriales ». Les 14 mesures annoncées par le gouvernement visent notamment à renforcer les outils mis à la disposition des élus locaux, pour réguler les logements meublés de tourisme.
Agnès Canayer (LR) se félicite de la concrétisation d’un « sujet réclamé depuis longtemps », mais elle reconnaît cependant qu’il « n’y a pas grand-chose » dans ces annonces. De son côté, Mickaël Vallet (PS) est beaucoup plus critique. Il s’insurge principalement contre « l’absence de volonté » de l’exécutif à encadrer les agences de location, type Airbnb, qui est la source du problème. Des outils sont proposés aux maires, mais « l’essentiel n’est pas là », explique-il. Toutefois, certaines mesures trouvent grâce à ses yeux, notamment le triplement du nombre de communes classées en zone tendue.
Constituer une meilleure connaissance des zones sous-tensions
Les mesures annoncées par le gouvernement se répartissent en quatre axes. Le premier est d’améliorer la connaissance des logements permanents. Un observatoire du logement dans les territoires touristiques sera créé à cette fin. Un nouvel observatoire qui se perdra dans la multitude des autres, pense Mickaël Vallet. Il a pour ambition « de fournir aux élus des éléments de documentation […] permettant de caractériser les difficultés d’accès au logement ». L’exécutif veut vraiment permettre aux collectivités territoriales des clés de compréhension sur l’état du marché immobilier de leur région. Près de la moitié des mesures annoncées vont dans le sens d’une meilleure compréhension du manque des logements permanents en zones touristiques. Chaque commune est impactée d’une manière bien différente. Ainsi, Agnès Canayer, sénatrice de Seine-Maritime, explique que la ville d’Étretat n’est pas encore confrontée à cette problématique. Alors que pour le sénateur de Charente-Maritime, Mickaël Vallet, « c’est l’enfer » dans son département. Il rappelle d’ailleurs que c’est le « 2ème département touristique en termes de nuitées après le Var ».
Le nombre de communes relevant d’une « zone tendue » va également être étendu. Une nouvelle liste sera dévoilée dans quelques jours, comportant 3 693 communes. Cette liste regroupe les communes qui font face à des difficultés particulières d’accès au logement. Il s’y appliquera désormais la taxe nationale sur les logements vacants (TLV). Perçue par l’Etat, elle est payée par les propriétaires d’un logement non meublé vacant depuis au moins 1 an. Plus de 60% de ces communes sont « touristiques », et font de fait face à une tension importante au niveau du logement. Elles se situent principalement le long des littoraux, mais aussi dans la région PACA, l’Ile-de-France et la Corse. Toutes ces communes rencontrent le « besoin énorme d’un logement permanent ». Les autres mesures annoncées par l’exécutif entendent donc répondre à cette demande, en organisant un meilleur « équilibre entre logements touristiques et logements à l’année ». Elles n’ont pas vocation à privilégier l’un ou l’autre, mais à les concilier. Agnès Canayer rappelle toutefois que « le problème fondamental est l’incapacité des populations locales à se loger dans leurs propres communes ».
Rendre plus intéressantes les locations de longue durée
Le sens des 14 mesures est d’inciter les propriétaires à privilégier les logements permanents, aux locations de courtes durées. Ces dernières ont explosé avec les plateformes en ligne. L’exécutif compte notamment sur une fiscalité plus favorable pour les locations de longue durée. La sixième mesure annoncée prévoit ainsi « d’engager des réflexions sur la fiscalité ». Et c’est là que le bât blesse pour Mickaël Vallet. Ironiquement, il se dit content de « l’engagement », mais attend des mesures concrètes. Il explique que le temps n’est plus à l’engagement d’une réflexion. Les communes ont besoin d’outils pour corriger la situation. A terme, le gouvernement veut « redonner un cadre fiscal plus simple et plus juste », qui « permette de favoriser le développement d’une offre locative de qualité et de longue durée ». Et pour contrôler tout ça, une base unique de données verra le jour en appariant « le numéro d’enregistrement avec le numéro fiscal du logement ».
D’autres pistes annoncées sont encore au stade d’analyse. C’est notamment le cas d’une adaptation des PLU. Le ministère du logement songe à y inclure le principe « d’une servitude de résidence principale ». Les communes pourraient favoriser « le développement d’une offre de logements qui serait exclusivement et dans la durée affectée à l’usage de résidences principales ». L’exécutif veut aussi donner la possibilité aux élus locaux d’appliquer « aux meublés de tourisme les mêmes règles d’interdiction de location des passoires énergétiques, que pour les locations de longue durée ». Mais cette décision relèvera de l’autorité des maires. De même, les communes en « zone tendue » auront la possibilité de majorer, jusqu’à 60 %, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
La question épineuse des plateformes de locations
Les sénateurs restent très critiques sur l’impact réel des mesures. Ils déplorent notamment l’absence de mesures concernant les plateformes de locations, qui « permettent aux propriétaires de sortir leurs logements » du marché, explique le sénateur de l’Aude Sébastien Pla (PS). Il rapporte que les élus locaux sont « désabusés que les plateformes soient en dehors de tout contrôle, de tout radars », alors que la tension immobilière est de leur fait. Philippe Tabarot (LR) appelle à « ne plus subir » la politique des plateformes, qui représentent « une nuisance sans apporter d’intérêts financiers ».
Quel que soit le département ou la couleur politique, les sénateurs sont unanimes. Le manque de logements permanents en zones touristiques ne peut être corrigé sans « reprendre la main » vis-à-vis de ces plateformes. Mickaël Vallet déplore que le gouvernement ne s’attaque pas « à la fiscalité des plateformes de locations », alors qu’elles sont responsables du « déséquilibre du marché ». Il plaide pour que l’Etat affirme son autorité sur ces acteurs. Le gouvernement déclare vouloir responsabiliser les maires, mais ils ont « besoin de voir que le cadre d’action » est là, explique le sénateur de Charente-Maritime. Les mesures du gouvernement sont donc perçues comme très timides par les sénateurs, bien loin de corriger en profondeur la situation. Elles permettront « de réguler pour des territoires moyennement tendus », poursuit Mickaël Vallet. Mais le changement radical attendu n’a pas encore été annoncé, et s’attaquer aux plateformes de locations de logements saisonniers semblent être une condition sine qua non.