Lutte contre la fraude : « Toutes les annonces sont bonnes à prendre », souligne Nathalie Goulet (UC)
Par Alexis Graillot
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Véritable tournant en matière de lutte contre la fraude ou annonces sans lendemain ? Quoiqu’il en soit, même si Bercy se félicite des montants mis en recouvrement l’an dernier, 15 milliards d’euros pour la fraude fiscale, 2 milliards d’euros pour la fraude sociale, le ministre des Comptes publics souhaite passer à la vitesse supérieure. « La quasi-totalité des mesures du plan de Gabriel Attal ont été mises en œuvre et portent leurs fruits. Je suis convaincu qu’il faut poursuivre l’offensive », indique-t-il auprès de nos confrères des Echos.
Alors que Bruno Le Maire martèle depuis plusieurs semaines vouloir réduire la dépense publique, le gouvernement veut également esquisser une nouvelle piste de recettes, alors que celles-ci se sont effondrées en 2023, atteignant un plus bas historique depuis 2011 en pourcentage du PIB (51.9%). Une baisse expliquée selon l’INSEE, par « le ralentissement de l’économie, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus ».
« Plus on lutte contre les voleurs, moins on prend dans la poche des contribuables »
A la clé notamment, « des nouvelles pistes à explorer » en matière de lutte contre la fraude aux aides publiques. Thomas Cazenave propose ainsi la suspension provisoire du versement des aides, aussitôt que Tracfin, principal service de renseignement contre la fraude, fait remonter un premier signalement. Il faut dire que pour certaines aides, le taux de recouvrement est famélique. « Sur MaPrimeRénov’, par exemple, j’ai reçu des signalements de Tracfin pour environ 400 millions d’euros », explique-t-il. Pour autant, seulement 10 millions d’euros seraient effectivement recouvrés, soit un taux de 2.5%.
D’autant plus que certaines entreprises éphémères semblent avoir fait de la fraude, un véritable sport national. Face à cette gangrène, l’exécutif propose de retarder la transmission universelle de patrimoine (TUP), en reportant le délai légal d’opposition des créanciers (y compris l’Etat) de 1 à 2 mois, ainsi qu’en rendant la publication obligatoire du mécanisme auprès du Bulletin officiel. Dans la même lignée, le ministre propose de rendre solidaires financièrement l’ensemble de la chaîne de la fraude, afin que les ordonnateurs soient également sanctionnés.
Des mesures vues d’un bon œil par Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, alors que la Cour des comptes avait pointé dans un rapport de novembre 2023, que « contrairement à de nombreux pays, la France ne dispose d’aucune évaluation rigoureuse de la fraude fiscale ». « Les aides publiques ne sont jamais conditionnées », torpille-t-elle, déplorant qu’il n’y ait « aucun contrôle sur la défiscalisation des associations ». De son côté, elle propose de doter l’institution financière, d’un véritable « pouvoir de sanction ».
Même son de cloche pour la sénatrice sur la fraude sociale, alors que le montant des redressements lié au travail dissimulé, a explosé en 2023, passant de 788 millions à presque 1.2 milliard. « Donner droit à un aviseur social (NDLR : personne chargée de donner des renseignements aux administrations sociales sur d’éventuels agissements frauduleux d’un bénéficiaire, contre rémunération) est une très bonne idée », juge la sénatrice. « Plus on lutte contre les voleurs, moins on prend dans la poche des contribuables », souligne-t-elle.
« L’arbitrage des dividendes n’est pas du tout abordé »
Saluant que « toutes les annonces sont bonnes à prendre », puisque cela « montre la volonté de Gabriel Attal sur le sujet », la sénatrice de l’Orne rappelle le plan présenté par Bercy en mars 2023, alors que la Cour des comptes estime le montant de la fraude fiscale entre 60 et 80 milliards d’euros, jusqu’à 100 milliards selon les données de Solidaires Finances Publiques, syndicat majoritaire à la DGFIP.
Néanmoins, elle se montre prudente au regard du non-traitement de certains sujets, qui font pourtant l’objet d’un consensus transpartisan : « L’arbitrage des dividendes n’est pas du tout abordé », regrette-t-elle, soulignant « qu’il faut voir le texte, l’application, les dispositifs mis en place, et quels moyens humains on se donne ».
Non sans évoquer, le travail mené avec sa collègue LFI de l’Assemblée nationale, Charlotte Le Duc, qui doit aboutir « sur une proposition de loi sur la fraude à l’arbitrage des dividendes ». « C’est quand même 3 milliards par an », rappelle-t-elle. Une proposition cosignée par de nombreux sénateurs de tous bords. « L’évasion fiscale est un fléau majeur qui coûte chaque année entre 80 et 120 milliards d’euros aux finances publiques. C’est 2 fois le budget de l’Education nationale et plus de 8 fois le budget du ministère de la justice », soulignent les élus, qui proposent « d’appliquer automatiquement la retenue à la source de 30 % à tous les flux financiers partants à l’étranger ». En l’état, Nathalie Goulet se veut optimiste sur le futur vote du texte : « J’ai bon espoir », commente-t-elle sobrement.
En parallèle, l’exécutif précise également vouloir durcir sa politique en matière de cryptoactifs, alors que seulement 3% des Français disposant de cryptomonnaies, déclareraient ces revenus à la DGFIP, selon une étude de la BCE. Autre sujet dans le viseur du gouvernement : le fret maritime. Sur ce point, nos confrères des Echos expliquent que « Bercy va exiger des compagnies maritimes davantage d’informations sur les marchandises transportées ». Un partage d’informations désormais au cœur de la stratégie française de lutte contre la fraude. A ce titre, le ministre des Comptes publics annonce autoriser l’accès au fichier des comptes bancaires (Ficoba) pour les organismes chargés des aides.
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