Tout faire pour éviter une recrudescence du mouvement de colère, alors que l’impatience monte dans les exploitations. À trois jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, le gouvernement s’est à nouveau exprimé ce mardi 21 février, pour faire le point sur le suivi des engagements pris en faveur des agriculteurs ces dernières semaines, et apporter de nouvelles réponses aux revendications, alors que plusieurs actions de mobilisation ont émaillé le territoire ces dernières heures.
« Jamais autant d’avancées n’auront été mises en œuvre pour nos agriculteurs en si peu de temps », a affirmé Gabriel Attal depuis Matignon, trois semaines après sa première conférence de presse sur la question agricole.
« 100 % des chantiers ont été ouverts », a-t-il détaillé, en référence aux 62 engagements pris au début du mois. Sur cette feuille de route, il affirme que « huit engagements sur dix » ont « abouti » ou « sont sur le point d’aboutir ». « Nous avançons vite, nous allons continuer à avancer vite », a-t-il exprimé. Une manière très concrète pour les agriculteurs sera de juger sur leurs comptes bancaires. « De la trésorerie arrive dans des milliers d’exploitations », a assuré le Premier ministre. Outre l’ouverture de guichets pour le versement de fonds d’urgence en réponse à des crises climatiques ou sanitaires, Matignon a aussi indiqué que « 99,61 % des aides de base de la PAC » avaient été versées. Un objectif de 100 % d’ici le 15 mars a été pris.
Un nouveau texte Egalim d’ici cet été
Au-delà des mesures d’urgence, le gouvernement promet d’approfondir sa réponse législative, pour renforcer le cadre des dispositifs Egalim, qui encadre les négociations entre les distributeurs et leurs fournisseurs agro-industriels. Annonçant un projet de loi « à l’été », Gabriel Attal a précisé que le texte se fonderait sur les conclusions d’une mission parlementaire par les députés Alexis Izard (Renaissance) et Anne-Laure Babault (MoDem). L’idée est de « renforcer le poids des agriculteurs dans les négociations commerciales ». Le chef du gouvernement espère un renforcement de la logique selon laquelle le prix doit partir des coûts de production, mais aussi traiter la problématique des centrales d’achat situées hors de France. Sur ce point, Matignon pousse toujours pour un « Egalim européen ».
À ce titre, le ministre de l’Économie et des Finances a livré un bilan du renforcement des opérations de contrôle, en pleine période de négociations commerciales annuelles. Deux centrales d’achat européennes de la grande distribution, qui n’ont pas respecté la loi française, sont actuellement ciblées par des « pré-amendes » s’élevant à plusieurs « dizaines de millions d’euros ». Quant aux fraudes sur l’origine française des produits : sur 1 000 établissements contrôlés, 372 ne respecteraient pas ce label ou seraient en non-conformité. « Nous serons intraitables sur le respect de cette origine », a promis Bruno Le Maire, annonçant de premiers procès-verbaux « dans les prochains jours ».
Le Premier ministre veut aussi accélérer sur l’usage des produits français. Une Conférence des solutions associant Etat et collectivités sera convoquée d’ici avril, pour que ces dernières intègrent plus de produits durables et de qualité, ainsi que de bio, dans la restauration collective.
Compétitivité : Gabriel Attal assure que les trois quarts du texte « Ferme France » du Sénat ont été repris
En matière de compétitivité, Gabriel Attal a rappelé que le gouvernement s’était engagé sur la reconduction du dispositif TO-DE, pour l’embauche de travailleurs saisonniers. Il consiste en une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires. Pour faciliter les attributions de visas de travailleurs saisonniers, un arrêté sera prochainement publié pour faire de l’agriculture un secteur « en tension ». D’autres dispositions devraient suivre dans les prochains textes budgétaires de fin d’année.
Gabriel Attal en a profité pour adresser un message à la chambre haute. « Quand on regarde ces mesures pour la compétitivité des emplois dans leur ensemble, elles représentent d’ores et déjà plus des trois quarts des mesures qui font partie de la proposition de loi compétitivité de la ferme France, déposée et adoptée au Sénat », en 2023, a-t-il souligné.
Toujours en matière parlementaire, le Premier ministre s’est engagé à faciliter l’adoption au plus vite de la proposition de loi visant à limiter les conflits de voisinage à la campagne et protéger les agriculteurs contre les « recours abusifs ». Ce texte issu de la majorité à l’Assemblée nationale a été inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 12 mars. Le gouvernement vise une adoption définitive à la « mi-avril ».
Un indicateur européen pour le suivi des pesticides
Sur les pesticides, le Premier ministre a annoncé que la France ne se baserait plus sur le Nodu « franco-français », mais sur un indicateur européen, pour suivre l’objectif de réduction de l’usage des produits phytosanitaires. Ce choix, très attendu par le syndicat majoritaire, la FNSEA, mais décrié par les associations environnementales, permettra d’éviter selon lui les cas de surtransposition de normes européennes. Le Premier ministre a également précisé que le gouvernement était « prêt pour avancer sur la publication du plan Ecophyto 2030 lors du Salon de l’Agriculture. Il permettra d’acter notre changement de méthode : pas d’interdiction sans solution », a-t-il résumé.
Quant au futur projet de loi d’orientation agricole, Gabriel Attal a réitéré l’engagement de placer l’agriculture « au rang des intérêts fondamentaux ». Le texte, initialement centré sur l’orientation, la formation et la transmission des exploitations, intégrera aussi 5 nouveaux articles de simplification, « notamment sur le régime applicable aux haies », très attendu par la profession. « Tout ce qui était identifié aujourd’hui a été mis dans le texte de la loi. Peut-être que des éléments complémentaires viendront », a précisé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. Une façon de laisser ouverte la porte à de nouvelles demandes.
Lors des questions avec la presse, Gabriel Attal s’est placé sur un terrain plus politique, en épinglant « les changements de pied incessants » du Rassemblement national, en particulier sur la PAC. Le Premier ministre a critiqué une nouvelle fois Marine Le Pen, à qui il avait proposé de débattre. « Ça montre manifestement qu’elle n’est pas très à l’aise sur ces questions-là et qu’elle a peur que ça se voit ».