Lyon Turin

Ligne Lyon-Turin : « Je ne comprends pas comment on peut être écolo et être contre », déplore Loïc Hervé

Alors que la préfecture de la Savoie a interdit « toute manifestation ou rassemblement sur la voie publique » dans neuf communes de la vallée de la Maurienne pour ce week-end, les activistes des Soulèvements de la Terre ont saisi la Justice pour inverser la décision. Au Sénat, malgré « l’unanimité » pointée par certains sénateurs, la ligne ferroviaire Lyon-Turin crispe les rangs.
Thomas Fraisse

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« Les ZAD sont des zones justes qui occupent des terrains pour le bien commun. On ne défend que la planète en fait ». Si le couperet de la préfecture est tombé dans la nuit interdisant les manifestations dans la vallée de la Maurienne (Savoie) à cause de risques de débordements, ce matin dans la matinale de Franceinfo, Sandrine Rousseau a apporté son soutien aux actions de l’organisation les Soulèvements de la Terre pour lutter contre l’excavation de la montagne dans le but de créer un tunnel pour la ligne ferroviaire Lyon-Turin plus performante. Et pourtant, les ZAD, ou Zone à défendre, sont dans le viseur du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui a annoncé la création d’une cellule spécialisée. Par ailleurs, ce mercredi au Sénat, Olivier Véran a confirmé la prochaine dissolution de l’association les Soulèvements de la Terre. Ainsi, pour calmer les ardeurs de sa collègue députée, le Président du groupe Écologiste au Sénat, Guillaume Gontard souhaite apporter une nuance. « En tant qu’élu, si la manifestation est interdite je ne m’y rendrai pas ». Le sénateur isérois ajoute : « Les organisations, les associations sont assez grandes pour savoir ce qu’elles doivent faire ».

Si des manifestations au cœur des Alpes attirent les regards, c’est que le projet recrée des divergences comparables aux mégabassines de Sainte-Soline : d’un côté les « pros » et de l’autre les « antis ». Financée entièrement par des fonds publics européens, français et italiens, la voie ferrée en cours de construction sous le Mont Cenis permettra aux passagers et aux marchandises de relier Lyon à Turin en seulement 1h47, soit la moitié du temps de la liaison actuelle par l’ancienne ligne. Pour ce faire, plus de 57 kilomètres de tunnels sont en cours de construction ainsi que 150 kilomètres de voies d’accès à ce tunnel sur le territoire français pour un coût total estimé à 26 milliards d’euros. Les rails seront aussi ouverts au ferroutage, aussi appelé transport rail-route, qui permet d’embarquer des poids lourds à bord des wagons.

« On a le soutien de LR, des centristes, des radicaux, des communistes, des socialistes. Il ne manque que quelques écolos », sourit l’élu rhodanien Étienne Blanc, du parti Les Républicains. Initiateur de l’Union parlementaire en faveur de la ligne Lyon-Turin, le sénateur plébiscite un mégaprojet indispensable, selon lui, pour les rapports économiques, culturels, touristiques et humains entre la France et l’Italie mais aussi plus largement de toute l’Union européenne. Un projet, qu’il définit de « lourd ».

« Auraient-ils été contre le tunnel sous la Manche ? »

En face des répercussions économiques, les travaux emmènent leur lot de désagréments environnementaux. « Pendant la durée des travaux, ce sont des myriades de camions qui tournent. C’est donc un bilan d’émissions de polluants qui est négatif au moins pour 50 années », avance Daniel Ibanez, économiste spécialisé dans le ferroviaire, dans une vidéo des Soulèvements de la Terre. « Et on ne parle que de la pollution carbone », ajoute Guillaume Gontard. « On ne parle pas des matériaux déplacés ou l’impact sur l’eau pour des communes dont les sources ont été siphonnées ».

Ces arguments, Loïc Hervé, sénateur centriste de Haute-Savoie et « soutien inconditionnel du projet », selon ses dires, ne les supporte plus. « Il n’y a pas de débat. C’est une infrastructure fondamentale », s’énerve-t-il. « Je ne comprends pas comment on pourrait être écolo et être contre ce genre de choses ». Car les personnes en faveur de la ligne ferroviaire, appelées les « pros », dépeignent une situation bien différente que les écologistes. Pour eux, la création d’une ligne ferroviaire sous le Mont Cenis désengorge les routes alpines d’environ 1,7 million de camions chaque année. « Il faut voir la vallée de l’Avre, devenue cette espère de masse jaunâtre à cause de la pollution du trafic routier », se désolé Étienne Blanc. Loïc Hervé, ancien maire d’une commune de la vallée, est catégorique : « C’est quand même mieux d’avoir des camions sur des trains que dans les vallées. Si le projet n’était pas profondément écologique, je ne le soutiendrais pas. On se demande, avec les écologistes dans ce pays, si on peut encore avoir des projets d’infrastructures. Auraient-ils été contre le tunnel sous la Manche ? Pour les Alpes européennes, ce projet est aussi important ».

Si la nouvelle voie ferroviaire fait autant débat, l’ancienne ligne s’élevant jusqu’à la cime du Mont Cenis n’échappe pas non plus aux confrontations. Guillaume Gontard et les activistes écologistes optent pour cette dernière pour éviter « un gâchis d’argent public ». « Il faut être pragmatique. Si on écoute les ‘pro’, si on ne balance pas 30 milliards d’euros et si on ne fait pas un trou gigantesque dans la montagne, il n’y aurait pas d’autres solutions. Si, il existe d’autres solutions ! ». Pour développer le transport transalpin, avant de créer une nouvelle ligne, mieux vaut moderniser celle existante. Une hérésie pour les défenseurs des tunnels en construction. « La ligne historique concentre tous les inconvénients. Elle n’est pas sécurisée. Si on souhaite moderniser cette ligne, il faudrait s’écarter des règles de sécurité », martèle Étienne Blanc. « L’Europe, qui soutient Lyon-Turin, ne mettrait jamais un kopeck sur l’ancienne ».

La crainte de débordements

Face à ces deux clans irréconciliables, les manifestations prévues par les Soulèvements de la Terre ce week-end pourraient de nouveau cristalliser les tensions. Les plaies de Sainte-Soline sont encore vives. De ce fait, François Ravier, le préfet de Savoie, a tranché cette nuit en faveur de l’interdiction des manifestations. En dénombrant quelque 400 activistes radicaux, la préfecture a affirmé « craindre des intrusions et des dégradations sur les chantiers ». « Il y a quelques semaines, il y a eu une manifestation des pro-Lyon-Turin. On ne s’est pas posé la question de savoir si on interdisait ou pas. Ça veut dire que d’un côté on est en capacité, alors qu’on aurait pu s’attendre aux mêmes risques, et de l’autre non », s’offusque Guillaume Gontard. Il se désole : « Le gouvernement prend une responsabilité, je ne l’espère pas et je ne le cautionne pas, qui pourrait emmener de la violence. On l’a vu à Sainte-Soline, si la manifestation avait été encadrée, il n’y aurait pas eu de souci ».

Le camp d’en face refuse que l’on puisse encore soutenir les manifestants dès lors qu’une préfecture a pris sa décision. « J’entends Madame Rousseau mais il faudrait lui montrer les images de Sainte-Soline. Sur tous les grands chantiers, il fleurit des organisations. L’État doit répondre de deux manières : protéger les chantiers et faire Justice », prévient Étienne Blanc. Les avocats des associations ont déposé un recours devant le tribunal de Grenoble, qui doit publier sa décision dans la soirée de maintenir ou non l’interdiction des protestations.

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