Avec près de 12 000 milliards de dollars d’encours pour le compte de clients du monde entier, c’est la plus grande société de gestion d’actifs de la planète. Ni un fonds d’investissement, ni un fonds de pension, Blackrock gère de l’épargne pour le compte de tiers (banques, assureurs, fonds de pension, ou encore plateformes digitales). La commission d’enquête du Sénat sur l’utilisation des aides publiques a auditionné ce 9 avril le dirigeant de sa branche France, pour connaître son opinion sur l’utilité des aides d’État dans les grandes entreprises. Blackrock est par exemple présente au capital de chaque firme cotée au CAC40, elle détient en moyenne 2,5 % du capital, et même « plutôt 4 à 5 % », si on exclut les trois entreprises majoritairement détenues par des familles (LVMH, Hermès et L’Oréal). Elle gère 46 milliards d’euros d’actifs en France.
« Pour nous, sur l’angle pur de l’investissement, ce n’est pas sujet », a confié devant les sénateurs le président de Blackrock France Jean-François Cirelli. L’activité de cette société repose à 90 % sur de la gestion passive, autrement dit indicielle ou thématique. Lorsqu’un client achète un produit répliquant l’équilibre d’un indice boursier, Blackrock achète autant de titres de sociétés pour reproduire la diversification voulue par le donneur d’ordre.
« Ce n’est jamais un critère déterminant »
De la même manière pour les produits sous gestion active – pour lesquels Blackrock propose lui-même des arbitrages sur un placement – la question des aides publiques reste « un critère secondaire ». « Ce n’est jamais un critère déterminant », a fait savoir Jean-François Cirelli.
De façon générale, le président de Blackrock France affirme ne pas regarder en priorité ce sujet des aides, dans ses choix. « Ce qui compte, c’est la prévisibilité, la stabilité de la réglementation », insiste-t-il.
Une petite exception toutefois : le secteur de l’énergie. Les énergies renouvelables sont en effet aidées par les pouvoirs publics, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. « Naturellement, vous allez regarder le système d’aides », admet Jean-François Cirelli. La filiale française du géant américain en sait quelque chose, pour détenir à 100 % de Renner Energies, spécialisée dans la production d’énergie verte, en particulier photovoltaïque. « Si les aides sont trop généreuses, on se dit un beau jour on va se réveiller, il y a un risque de rétroactivité », a-t-il toutefois concédé, ce qui s’est déjà observé sur un champ éolien en mer. « On n’était pas concernés, mais il n’y a rien de pire pour un investisseur », a-t-il poursuivi.
« Un facteur de risque »
« Quand vous êtes financiers, plus il y a d’aides publiques, plus c’est un facteur de risque », a-t-il même ajouté, notamment quand Blackrock intervient dans la gestion de dette privée. « Moins il y a d’aides, mieux c’est pour tout le monde. Avoir des business qui fonctionnent sans aide, c’est quand même ce qu’il y a de mieux. »
Connu pour avoir été directeur adjoint au cabinet du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, ou encore conseiller économique du Président Jacques Chirac, Jean-François Cirelli a également donné son regard sur les aides publiques, en tant qu’ancien haut-fonctionnaire. À commencer par les allègements de cotisations patronales sur les bas-salaires, qui représentent chaque année un coût de 75 milliards d’euros. « Compte tenu de notre système et du poids des cotisations, c’est bien qu’il y ait une sorte d’aide aux entreprises, ça me paraît indispensable. Est-ce que tout cela est bien calibré ? C’est un autre sujet », a-t-il répondu.
L’ancien patron de Gaz de France, puis d’Engie, a également défendu l’intérêt du CIR, le crédit impôt recherche, lequel coûte un peu plus de 7 milliards d’euros chaque année aux finances publiques. « Toutes les entreprises que j’ai vues me disent que c’est très important », a-t-il indiqué. « Qui dit CIR, dit recherche et innovation, dit développement », analyse le gérant. Et d’ajouter : « Ce qui m’ennuie toujours, c’est que dès qu’on commence à dire qu’il faut faire des économies, il ne faut pas attendre trois minutes sans qu’on ne dise et si on remettait en cause le CIR ? »
« Vous ne verrez jamais Blackrock dire qu’il n’y a pas assez ou trop de dividendes »
Interrogé sur le niveau des dividendes lorsqu’une entreprise procède à des suppressions de postes – une question récurrente dans cette commission lancée par le groupe communiste – le patron de Blackrock France a précisé que sa société était relativement passive sur le sujet. « On considère que ce sont le management et le conseil d’administration qui sont le mieux à même d’apprécier le niveau de dividendes. Vous ne verrez jamais Blackrock dire qu’il n’y en a pas assez ou qu’il y en a trop. On vote le niveau proposé. »
En revanche, Blackrock intervient au moment des votes d’autres résolutions, lors des assemblées générales des actionnaires, une fois par an. « Il y a une politique : quand on n’est pas contents, on vote contre la réélection des administrateurs. Nothing personal », a précisé le dirigeant.