Le ministre du Budget défend un « effort exigeant » pour éviter un déficit à 7 % en 2025

Lors d’un débat consacré à la progression de la dette, le ministre du Budget et des Comptes publics Laurent-Saint Martin a estimé que les mesures contenues dans le projet de loi de finances étaient « à la mesure de la situation ». La droite, majoritaire, insiste sur « l’urgence » à redresser la pente, alors que la charge de la dette s’alourdit dangereusement.
Guillaume Jacquot

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Le décor est posé au Sénat à deux jours de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances pour 2025, l’un des plus difficiles de la Ve République au vu de l’effort annoncé par le gouvernement. Sur demande de la majorité sénatoriale de droite et du centre, un débat sur la croissance de la dette s’est tenu dans l’hémicycle ce 8 octobre. L’Assemblée nationale fera de même la semaine prochaine.

Un effort « exigeant » pour simplement limiter le déficit à 5 % du PIB

« Cruciale », la dette publique est aussi une question de « soutenabilité, mais aussi et surtout de souveraineté », a insisté dès les premières minutes Laurent Saint-Martin, le nouveau ministre chargé du budget et des comptes publics, qui a défendu un « effort exigeant » en 2025, « dont l’ampleur est à la mesure de la situation ». « Si nous n’agissons pas, la dynamique spontanée de la dépense publique pourrait porter le déficit en 2025 au-delà de 7 % du PIB. Nous devons donc tout mettre en œuvre pour l’éviter », a insisté celui qui fut le rapporteur général du budget à l’Assemblée, de 2020 à 2022.

La dette publique a atteint 3 228 milliards d’euros au deuxième trimestre, soit 112 % du PIB, un autre chiffre est souvent revenu dans les débats cet après-midi : celui de l’envolée des intérêts que l’État doit honorer chaque année à ses créanciers. Cette charge de la dette dépasse désormais les 50 milliards d’euros, et elle pourrait atteindre « plus de 70 milliards d’euros en 2027 », a averti Albéric de Montgolfier, rapporteur (LR) des engagements financiers de l’État. « Les intérêts de la dette vont alors se rapprocher des dépenses du ministère de l’Éducation nationale ou pourraient absorber bientôt la totalité du produit de l’impôt sur le revenu », a mis en garde le sénateur. Pour lui, il est « urgent de porter une stratégie claire et résolue visant à stabiliser notre endettement, à défaut de pouvoir le diminuer tout de suite ».

« L’effet boule de neige n’est pas loin », redoute le rapporteur général du Sénat

« La charge de la dette se situe sur une trajectoire dangereuse. L’effet boule de neige n’est pas loin », a confirmé le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson (LR), sur la base de données actualisées récemment communiquées par Bercy. Le ministre du Budget a tiré le même constat. « Si nous ne redressons pas rapidement la barre, il y a un risque réel que nous financions de plus en plus cher notre dette », a fait savoir Laurent Saint-Martin.

Alors que l’écart entre les taux d’emprunt des bons du Trésor français et les titres allemands se sont creusés au cours des dernières semaines, Jean-François Husson a appelé à « éviter impérativement » « le cercle vicieux » qui pourrait advenir avec la dégradation des conditions d’emprunt d’un côté, et dégradation de la situation budgétaire, de l’autre, à l’image « de ce qu’avait connu la Grèce en 2010 ». La divergence de la France avec ses principaux partenaires européens est un sujet d’inquiétude important dans la majorité sénatoriale, qui se félicite aujourd’hui du « discours de vérité » tenu par Michel Barnier. De sixième pays le plus endetté dans la zone euro en 2017, l’Hexagone pointe désormais en queue de peloton, derrière l’Italie et la Grèce. « La France fait clairement partie des mauvais élèves », a déploré le sénateur Husson.

Sujet ancien, puisque le dernier budget en équilibre remonte à l’année 1974, la progression de l’endettement, conséquence des déficits accumulés, est devenue particulièrement brûlante depuis la sortie de la crise sanitaire et la fin des taux d’intérêt proche des zéros. « Non seulement la dette augmente, mais la dette accélère », s’est alarmé le sénateur centriste Vincent Delahaye.

Lors de leurs interventions, les principaux groupes ont ciblé la politique d’Emmanuel Macron. « Un tiers l’endettement résulte de la politique budgétaire menée depuis sept ans », a déploré Albéric de Montgolfier (voir la vidéo ci-dessus). « De dérapage en dérapage, l’illusion d’une bonne tenue des comptes publics s’est dissipée », a enchaîné la sénatrice socialiste Florence Blatrix-Contat, qualifiant la gestion budgétaire de « calamiteuse », « doublée d’un mensonge » sur l’état réel de la situation au fil des derniers mois. Pour la sénatrice de l’Ain, le niveau d’endettement « révèle l’échec d’une politique de l’offre menée tambours battants depuis sept ans ».

Désaccords sur le poids des crises dans la dégradation des comptes publics

« Il serait erroné de croire que seule la baisse de la fiscalité en a été l’origine », a répliqué le ministre, qui a rappelé les dépenses engagées pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire et de la crise énergétique. « Reconnaissons que cet hémicycle a, bien souvent, soutenu les décisions budgétaires liées à la politique du quoi qu’il coûte, qui étaient nécessaires. À l’époque, qui parmi vous a dit que nous dépensions trop ? » a ajouté le sénateur Renaissance Didier Rambaud.

Mais cet élément est loin d’être le principal facteur, selon le rapporteur général, qui a livré la semaine dernière un tableau d’ensemble de la situation budgétaire devant la commission des finances. Jean-François Husson a notamment pointé du doigt « l’envolée inconsidérée » des dépenses ordinaires et la réduction de la pression fiscale, sans que celle-ci ne soit compensée. L’écologiste Thomas Dossus a, quant à lui, rappelé le résultat d’une étude de l’OFCE. Celle-ci indiquait en mai que la crise sanitaire et le choc inflationniste lié aux prix de l’énergie n’expliqueraient que 458 milliards d’euros dans l’accroissement de la dette, « soit un peu moins de la moitié » de la dette accumulée depuis 2017.

Pour le sénateur Vincent Delahaye, les crises n’expliquent le dérapage de la dette public qu’à hauteur d’un quart, à part égale avec les diminutions d’impôt. La moitié s’expliquant selon lui par les déficits liés au régime des retraites. « Il faudra en parler si on veut résoudre le problème de notre déficit et de notre endettement ». « On ne peut pas ne pas observer l’éléphant au milieu de la pièce, qui est la dette sociale, absolument colossale », lui a répondu le ministre.

« Nous espérons que la parole du Sénat sera enfin entendue cette année »

Laurent Saint-Martin sera d’accord au moins sur un point avec la majorité sénatoriale : la croissance de la dette s’explique « d’abord par une hausse de la dépense ». « Et c’est donc d’abord et prioritairement par la réduction de la dépense que devra passer le redressement », a-t-il enchaîné. Les « choix forts » devront se faire « sans casser le moteur de la croissance », et sans « cure d’austérité », a-t-il insisté.

La majorité sénatoriale pourrait placer le curseur des économies bien plus haut que les 40 milliards d’euros de réductions promises par le gouvernement (en sus de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires). Les députés de Laurent Wauquiez ont notamment dévoilé un plan de 50 milliards d’économies la semaine dernière. L’an dernier, le Sénat avait amélioré l’effort de réduction de sept milliards d’euros, sans être entendu par le gouvernement d’Élisabeth Borne. « Nous espérons que la parole du Sénat sera enfin entendue cette année. Les économies, il va falloir les trouver et le Sénat sera là pour y répondre », a conclu le sénateur centriste Michel Canevet.

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