Lactalis annonce baisser sa collecte de lait : face à « ce coup de tonnerre », la ministre de l’Agriculture recevra le dirigeant de l’entreprise

Invoquant la situation des marchés internationaux, le géant français des produits laitiers à fait savoir qu’il allait baisser de 9% sur les six prochaines années sa collecte de lait destiné à l’export. Devant le Sénat, Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture, a dénoncé « un préjudice à la vie rurale de façon générale ».
Romain David

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Le secteur laitier français s’apprête à entrer dans une nouvelle zone de turbulences. La multinationale Lactalis, premier groupe laitier mondial avec des marques comme Lactel, Président, La laitière, Galbani, a annoncé fin septembre vouloir réduire de 9 % d’ici 2030 les volumes de lait dit « d’excédent » collectés en France, c’est-à-dire le lait qui est destiné à l’exportation, généralement sous forme de poudre. Le groupe invoque des difficultés sur les marchés internationaux et explique que cette baisse permettra, mécaniquement, de « mieux valoriser » les productions vendues en France.

Alors que les syndicats dénoncent un « plan social » déguisé, Jean-Marc Bernier, directeur général de Lactalis France, a reconnu dans un entretien accordé au Parisien, le 8 octobre, qu’il s’agissait d’une « décision difficile » à prendre. « Nous nous engageons à chercher des solutions pour tous. On va tout faire pour. Les producteurs ont d’abord été contactés individuellement. Nous avons par ailleurs mandaté un cabinet de gestion de transition pour les mettre en relation avec les autres acteurs du marché », explique-t-il.

« Moi, ce qui me préoccupe, c’est la dimension humaine de cette affaire »

Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture, a indiqué qu’elle recevrait le dirigeant de Lactalis « dans les jours qui viennent ». En marge d’un débat organisé au Sénat sur la crise agricole, l’ancienne députée LR du Doubs a évoqué un « coup de tonnerre ». « La perte de collecte de 450 millions de litres de lait est une terrible nouvelle pour plus de 700 exploitants, et va surtout porter un préjudice non seulement à l’éleveur lui-même, à son exploitation, à sa famille, mais à la vie rurale de façon générale », a déploré la locataire de la rue de Varenne, qui a été interpellée à plusieurs reprises par les sénateurs sur ce sujet.

« Cette annonce a provoqué un choc terrible parmi les producteurs et cela se fait dans une totale opacité », a tempêté le sénateur écologiste d’Ille-et-Vilaine Daniel Salmon. « Alors que le chiffre d’affaires de Lactalis a battu un nouveau record en 2023, frôlant les 30 milliards d’euros. Quid des marges et des valorisations que Lactalis réalise sur ces différents segments du marché laitier ? Quid de la poursuite des importations de lait par Lactalis en France ? Quel message déplorable envoyé alors que les agriculteurs se battent tous les jours pour redynamiser le secteur et que la filière appelle au renouvellement des générations. Qui voudra reprendre une ferme laitière dans ce contexte ? »

« Moi, ce qui me préoccupe particulièrement, c’est la dimension humaine de cette affaire. La dimension humaine, pour les éleveurs. C’est une déflagration dans leur vie professionnelle, personnelle, familiale », a répété la ministre, qui a indiqué avoir échangé avec la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), l’un des organes de la FNSEA, le premier syndicat agricole. « Leur principale préoccupation, c’est d’accompagner les éleveurs, […] d’apporter un soutien très individualisé. Nous serons, nous, aux côtés de la FNPL pour cela », a assuré la ministre.

Crise après crise

Le monde rural s’est largement mobilisé en début d’année, avec des manifestations qui ont aussi frappé d’autres pays européens. Les agriculteurs dénoncent leurs rémunérations trop faibles, le poids des normes imposées par Bruxelles et s’inquiètent aussi des effets de distorsion de concurrence induits par certains accords de libre-échange. Pour calmer la crise, le précédent gouvernement s’était engagé avec plusieurs mesures d’urgences à hauteur de 400 millions d’euros. Mais leur déploiement a été en partie stoppé par la dissolution, de même que l’examen du projet de loi d’orientation agricole, un texte plutôt décrié par les syndicats.

Par ailleurs, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, les crédits alloués à l’agriculture pourraient baisser de 300 millions d’euros cette année après une augmentation historique en 2024, si l’on en croit les lettres de cadrage envoyées avant la nomination du Premier ministre Michel Barnier et du nouveau gouvernement. Le budget 2025 sera présenté jeudi en Conseil des ministres.

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