Le sénateur LR Jean-François Husson estime qu’il faut « aller vite sur la loi spéciale » et ensuite « se remettre au travail rapidement » pour doter la France d’un budget.
La réforme controversée de la sûreté nucléaire adoptée en commission au Sénat, après une correction de la copie
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C’est un oui, assorti de meilleures garanties, aux yeux de la majorité sénatoriale de droite du centre. Le projet de loi, controversé, de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), a été adopté ce mercredi en commission du développement du territoire et des affaires économiques.
Pour rappel, le gouvernement avait tenté d’opérer cette réforme profonde par un simple amendement au projet de loi d’accélération de la construction de réacteurs, il y a près d’un an, sans concertation préalable. La tentative avait échoué.
Dans le contexte de relance de la filière, avec la construction à venir de six EPR, et dans le but de « fluidifier » la prise de décisions, l’exécutif cherche à regrouper dans le même ensemble l’ASN – le gendarme qui délivre les autorisations d’exploitation des centrales – avec l’IRSN, dont le rôle est axé sur l’expertise et la recherche. Le projet effraie notamment les salariés de cette deuxième instance, qui redoutent à la fois une désorganisation interne, une dégradation de l’évaluation des risques ainsi qu’une perte de transparence vis-à-vis du public.
Le projet de loi, déposé en décembre, a été adopté avec modifications, par les voix de majorité sénatoriale de droite et du centre, mais également les sénateurs du camp présidentiel. Le rapporteur (Union centriste) Pascal Martin, estime que la fusion des deux entités comporte plusieurs avantages : une « efficacité accrue des procédures », une « amélioration de la réponse en cas de crise » ou encore un « renforcement potentiel » de ce type de métier.
Des amendements en réponse aux « risques » soulevés par les opposants à la réforme
Le rapporteur a néanmoins estimé que le projet de loi présentait « certains risques », d’où sa volonté de « corriger la copie ». Une cinquantaine d’amendements ont été adoptés pour tenter de rassurer les professionnels, mais aussi reprendre des recommandations d’un rapport parlementaire de l’Opecst (Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques) publié cet été.
Il s’est notamment attelé à renforcer la « distinction entre expertise et décision au sein de la nouvelle autorité », l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui doit voir le jour au 1er janvier 2025. Les modifications adoptées en commission visent aussi à maintenir un « un haut niveau de transparence au moins équivalent à celui d’aujourd’hui », selon la commission de l’aménagement du territoire. Le rapporteur veut ainsi garantir que les résultats d’expertise seront publiés.
Un autre amendement prévoit la création d’une commission de déontologie, chargée de « prévenir les conflits d’intérêts » et de « préserver les capacités de recherche ». Le projet de réglementaire de la future entité unifiée devra, par ailleurs, être présenté à l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
La commission des affaires économiques, qui a reçu la délégation de l’examen de plusieurs articles, n’a pas non plus éludé les questions sensibles que pose la réforme. Elle explique, dans un communiqué, que ses modalités « posent des défis, en termes de continuité des procédures, de valorisation des compétences et de maintien des standards ».
Le rapporteur pour avis Patrick Chaize (LR) affirme avoir « consolidé les attributions scientifiques et techniques » du Haut-commissaire à l’énergie atomique. Il a aussi renforcé l’association du Parlement dans la gouvernance du nucléaire. Députés et sénateurs devront se prononcer, pour avis, sur sa désignation, et pourront le saisir pour tout texte ou question sur le nucléaire.
Opposition farouche des sénateurs socialistes et écologistes
Les groupes socialiste et écologiste sont vent debout contre la réforme, comme en témoigne leur tentative de mettre un terme dès le début à la discussion en commission, par le dépôt d’une motion. Les sénateurs de gauche peinent à apprécier « les réels progrès » qu’apporterait la réforme. Ils relayent notamment le « risque d’instabilité » relevé par le Conseil national de la transition écologique en novembre, et regrettent qu’aucune audition de ministre n’ait pu avoir lieu dans le cadre de cet examen en commission. Ce dossier était porté, avant le changement de gouvernement, par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.
« Ce qui manque aujourd’hui ce sont les vocations, les ressources humaines et les moyens alloués à l’expertise comme au contrôle », insistent surtout écologistes et socialistes. Aux côtés de chercheurs, une partie d’entre eux a cosigné une tribune, dans Libération, appelant au retrait de la réforme.
L’examen en séance publique du projet de loi est programmé au 7 février.
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