Fitch Ratings downgraded US long-term debt

La France sur le grill des agences de notation : on vous explique comment ça marche

Standard & Poor’s, Fitch, Moody’s… Ces agences notent régulièrement les Etats pour évaluer leur capacité à rembourser leur dette. Comment fonctionnent-elles, que signifient les notes qu’elles donnent et quelles conséquences ces notes peuvent avoir sur la santé économique de notre pays ? Public Sénat fait le point.
Tâm Tran Huy

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Bercy retient son souffle. Ce vendredi 26 avril, deux agences de notation financière, Moody’s et Fitch, rendent leur appréciation sur la capacité de la France à rembourser sa dette. Après le dérapage inattendu du déficit à 5,5% en 2023, le gouvernement redoute tout particulièrement le verdict de ces deux organismes privés, qui devrait tomber en fin de journée.

Au printemps dernier, l’agence Fitch a déjà dégradé la note de la France à AA-, tandis que l’agence Moody’s au mois d’octobre lui a conservé la note Aa2. Le 1er décembre, c’est Standard & Poor’s qui a maintenu sa note au niveau AA, de quoi rassurer les marchés financiers. Au moins jusqu’à aujourd’hui. Vous n’y comprenez rien ? Petit mode d’emploi des agences de notation.

Trois agences de notation se partagent le monde

Une agence de notation est une entreprise privée dont le rôle consiste à évaluer la capacité d’une entreprise, d’un Etat ou d’une collectivité à rembourser la dette qu’ils ont contractée. Le risque a un prix qui se rajoute aux intérêts de créance. Ces agences ont donc pour activité d’évaluer cette prime de risque. Leur influence est forte, car les investisseurs se fondent sur ces évaluations pour choisir leurs investissements, ce qui a donc un impact important sur les marchés financiers.

Actuellement, il existe trois principales agences de notation dans le monde : Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings. La création de ces agences remonte à la fin du 19e siècle-début du 20e (entre 1860 pour S&P et 1913 pour Fitch), leur rôle a évolué dans le temps : elles ont commencé par vendre des informations financières avant de se focaliser sur l’analyse de la qualité du crédit, conséquence de la crise de 1929. Leur activité est devenue centrale dans le monde de l’évaluation financière dans les années 1980.

En 2012, un rapport du Sénat consacré aux agences de notation faisait état d’environ 130 agences à travers le monde, pour certaines spécialisées dans des secteurs bien particuliers. En revanche, seul un très petit nombre de ces organismes propose des notations de dette souveraine.

Quels sont les critères de notation ?

Depuis 2010, les critères de notation de chaque agence, leur méthodologie et leurs données sont publics. Rentabilité financière globale, niveau d’endettement, liquidité mais aussi gouvernance ou stratégie sont souvent les critères pris en compte pour noter une entreprise. Pour les pays, les analyses s’appuient sur l’évolution de la dette, le rapport entre recette et dépense, ou encore les réformes économiques en cours ou à venir.

Les notes sont révisées chaque année et de nouvelles évaluations peuvent intervenir plusieurs fois au cours d’une année si de nouveaux éléments sont à prendre en compte. Chaque agence possède son propre système de notation. Les notes s’établissent de A à D avec des échelons intermédiaires. Les notes peuvent être ainsi accompagnées d’un « + » ou « – » ou encore d’un « 1 » ou « 2 ». Plus la note est élevée, plus le risque est faible : AAA correspond à une bonne solvabilité, BBB à une solvabilité moyenne et CCC indique un risque très important de non-remboursement. D enfin indique une faillite.

Les titres émis par les États sont recherchés par les investisseurs, car ils sont réputés à risque quasi-nul. Aujourd’hui, la France appartient toujours aux pays les mieux classés : jusqu’ici AA- chez Fitch, Aa2 chez Moody’s et AA chez S&P, ce qui correspond à un risque d’insolvabilité très faible. En avril dernier, Fitch a baissé la note de la France d’un cran contrairement à Moody’s et à S&P. En cause : le risque qu’en l’absence de majorité absolue au Parlement, le gouvernement peine à appliquer la politique économique souhaitée pour tenir ses objectifs budgétaires.

Quelles conséquences en cas de dégradation de la note française ?

Une vraie dégradation de sa note contraindrait la France à emprunter à des taux plus élevés. En effet, les investisseurs devraient se montrer plus frileux à acheter de la dette française, si la note est plus basse et la prime de risque plus élevée. « Les notes émises par les agences ont un effet avéré sur le prix des obligations, mais aussi sur celui des actions. Les notes émises constituent un élément explicatif du prix des actifs financiers, dans un sens conforme à l’intuition : une dégradation de la note pèse sur le prix de la dette, et sur le cours des actions, tandis qu’un rehaussement de la note produit l’effet inverse », relève le rapport du Sénat cité plus haut.

A terme, cette situation peut avoir de graves conséquences : cela a par exemple été le cas de la Grèce qui, à la suite de la crise financière de 2008, a vu sa note brutalement chuter de 3 crans, ce qui l’a plongée dans un état de crise durable.

Concernant la France, une dégradation aurait théoriquement peu de conséquences. « Si les taux d’intérêt sont censés être affectés par la notation, une dégradation n’a pas beaucoup d’impact dans les pays riches, puisqu’elle excède rarement un ou deux crans. Les marchés anticipent généralement ces baisses, et bien souvent les titres d’Etat restent un placement refuge aux yeux des investisseurs », nous expliquait en mai dernier Rémi Burgeot, économiste et chercheur associé à l’IRIS.

Des agences critiquées

Les agences de notation ne sont pas infaillibles. Elles n’avaient par exemple pas vu venir la faillite de Lehman Brothers, à l’origine de la crise des subprimes de 2007-2008. À l’époque, l’Autorité des marchés financiers relève de nombreux problèmes en matière de méthodologie et de clarté sur la nature des notations. « Avant la crise de 2008, les agences de notation s’appuyaient presque exclusivement sur les indicateurs de la dette, mais depuis, elles intègrent aussi à leurs calculs des critères macro-économiques », note Rémi Burgeot.

Le risque de conflit d’intérêt a également été pointé du doigt. En effet, les agences tirent l’essentiel de leurs revenus des émetteurs de titres, alors qu’elles étaient jadis rémunérées par les investisseurs. D’où des conflits d’intérêt potentiels pour les agences qui sont à la fois rémunérées par l’émetteur tout en devant lui attribuer une note objective.

Les agences ont aussi été vivement critiquées au moment de la crise de la dette grecque. Leurs méthodes de notation opaque et le moment de l’annonce a précipité la crise, ce qui a ensuite entraîné toute la zone euro dans la tourmente.

Depuis la crise de 2008, l’Union européenne a d’ailleurs davantage encadré l’action des agences de notation. Un règlement adopté en 2010 prévoit une meilleure surveillance de la part de l’Autorité européenne des marchés financiers. Les agences ont l’obligation d’être enregistrées dans les pays où elles opèrent et elles doivent être transparentes sur leurs critères de notation pour garder cette accréditation.

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