L’inflation continue à augmenter au mois d’août. L’indice des prix à la consommation a progressé à 4,8 % sur un an alors qu’en juillet il était à 4,3 % selon l’Insee. Dans le détail, les prix alimentaires ont eux bondi de 11,1 % sur un an. Ces produits augmentent toujours, mais moins vite qu’en juillet. Face à cette situation, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances, a indiqué le blocage des prix de « 5 000 références » contre 1 500 auparavant et l’ouverture des négociations commerciales entre industriels et distributeurs plus tôt dans l’année. Ces négociations permettent de fixer les prix affichés en rayon. Décryptage avec Stéphanie Villers, économiste et conseillère économique de PwC France.
Après une réunion avec les distributeurs hier et les industriels aujourd’hui, Bruno Le Maire a annoncé que les prix de 5 000 produits en supermarchés allaient soit se stabiliser, soit diminuer. Est-ce une bonne nouvelle ?
Il faut attendre de savoir quels seront ces produits pour juger de l’impact sur le budget des Français. Ils élargissent ces blocages de prix, mais il faut rappeler qu’ils sont mis en place par le secteur privé, entre les distributeurs. Normalement, cela devrait permettre d’aider les gens face à la hausse des prix. On voit bien que ce sont les produits alimentaires qui pèsent le plus dans l’inflation donc ce serait du bon sens que les blocages de prix se fassent sur ces catégories-là. L’alimentaire représente aussi 20 % du budget des ménages les moins aisés, donc ça va être une aide.
Comme vous le disiez, ce sont les prix de l’alimentaire qui pèsent le plus dans l’inflation moyenne.
Oui, en août, l’indice des prix à la consommation grimpe à 11,1 %, c’était 12,7 % en juillet. On voit que les augmentations sont en train de se tarir, mais ce n’est pas un détail puisque ces produits continuent à tirer l’inflation vers le haut. Par contraste, sur les produits manufacturés et les services, l’inflation reste autour de 3 % donc elle est maîtrisée. L’inquiétude se porte bien sur les prix de l’alimentation.
A ce sujet, Bruno Le Maire a également annoncé l’avancement des négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs. Elles se tiendront avant le 31 janvier 2024 au lieu d’avoir lieu au printemps avec l’objectif que les prix diminuent dès le début de l’année.
C’est une bonne chose. Jusque-là, les industriels disaient qu’ils ne voulaient pas baisser leurs prix parce qu’ils ne savaient pas si l’inflation sur les prix de l’énergie allait se stabiliser. On voit néanmoins qu’ils se stabilisent depuis le début de l’année. À partir du moment où on fait face à des coûts de production volatile, négocier une fois par an c’est s’éloigner de la réalité des cours de l’énergie, donc rapprocher ces négociations a du sens. La date du 31 janvier laisse du temps aux industriels, ils se donnent trois mois de précaution pour voir l’évolution des cours de l’électricité et en janvier, ils aviseront.
On voit Bruno Le Maire s’activer et essayer de mettre la pression sur le secteur privé pour contenir l’inflation. Est-ce que la méthode de l’incitation fonctionne ?
Il ne pouvait pas faire mieux que de mettre des gens autour de la table pour négocier vu la situation des comptes publics en France. Il a contribué à ce que les distributeurs mettent en place les paniers anti-inflation. Ça fonctionne, même si quand on prend la totalité de l’offre, les prix continuent d’augmenter fortement.
Est-ce que le ministre de l’Économie dispose de moyens plus contraignants pour forcer les entreprises qui ne mettent pas en place de dispositif anti-inflation à le faire ? Il a, par exemple, enjoint Pepsi, Unilever ou Nestlé à « faire beaucoup plus ».
Les distributeurs disent que ceux qui ont le plus de mal à rogner sur les prix sont les groupes internationaux. On savait que c’est là où ça pêchait : les grands groupes industriels étrangers sont moins motivés à baisser leur prix en fonction de l’inflation en France. Cela s’explique par le fait qu’ils vendent sur un territoire beaucoup plus large que la France et donc qu’il est difficile d’accorder des rabais dans un pays et de ne pas le faire dans un autre. Ce n’est pas la même problématique que pour des groupes nationaux.
Ensuite, est-ce que la France a vraiment un moyen de pression sur ces industriels ? On ne peut pas taxer une entreprise plus qu’une autre. Ce n’est pas possible de leur faire une TVA spécifique, donc je ne vois pas où est la marge de manœuvre du gouvernement en matière fiscale pour les industriels qui ne veulent pas baisser leurs prix. Sinon, il y a la stratégie du « name and shame » qui peut détériorer l’image de ces groupes et les inciter à revoir leur copie. Mais on est dans un secteur privé, donc en matière fiscale, au nom de l’équité, on ne peut pas faire de différence. Quand bien même, s’il y avait une mesure fiscale sur les produits alimentaires, au final, le prix réel serait répercuté sur le consommateur.
A quoi peut-on s’attendre pour les mois à venir au niveau de l’inflation ? Est-ce qu’il faut prévoir de nouvelles hausses comme ce mois-ci ou la tendance est à la diminution progressive ?
La hausse de ce mois d’août était attendue parce qu’elle prend en compte l’augmentation de 10 % des tarifs réglementés de l’électricité qui est effective depuis le 1ᵉʳ août. On voit bien que les prix de l’énergie ont baissé de 3,7 % en juillet, là, c’est 6,8 % de hausse en août en un an compte tenu de l’augmentation des tarifs réglementés. La situation était donc prévue et ne remet pas en cause la tendance engagée vers une baisse de l’inflation. Je pense qu’on peut viser une inflation à 3 % d’ici un an, sans nouveau choc économique.
Comment explique-t-on cette tendance à la baisse de l’inflation en France ?
L’inflation diminue parce que la consommation des ménages est en situation inquiétante. Quand la demande baisse, l’offre s’ajuste et donc les entreprises n’ont plus de marge de manœuvre pour augmenter leurs prix parce que cela aurait pour conséquence d’avoir encore moins de consommateurs.