« Ce projet de loi est loin d’une révolution. » En introduisant les trois jours de débats sur le projet de loi « industrie verte », le co-rapporteur Fabien Genet (LR) a résumé ce 20 juin l’état d’esprit d’une bonne partie des bancs de l’hémicycle sur ce qu’il a nommé une « petite loi ». Le texte, dont l’objectif est de favoriser les implantations d’usine qui participent à la transition écologique, ne suscite pas un enthousiasme débordant au Sénat, c’est le moins que l’on puisse dire. La majorité de droite et du centre s’emploie, depuis l’examen en commission la semaine dernière, à rendre les différentes dispositions plus opérationnelles.
Un premier sujet de désaccord est apparu entre le gouvernement et le Sénat, dès la première partie examinée, dédiée aux « enjeux environnementaux de la commande publique ». Il s’agit de l’un des leviers actionnables pour favoriser les productions des industries dites vertes. Dans le texte initial, l’exécutif proposait de créer nouveau motif d’exclusion des procédures de passation de marché public, laissé à l’appréciation de l’acheteur. Un acteur public aurait eu la faculté de refuser une entreprise, si cette dernière n’a pas établi de bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES). Celui-ci est obligatoire pour les organisations de droit privé, qui emploient plus de 500 salariés. Mais dix ans après l’entrée en vigueur de cette mesure de la loi « Grenelle 2 », 65 % des entreprises concernées ne se sont toujours conformées, selon un décompte réalisé par l’Ademe fin 2021.
Des sanctions actuellement inférieures aux coûts de ces diagnostics climatiques
Sur proposition de leur rapporteur Fabien Genet (LR), les sénateurs ont préféré emprunter un autre chemin que le motif d’exclusion facultatif imaginé par le gouvernement. « La vocation première du Code de la commande publique n’est pas de faire respecter d’autre obligations », a rappelé Fabien Genet, qui doute du caractère efficace du projet du gouvernement. L’hémicycle a retiré cette disposition, au bénéfice d’un relèvement du niveau maximal des sanctions, instauré la semaine dernière en commission de l’aménagement du territoire. L’article prévoit désormais des sanctions maximales, non plus 10 000 euros, mais de 50 000 euros. Et même 100 000 euros en cas de récidive, contre 20 000 actuellement. Selon Fabien Genet, le coût d’établissement d’un bilan d’émissions était bien souvent inférieur aux niveaux de sanctions actuelles.
Roland Lescure, le ministre de l’Industrie, s’est dit prêt à soutenir un alourdissement des sanctions, mais pas de cette ampleur. « 50 000 euros nous semble quand même très élevé, sans doute trop élevé. Nous n’avons d’objectif de principe à une hausse de l’amende. On aurait pu envisager 15 000 ou 20 000 euros, mais 50 000, ça nous semble beaucoup à ce stade. »
Plus tôt, plusieurs amendements portés par les socialistes, les écologistes ou les communistes ont tenté de verdir davantage le Code de la commande publique, en amenant la collectivité à prendre « systématiquement » en compte des critères environnementaux dans les critères de choix de l’offre la plus avantageuse. Selon les termes de la loi Climat et résilience, ce n’est qu’en 2026 que la prise en compte des caractéristiques environnementales de l’offre, par au moins un des critères d’attribution du marché, sera obligatoire.
« Nous ne pouvons plus nous contenter de faire des critères environnementaux une variable d’ajustement au service, au mieux d’une action isolée, au pire au service du greenwashing », s’est exclamée la sénatrice Nicole Bonnefoy (PS).
Tous les amendements de ce type ont été rejetés, après avoir reçu un avis défavorable de la commission sénatoriale ou du gouvernement. Bruno Le Maire a notamment appelé les parlementaires à bien mesurer « l’incidence » derrière chacun des amendements, indiquant que beaucoup de filières industrielles n’étaient pas encore prêtes. « En 2023, si vous forcez un acheteur public à acheter un produit vert, comme le proposent un certain nombre, si cette collectivité s’équipe par exemple en panneaux solaires, vous n’aurez que des panneaux chinois », a-t-il argumenté.