Semaine clé pour le projet industrie verte. Le texte, à travers lequel le gouvernement espère favoriser l’implantation d’activités stratégiques pour la transition écologique et encourager un mouvement réindustrialisation, est examiné dans les différentes commissions compétentes au Sénat les 13 et 14 juin. Le rapporteur de la commission des affaires économiques, et ses collègues des autres commissions saisies sur le fond, ont déjà déposé leurs amendements pour faire évoluer ce texte, dont l’axe principal est d’accélérer les procédures pour implanter les usines les plus importantes.
Le rapporteur Laurent Somon (LR), membre de la commission des affaires économiques, propose plusieurs modifications de l’article 9, l’un des articles sensibles du texte, décrié par les associations d’élus locaux. L’article crée un cadre exceptionnel, qui permettra à l’Etat d’engager directement une modification des documents de planification et d’urbanisme, pour accueillir des projets industriels d’intérêt national. Les collectivités craignent que cette disposition ne porte atteinte à leurs compétences. Dans un amendement, Laurent Somon défend une « meilleure prise en compte des observations » des collectivités. Sa suggestion permettrait des échanges plus approfondis et une inclusion en amont des collectivités.
Un droit de veto des collectivités pour l’évolution des documents d’urbanisme
C’était attendu, le sénateur de la Somme soumet également à ses collègues l’idée d’un avis conforme des collectivités en cas de modification des documents d’urbanisme, étape nécessaire à l’implantation d’un projet industriel d’intérêt national. En d’autres mots, sans un avis favorable des élus locaux, les documents en question ne pourront pas évoluer pour permettre l’implantation d’un grand projet. Une telle modification aura l’assentiment du gouvernement, puisque Bruno Le Maire s’était dit favorable à ce type de correction, lors d’une audition le 31 mai.
Toujours au même article, le sénateur propose que les projets d’intérêt national majeur soient « réputés répondre » à une raison impérative d’intérêt public majeur.
Laurent Somon veut enfin exclure tous les projets industriels, qui « concourent à la transition écologique » ou qui sont « essentiels pour la souveraineté nationale », du décompte du « zéro artificialisation nette » (ZAN), dans les collectivités où sont implantés les projets. Le ZAN, prévu par la loi climat et résilience de 2021, vise à diminuer de moitié le rythme de recul des espaces naturels d’ici 2031, et à stopper toute progression des espaces aménagés par l’homme en 2050. Outre ces espaces industriels bien spécifiques, le sénateur veut exempter du décompte des collectivités les besoins en logement liés à ces industries. Toutes les modalités de comptabilité au niveau national seront à déterminer dans la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter l’application du ZAN, débattue cette semaine à l’Assemblée nationale.
Proposition de suppression de l’abondement d’Etat pour l’ouverture des plans d’épargne avenir climat
La commission des finances est également saisie pour avis sur le projet de loi, notamment pour la partie qui concerne la création du plan d’épargne avenir climat (PEAC), censé flécher l’épargne privée vers l’industrie verte. Pour rappel, le gouvernement propose dans le texte un nouveau produit d’épargne que les parents pourront ouvrir au bénéfice d’un enfant, dès sa naissance. Aucun retrait ne sera possible avant son 18e anniversaire (sauf invalidité ou décès) et le gouvernement s’est engagé à proposer un rendement supérieur à celui du livret A (3 % actuellement).
Dans un amendement, la rapporteure Christine Lavarde (LR) propose de supprimer l’abondement qui était prévu par l’Etat dans le texte, en cas d’ouverture du plan dans l’année suivant la naissance de son titulaire. Le montant, non fixé dans le projet de loi, devait être déterminé par décret. Selon la sénatrice des Hauts-de-Seine, les ménages visés par le nouveau livret disposent déjà d’une « épargne disponible suffisante », et l’abondement aurait donc un effet incitatif « plus que limité ». La parlementaire prévoit également dans sa modification une exonération d’impôt des intérêts. Annoncée par le gouvernement, elle ne figure toutefois pas encore dans le texte.
Plusieurs amendements pour verdir les marchés publics
Rapporteur pour avis pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, le sénateur Fabien Genet (LR) met sur la table quelques évolutions sur la partie consacrée aux « enjeux environnementaux de la commande publique ». Les schémas de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (SPASER) est l’un des outils qui favorisent le verdissement des commandes publiques au niveau local. Mais leur présence n’est obligatoire que pour les plus grosses collectivités locales. Le sénateur propose que des petites collectivités puissent mutualiser leurs achats avec les plus grandes, dans une démarche écologique. Au même article, il suggère également de reformuler plus clairement les modifications à apporter au Code de la commande publique. Le projet de loi prévoit qu’un marché public pourra être attribué à l’offre économique la plus avantageuse ou de critères « comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ».
Dans la même optique, le texte du gouvernement prévoit de pénaliser les entreprises qui n’ont toujours pas établi de bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES), en faisant de ce manquement un motif d’exclusion facultatif de la commande publique. Ces diagnostics, nés en 2010 (Grenelle 2 de l’environnement), concernent environ 5000 acteurs privés et publics et doivent être accompagnés d’un plan de transition en vue de diminuer les émissions.
Elles sont nombreuses à ne pas avoir établi leur bilan carbone, les deux tiers selon l’Ademe. Le sénateur Fabien Genet doute toutefois de la solution proposée par le gouvernement et propose de supprimer ce levier « facultatif ». « La vocation du code de la commande publique n’est pas, au demeurant, de faire respecter la loi », précise-t-il. Le sénateur de la Saône-et-Loire préconise plutôt de renforcer les sanctions, pas assez dissuasives actuellement selon lui, en les portant de 10 000 à 50 000 euros, et de 20 000 à 100 000 euros en cas de récidive. Il affirme qu’un bilan des émissions de gaz à effet de serre est souvent plus coûteux que l’amende elle-même.
Après l’établissement du texte en commission cette semaine, le projet de loi sera débattu en séance publique du 20 au 22 juin.