Le compte à rebours est lancé. La vente de véhicules neufs à moteur thermique pourrait être interdite dans l’Union européenne à partir de 2035. La mesure figure en bonne place au sein du plan climat « Fit for 55 », votée par le Parlement européen il y a un an. Elle ouvre du même coup une voie royale à l’essor de l’électrique. Mais le déploiement attendu soulève quelques inquiétudes, notamment au sein du Sénat. Mercredi 5 juillet, la sénatrice LR du Var Françoise Dumont a adressé une lettre à Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, que Public Sénat a pu consulter et dans laquelle elle alerte sur les questions de sécurité liées aux batteries électriques.
Ces dernières années, avec le développement du tout électrique, l’utilisation des batteries au lithium a pu être pointée du doigt à plusieurs reprises, notamment depuis l’affaire du Galaxy Note 7 de Samsung, le fabricant de smartphone ayant été contraint de suspendre en 2016 la vente de son modèle phare après une série de cas de surchauffe et d’embrasement. Dans son courrier, la sénatrice ne se prononce pas sur le risque d’emballement thermique en lui-même, mais rappelle que les incendies de batteries électriques appellent des moyens de lutte bien particuliers, qui n’ont pas nécessairement été anticipés par les pouvoirs publics. « J’anime au sein de la droite sénatoriale un groupe consacré à la sécurité civile, et plusieurs interlocuteurs nous ont interpellés sur la non-prise en considération des dangers des batteries électriques », explique-t-elle à Public Sénat.
Faciliter l’intervention des pompiers
« Le passage du véhicule thermique à l’électrique ne conduit pas à un risque d’incendie supérieur mais le comportement au feu d’un véhicule électrique rend l’intervention des sapeurs-pompiers plus difficile », relève un rapport remis en décembre dernier à l’exécutif par le Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ce document, cité par François Dumont dans sa lettre à Gérald Darmanin, invite à une remise aux normes des parkings couverts, dont beaucoup ne disposent pas de dispositifs de détection.
Françoise Dumont, qui est par ailleurs rapporteure pour la commission des lois du budget de la sécurité civile, souhaite également que soit reposé le cadre opérationnel d’intervention des sapeurs-pompiers devant ce type de sinistre. « Cela permettrait d’éviter le déploiement de matériels et de techniques à l’efficacité et à la sécurité aléatoire », note-t-elle.
Elle estime également que du côté des industriels l’accent doit être mis sur « la fiabilité des batteries » : « Aujourd’hui, il n’y a que Renault qui équipe ses batteries d’un opercule qui permet aux pompiers d’injecter de l’eau directement au cœur du système. Sans cela, une batterie en feu peut rester incandescente pendant 7 heures », pointe-t-elle.
La sénatrice exhorte aussi à mieux réglementer le stockage des batteries du côté des constructeurs et des concessionnaires, ainsi qu’à renforcer la prévention auprès du public.
La France, prochain fer de lance du marché des batteries pour voitures électriques ?
En creux de ses différentes demandes, François Dumont pose implicitement les bases d’un véritable cadre législatif. « Je pense a minima qu’il faudrait lancer une mission d’information sur le sujet. Les industriels, les pouvoirs publics et les particuliers doivent être consultés et sensibilisés à ces différents risques. Il ne s’agit pas de remettre en question la voiture électrique mais de se donner le temps d’appréhender l’ensemble des enjeux », défend l’élue.
En 2021, l’électrique représentait moins de 1 % du parc automobile français, selon les chiffres du ministère de la Transition écologique. Pour autant, le secteur est amené à prendre de l’ampleur. Outre l’interdiction à venir des véhicules thermiques, la France entend devenir l’un des leaders du marché européen. Le 30 mai, une première « gigafactory » de batteries pour voitures électriques a été inaugurée à Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais. Au moins trois autres projets devraient suivre d’ici 2025. Par ailleurs, le gouvernement multiplie les appels du pied en direction d’Elon Musk, le milliardaire ayant fait savoir que son entreprise Tesla envisageait « quelque chose de très important en France ».