Bernard Arnault a moyennement apprécié l’appel général adressé aux entrepreneurs par le ministre de l’Economie Eric Lombard de « faire preuve de patriotisme », dans le contexte de la négociation commerciale entre les Européens et les Américains sur les droits de douane. Emmanuel Macron, début avril, avait également encouragé les entreprises à « suspendre » leurs investissements dans le pays de Donald Trump, « tant qu’on n’a pas clarifié les choses avec les Etats-Unis d’Amérique ».
Auditionné au Sénat ce 21 mai par la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques versées aux grandes entreprises, le PDG du groupe de luxe LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), a sèchement répondu aux invitations de l’exécutif. « Je crois qu’il est très mauvais pour l’Etat de se mêler de la gestion des entreprises privées. En général, ça mène à la catastrophe. Je ne pense pas qu’il soit très opportun de tenir compte des conseils de ce genre, d’où qu’ils viennent », a déclaré l’homme d’affaires.
LVMH « est peut être le groupe le plus patriote qui existe en France »
Mettant en avant la contribution fiscale et l’empreinte économique de son groupe, qui regroupe 75 marques, Bernard Arnault considère que le groupe LVMH « est peut-être le groupe le plus patriote qui existe en France dans le CAC 40 ». Le PDG a notamment ciblé l’instauration d’une surtaxe de l’impôt sur les sociétés visant les grandes entreprises ayant les plus gros bénéfices. « Il y a énormément de grosses entreprises, qui font autant de bénéfices que nous, qui sont des bénéfices mondiaux pour l’essentiel et pas en France, et qui sont quasiment absentes de ces hausses d’impôts. »
En janvier, peu de temps après son retour des Etats-Unis où il avait assisté à l’investiture de Donald Trump, il avait estimé que cette taxe était « une incitation à la délocalisation ». LVMH possède trois ateliers Louis Vuitton aux Etats-Unis, dont un au Texas. Une implantation parfois critiquée, notamment en raison d’une qualité de production plus basse qu’en France, que le PDG a tenu à évacuer. « Quand j’ai repris le groupe LVMH, et notamment Louis Vuitton en 1989, ils produisaient déjà aux Etats-Unis. Donc il n’y a rien de nouveau sous le soleil ».
Dans le contexte actuel de la menace de relèvement massif des droits de douane américain – actuellement suspendu – Bernard Arnault a considéré que cette implantation était un « avantage ». Il a également répondu à son concurrent François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe Kering, propriétaire en particulier de Gucci, qui avait déclaré la semaine dernière devant la même commission d’enquête que « ça n’aurait pas de sens d’avoir des sacs Gucci italiens fabriqués au Texas ». « Lorsqu’un de mes concurrents dit qu’il n’a pas envie de fabriquer aux Etats-Unis, pays où ses ventes ont baissé fortement, ça ne me surprend pas. Mais nous, on n’est pas dans ce cas là. Nos ventes augmentent », a répliqué Bernard Arnault.
La négociation de l’Union européenne avec les Etats-Unis est « relativement mal partie »
Le PDG de LVMH a par ailleurs indiqué qu’il était « très important d’arriver à trouver pour l’Europe avec les Etats-Unis », ce pays étant le premier marché du groupe. « Ça me paraît relativement mal parti […] Cette négociation, je ne suis pas sûr qu’elle soit menée comme il faut », a critiqué Bernard Arnault, qui a profité de l’audition pour relayer ses inquiétudes.
Avant même le conflit commercial avec Washington, sa division des spiritueux était déjà en difficulté à cause d’un contentieux entre la Chine. Pékin a décidé d’ouvrir une enquête visant le cognac, en riposte à l’Union européenne qui a complexifié les entrées de voitures électriques chinoises à l’intérieur de son marché. « Aujourd’hui, 80 % des ventes de cognac dans le monde se font en Chine et aux Etats-Unis. Et si les Etats-Unis et l’Europe ne se mettent pas d’accord ? Ça veut dire que de manière très concrète on ne pourra plus vendre de Cognac dans ces deux pays », a averti le PDG, dont le groupe possède notamment le cognac Hennessy.