L’encre est à peine sèche sur le budget 2025, ce qui n’empêche pas le gouvernement de poursuivre ses travaux sur le niveau des dépenses, mais aussi sur les recettes fiscales des prochains exercices. Dans ce domaine, le concept de « justice fiscale », déjà brandi par le précédent gouvernement, devrait encore avoir de beaux jours devant lui, alors que redressement des finances publiques sera l’affaire de longues années.
La version finale du projet de loi de finances comporte toujours la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR). Elle s’appliquera aux contribuables dont les revenus annuels dépassent 250 000 euros pour les personnes seules, ou 500 000 euros pour les couples. Son principe est de s’assurer que ces ménages les plus aisés s’acquittent d’un impôt à un taux minimum de 20 %. Le maintien de cette disposition était incertain en raison du principe de non-rétroactivité fiscale. Le texte, soumis au vote du Parlement cette semaine, prévoit le versement d’un acompte sur la contribution due au titre de l’année 2025.
L’engagement de François Bayrou d’une « taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines »
Temporaire, cette disposition n’a cependant pas vocation à être pérennisée. Mais un autre mécanisme, durable cette fois, devrait lui succéder. Le 14 janvier, dans une prise de parole consécutive à sa déclaration de politique générale, François Bayrou en avait fait l’annonce devant les députés. « Nous sommes en train de travailler sur une taxe anti-optimisation pour les hauts patrimoines, ce qui est une manière de prendre en compte la dimension de ces patrimoines et de vérifier qu’ils n’échappent pas à l’impôt », a-t-il expliqué.
Selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, il s’agirait de s’assurer « que la somme de l’impôt sur le revenu, de prélèvement forfaitaire unique [la flat tax, ndlr] et de l’impôt sur la fortune immobilière payés par les contribuables les plus aisés ne soit pas inférieure à un seuil minimal ». « Ce dernier sera calculé sur le patrimoine hors outil de travail. Le but est de s’assurer que les montages fiscaux et juridiques type holding, par exemple, ne soient pas un frein à ce que, dans notre pays, nous soyons tous égaux devant l’impôt », avait détaillé la ministre le 15 janvier au Figaro.
Une présentation « dès que l’occasion se présentera », « au plus tard » dans le budget 2026
Le ministère a donc une idée de l’architecture globale de cette nouvelle contribution qui limitera les mécanismes d’optimisation fiscale. Reste désormais à en fixer précisément l’assiette et le taux. Il y a deux semaines, le gouvernement avait précisé que le nouveau dispositif ferait l’objet d’une nouvelle concertation.
Quant au calendrier, tout dépend évidemment du véhicule législatif qui sera retenu. Le gouvernement se veut flexible à ce sujet. Contacté ce mardi, le ministère précise que l’objectif reste toujours de présenter la mesure « au plus tard dans le projet de loi de finances pour 2026 », ou « dès que l’occasion se présentera ». « Cela peut être aussi une proposition de loi, un groupe parlementaire pourrait déposer un texte », souligne-t-on à Bercy. Rappelons que pour créer une recette fiscale, nul besoin d’un projet de loi de finances rectificative, un texte ordinaire suffit.
L’engagement a été pris au plus haut niveau, puisque François Bayrou a fixé la même date limite dans son courrier adressé aux deux présidents des groupes socialistes au Parlement, daté du 16 janvier. Le parti avec lequel le gouvernement a obtenu hier un sursis. Maintenant que la haie du budget 2025 est en passe d’être franchie, le président des sénateurs socialistes Patrick Kanner considère que cette contribution des plus hauts patrimoines constitue, avec la nouvelle négociation sur le régime de retraites, « l’un des deux grands chantiers » à venir. Depuis le quinquennat précédent, les parlementaires PS tentent d’introduire chaque année des mesures de « justice fiscale ».
« Il faut purger ce débat avant le projet de loi de finances 2026 », affirme Patrick Kanner
Patrick Kanner salue à ce titre la « prise de conscience » d’Amélie de Montchalin, cheffe de file des députés de la majorité présidentielle à la commission des finances, au moment des grands choix fiscaux du premier quinquennat. « Quand elle est passée à l’OCDE [de 2022 à 2024, ndlr], elle a vu ce scandale : les très riches ont les codes pour payer moins d’impôts que les pauvres. Je l’ai sentie choquée », relate-t-il, au sujet des consultations qui se sont tenues à Bercy le mois dernier.
Interrogé sur le calendrier du débat parlementaire, le sénateur du Nord exprime sans détour une préférence pour l’inscription dans un texte ad hoc. « Cela permet d’avoir un débat politique sur la lutte contre l’optimisation fiscale dans ce pays. Il faut purger ce débat avant le projet de loi de finances 2026, dont on ne connaît pas les contours », défend le président de groupe.
Patrick Kanner s’attend à un dispositif « qui va cliver ». La mesure peut potentiellement crisper à droite, traditionnellement peu disposée à augmenter la fiscalité assise sur le patrimoine, ou même dans les rangs de l’ancienne majorité présidentielle. Certains pourraient y voir une remise en cause de la politique d’attractivité fiscale amorcée fin 2017.
Les paramètres de cette taxe feront probablement l’objet d’une intense bataille politique. Dans son courrier du 16 janvier, François Bayrou s’engageait sur un rendement « du même ordre » que la contribution exceptionnelle inscrite dans le budget 2025, soit environ deux milliards d’euros. Insuffisant pour le PS. « On va se battre sur un rendement plus important », prévient Patrick Kanner.
Si la motion de censure est repoussée ce mercredi, le budget sera en passe d’être définitivement adopté, au terme du vote du Sénat jeudi. Ce sera l’aboutissement d’un parcours inhabituellement long, entamé en octobre, pour la seule partie du débat parlementaire. En fin de semaine, une nouvelle phase de négociations va s’ouvrir pour le prochain budget, le PLF 2026 qui pourrait être équivalent en termes d’efforts et de difficultés. « Dès le budget 2025 adopté, il s’agira de préparer le budget 2026, selon une méthode que je souhaiterais, de nouveau, centrée sur le dialogue », a promis le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, lors de ses vœux.