Une flambée des prix inquiétante
Jusqu’où ira la flambée des prix du pétrole ? L’or noir s’installe désormais au-dessus des 88 dollars le baril de Brent, alors que l’Arabie Saoudite a décidé cet été de réduire sa production pour faire monter les cours. « Le prix de l’essence des Français est tributaire des contraintes géopolitiques. Cela nous échappe complètement, car nous ne sommes pas membre de l’OPEP. Quand les Saoudiens décident de monter leurs prix, nous sommes obligés de subir » explique Christine Lavarde, sénatrice LR des Hauts-de-Seine. « Nous n’avons pas de solution alternative ajoute Jean-François Husson (LR), rapporteur général de la commission des finances. Dans un cas on se met dans la gueule du loup des pays producteurs, dans l’autre, si l’on regarde ailleurs, les Chinois nous attendent au tournant et les perspectives ne sont pas plus réjouissantes. Cela pose la question des choix d’hier et d’avant-hier, qui étaient dictés par la mondialisation des échanges. »
A court terme, la situation ne devrait pas s’arranger. Riyad a en effet indiqué ce mardi que la politique de prix élevés sera reconduite jusqu’à fin décembre, alors que le Royaume a besoin de rentrées d’argent pour financer ses programmes de diversification économique. « Tant qu’il n’y a pas d’aide publique ou d’intervention du gouvernement d’Elisabeth Borne, nous allons subir les décisions de l’OPEP. Nous sommes dans un système d’offre et de demande très classique. Soit l’Etat décide d’intervenir pour moduler les prix, comme il l’a fait par le passé, en prenant en charge une partie du prix à la pompe, soit il ne le fait pas et les Français devront subir les fluctuations du marché », précise Claude Raynal (PS), président de la commission des finances du Sénat.
Une « ristourne pour tous » ?
Vendredi dernier, Xavier Bertrand, président LR de la région Hauts-de-France, a demandé au gouvernement une ristourne « pour tous » de 15 à 20 centimes sur le prix du litre d’essence. Une mesure d’ores et déjà repoussée par Bruno Le Maire, et qui ne rencontre pas non plus l’assentiment des sénateurs. « L’Etat n’a plus les capacités financières et budgétaires pour intervenir de manière massive dans la régulation des prix, sauf à avoir une politique d’augmentation des impôts, ce que l’exécutif rejette catégoriquement », note Claude Raynal (PS). La question qui se pose aujourd’hui est celle des moyens mis en place pour obtenir des recettes supplémentaires ».
La mesure ne trouve pas non plus les faveurs des sénateurs de droite. « Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec Xavier Bertrand, confie Jérôme Bascher (LR). Il faut arrêter de toucher aux prix ! Soit on décide de baisser toutes les taxes, soit on en augmente certaines et on perd toute efficacité. Il faut s’habituer aux prix à la pompe élevés, car cela risque de durer », estime le sénateur de l’Oise. Un point de vue partagé par Christine Lavarde (LR), « opposée aux ristournes qui ne sont pas ciblées et qui bénéficient indifféremment aux riches et aux pauvres ».
Pour Jean-François Husson (LR), « nous ne pouvons pas actuellement nous lancer dans des politiques de soutien. Nous ne savons pas si la hausse des prix sera durable, s’il y a spéculation ou pas. L’aide à la pompe rend certes la douleur moins vive mais cela reste douloureux, car nous sommes tous perdants. Cela représente une grosse facture pour les finances publiques, et cela fait reculer nos préoccupations environnementales ». Après la remise de 10 centimes à la pompe, le gouvernement avait mis en place, à partir de janvier 2023, une indemnité carburant d’un montant de 100 euros versée aux 10 millions de travailleurs les plus modestes. Au total, la mesure a couté 8 milliards d’euros pour l’Etat. Une « politique du chèque » qui selon Jérôme Bascher (LR) a été « absorbée dans un puit sans fond qui n’a fait que creuser la dette publique ».
Condamnés à l’impuissance ?
Pour contrer l’inflation, Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord, suggère de bloquer les prix du carburant en jouant sur les taxes. « Le gouvernement a mis fin au bouclier tarifaire, c’était une erreur. Nous sommes à 75 % de taxe sur le prix du litre. Il nous faut agir du côté de la TVA et de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) pour soulager les ménages. Il s’agit de deux leviers immédiats sur lesquels le gouvernement doit agir au plus vite ! »
Pour Christine Lavarde (LR), l’urgence est d’accélérer la transition énergétique. « Nous sommes dans un système de transition. Tant que nous ne saurons pas produire en quantité une électricité non carbonée à un prix abordable, nous serons dans l’impasse. La transition énergétique ne pourra se passer de davantage de nucléaire ». Jérôme Bascher (LR) abonde dans le même sens. « Il n’y a pas besoin d’imposer de malus spécifique sur les voitures, les prix à la pompe viennent eux-mêmes pénaliser les rouleurs. Il faut aider les plus modestes à passer à la voiture électrique et renouveler ainsi notre parc automobile. » Autant de solutions qui ne répondent pas dans l’immédiat à l’explosion des prix à la pompe