Son texte arrive après plusieurs mois compliqués dans les aéroports français. Les grèves chez les contrôleurs aériens, contre la réforme des retraites, ont entraîné de nombreuses annulations de vol, parfois même à la dernière minute. Déposée le 1er mai et adoptée en commission de l’aménagement du territoire le 7 juin, une proposition de loi sénatoriale entend assurer une meilleure prévisibilité en cas de grève des contrôleurs aériens. Le texte de Vincent Capo-Canellas (Union centriste) a de bonnes chances d’être adopté en séance le 15 juin sous l’impulsion de la majorité sénatoriale, dont il fait partie.
Son texte veut imposer à cette catégorie professionnelle l’obligation de se déclarer gréviste 48 heures avant le mouvement. Car contrairement aux autres professions du transport aérien ou du ferroviaire, régis par la loi Diard, les aiguilleurs du ciel ne sont pas tenus actuellement par ce principe. Ils sont en revanche concernés par les dispositifs du service minimum et sont donc susceptibles d’être réquisitionnés en cas de mouvement social.
Sans déclaration individuelle, la Direction générale de l’aviation civile est dans l’incertitude et peine à anticiper avec précision le nombre de vols à annuler. L’administration peut sous-évaluer ou surévaluer les besoins lors d’une journée d’action syndicale. Le texte du sénateur de Seine-Saint-Denis vise à éviter les décisions préventives mal calibrées, car prises dans la précipitation. Autre cas de figure : sans préavis, un mouvement de grève des contrôleurs organisé à la dernière minute peut paralyser une partie importante des vols. Le 11 février à Orly, un vol sur deux a dû être annulé.
40 000 heures de retard dans les aéroports en 2023
« Il faut réformer le système qui, quelque part, est absurde », expliquait sur notre antenne le 30 mai, Vincent Capo-Canellas. « Il est à bout de souffle. Il n’est pas performant, ni pour les passagers, ni même pour les contrôleurs, qui se trouvent désorganisés », a-t-il ajouté, précisant que les réquisitions pénalisaient les aiguilleurs du ciel dans leur vie personnelle. « J’ai essayé de travailler ceci dans une optique de dialogue social […] Je prends vraiment garde à respecter le droit de grève. »
Spécialiste des sujets d’aviation, le parlementaire avait déjà remis un rapport critique en 2018 sur les « retards du contrôle aérien ». Il soulignait que 67 % des jours de grève du contrôle aérien en Europe « se sont produits en France, causant 96 % des retards enregistrés » de 2004 à 2016. Dans le rapport adopté par la commission le 7 juin, la sénatrice Évelyne Perrot (Union centriste) indiquait que les jours de grève des services de la navigation aérienne, se chiffraient cette année à 37, engendrant près de 40 000 heures de retard dans les aéroports et 10 millions d’euros de manque à gagner, pour le seul groupe Air France.
En 2018, à l’initiative du sénateur Joël Guerriau (Les Indépendants), le Sénat avait déjà adopté une proposition de loi imposant le dépôt de déclaration individuelle pour les contrôleurs aériens, au moins 48 heures avant la grève. Le texte n’a jamais été inscrit à l’agenda des députés. Cette fois, Vincent Capo-Canellas assure que la rédaction est différente et espère ainsi qu’elle fera « consensus ».
« Faut-il repenser un certain nombre de règles […] Je le crois », affirmait le ministre des Transports en février
Reste à savoir maintenant comment le gouvernement accueillera cette nouvelle initiative parlementaire. Une chose est sûre, le ministre des Transports a peu apprécié le mouvement social inopiné des contrôleurs aériens le 11 février à Orly. Clément Beaune avait jugé la grève « irrespectueuse et irresponsable ». Interrogé par le sénateur Joël Guerriau lors des questions d’actualité au gouvernement du 15 février, il n’avait d’ailleurs pas fermé la porte à une évolution de la législation, parlant même d’étudier « différentes pistes sans tabou ».
« Faut-il repenser un certain nombre de règles ou de pratiques au vu de ce comportement inattendu et inacceptable ? Je le crois », avait-il indiqué. Le ministre a précisé qu’il fallait commencer par la négociation interne, avant de conclure : « Si c’est nécessaire, nous examinerons avec le Parlement, sous l’autorité de Madame la Première ministre, l’ensemble des pistes complémentaires, notamment celle que vous évoquée. » Une référence directe aux mots du sénateur Guerriau qui préconisait le dépôt d’un préavis de grève.
« Je crois, quand je reprends les déclarations du ministre et vu les contacts que j’ai eus, qu’en tout cas ce que je propose est acceptable par chacune des parties », estime Vincent Capo-Canellas.