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Fiscalité : les pistes du gouvernement Barnier pour réduire le déficit 

Pour faire face à la situation des finances publiques et au déficit abyssal, le gouvernement Barnier travaillerait à des pistes d’augmentations d’impôts, ciblées sur certains publics, avant son discours de politique générale ce mardi à l’Assemblée nationale.
Rédaction Public Sénat

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A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ? Face à une situation des finances publiques « beaucoup plus dégradée que cela a été dit », avec un déficit public qui s’élèverait à 6 % du PIB et une dette publique à 3 228 milliards d’euros, le gouvernement travaillerait à plusieurs augmentations d’impôts ciblées, comme l’indiquent des informations du journal Le Monde. Ces mesures pourraient être applicables dès la fin de l’année, en passant par un projet de loi de finances rectificative pour 2024, sinon, elles seraient intégrées au budget 2025, dont le texte doit être déposé à l’Assemblée nationale d’ici au 9 octobre. La totalité des mesures envisagées pourrait rapporter environ 8,5 milliards d’euros à l’Etat. L’annonce de ces mesures a provoqué de vives réactions chez les soutiens de Michel Barnier, notamment sa prédécesseure Élisabeth Borne ou encore Gérald Darmanin. L’ancien ministre de l’Intérieur a ainsi affirmé sur France Inter qu’« aujourd’hui, au Parlement, il n’y a sans doute pas de majorité pour augmenter les impôts ».

Un prélèvement exceptionnel sur les grands groupes

Le premier ministre l’évoquait lors de son entretien au Journal de Saône-et-Loire vendredi dernier : « Nous allons faire appel, de manière exceptionnelle et temporaire, à ceux qui peuvent contribuer à cet effort. ». La traduction en termes de fiscalité ? Il envisage de mettre en place une « contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises », soit une surtaxe exceptionnelle, de 8,5 points selon les informations du Monde. Cette surtaxe viendrait s’ajouter aux 25 % d’imposition sur les bénéfices imposables, menant l’impôt sur les sociétés à 33,5 %, soit le taux d’impôts sur les sociétés en vigueur entre 1993 et 2017. Cette contribution ne concernerait que les grands groupes, dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 1 milliard d’euros, et qui sont redevables de l’impôt sur les sociétés, et devrait concerner environ 300 groupes. Dans le projet consulté par le Monde, le gouvernement justifie cette décision ainsi : « Afin que les grandes entreprises contribuent au redressement des finances publiques et sans pour autant remettre en cause le choix de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à un niveau comparable à celui en vigueur chez nos principaux partenaires ».

Cette mesure exceptionnelle devrait rapporter, selon le chiffrage de l’Etat, 8 milliards d’euros, et va dans le sens de la « justice fiscale » que met en avant le gouvernement. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des Comptes a déjà salué la mesure, en ajoutant que si elle était nécessaire pour lutter contre le déficit, il fallait aussi des contributions exceptionnelles pour « financer la transition écologique ».

C’est dans ce même esprit que le projet un temps envisagé d’alourdir l’impôt sur le revenu, a été abandonné. La piste envisagée par Bercy était de ne pas modifier le barème de l’impôt sur le revenu, qui est traditionnellement revu chaque année et indexé sur l’inflation. L’astuce trouvée par Bercy aurait été de ne pas en modifier les seuils : les foyers aux revenus constants auraient été davantage imposés, et certains non imposables le seraient devenus. La manœuvre aurait signifié un gain de près de 2,7 milliards d’euros de recettes.

Une taxe sur les rachats d’actions

La cible sera la même que pour la contribution exceptionnelle : les grands groupes au plus d’un milliard d’euros de bénéfice annuels seront désormais taxés sur les rachats d’actions. Cette mesure a déjà été envoyée au Conseil d’Etat après validation lors d’une réunion interministérielle le 23 septembre et pourrait entrer en vigueur dès la date de présentation du budget en Conseil des ministres. La mesure vise à lutter contre une pratique courante dans le capitalisme financier et pointé par beaucoup comme une dérive : une entreprise rachète ses propres actions et annule ensuite l’achat. La manœuvre permet de réduire artificiellement son capital et d’augmenter par là même mécaniquement la part de chaque actionnaire. Concrètement, le gouvernement prévoit une taxe s’élevant à 8 % du montant nominal de la réduction de capital et devrait rapporter environ 200 millions d’euros par an.

Alourdir l’écotaxe automobile

Il s’agirait de renforcer progressivement l’écotaxe automobile, qui avait été mise en place à la suite du Grenelle de l’Environnement en 2007, et qui vise à flécher les achats des consommateurs vers des voitures moins émettrices de CO2. Actuellement, seuls les véhicules émettant plus de 118 grammes de CO2 par kilomètre sont soumis à cette taxe : l’idée est d’abaisser le seuil chaque année, pour atteindre progressivement 99 g/km d’ici à 2027. Dans le même mouvement, cette taxe pourra atteindre le montant maximum de 90 000 euros en 2027 pour les véhicules les plus émetteurs, alors qu’elle n’est que de 60 000 aujourd’hui. Au total, cette refonte de l’écotaxe devrait rapporter 316 millions d’euros en 2025.

Durcir la fiscalité sur les meublés « Airbnb »

Il s’agirait de corriger une partie de la fiscalité pour les loueurs de meublé non professionnels (LMNP), qui a déjà été pointée comme « incohérente » par une députée Renaissance, Annaïg Le Meur, qui avait rédigé en 2023 un rapport sur la question. La mesure qu’envisage le ministère des Comptes publics voudrait réintégrer l’amortissement du bien loué sur des plateformes de type Airbnb dans sa plus-value imposable en cas de cession du bien. Cet amortissement du bien, qui comprend l’amortissement de la valeur d’achat, des travaux ou d’ameublement sont déduits des revenus locatifs : dans la plupart des cas, ces frais viennent réduire considérablement voire annuler l’imposition sur les revenus locatifs. Cette réintégration devrait entrer en vigueur à partir de janvier 2025, mais ne semble pas avoir été chiffrée jusqu’ici par les services de l’Etat. La mesure avait été adoptée par la commission des finances de l’Assemblée nationale pour le budget 2024, mais n’avait pas été retenue lors de l’adoption du texte, grâce à une série de 49-3.

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