Feuille de paie, TPE-PME, dématérialisation : Bruno Le Maire présente ses pistes pour éviter la « paperasse »
Par Alexis Graillot
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Le tournant de la simplification semble lancé. En amont du conseil des ministres, Bruno Le Maire, accompagnés de ses homologues de la Transformation publique, Stanislas Guerini, et des TPE-PME, Olivia Grégoire, a détaillé le projet de loi « Simplification », destiné à réduire la surcharge administrative des acteurs économiques.
« Trop de normes tuent la croissance », tance d’emblée le ministre de l’Economie, faisant mention du dernier rapport sénatorial, qui a évolué le coût de perte de production du trop-plein normatif à 84 milliards d’euros, soit 3% du PIB. Un chiffre colossal au regard du déficit public de l’année 2023, annoncé à 154 milliards d’euros par l’INSEE.
« Simplifier drastiquement »
Décrivant des patrons « fatigués » et « exaspérés », face à « l’accumulation de la paperasse », représentant une charge « d’en moyenne 8 heures par semaine pour un patron de TPE/PME », soit une journée de travail complète, Bruno Le Maire exprime sa « révolte », au regard d’une situation qui « décourage les entrepreneurs », et « nous fait courir le risque d’un déclassement européen ».
Parmi les principales mesures de simplification présentées, le ministre de l’Economie annonce la suppression de tous les formulaires CERFA, « sans exception d’ici 2030 », une « revue complète des 2500 autorisations administratives », notamment les obligations de déclaration par l’employeur des arrêts maladie, ainsi que les attestations d’assurance-chômage, qui font souvent doublon.
Le chantier est également ouvert dans la commande publique (160 milliards d’euros par an), via le lancement d’une « plateforme unique pour l’ensemble des marchés publics, des opérateurs de l’Etat, des hôpitaux et de la Sécurité sociale ». Cette plateforme, appelée PLACE sera mise en place « d’ici 2027 », annonce Bruno Le Maire. Plateforme unique, mais également un seul dossier, valable pour « tous les appels d’offre de toutes les commandes publiques ». En outre, le contentieux s’opérera désormais devant une juridiction unique, soit le juge administratif , ainsi qu’une règle unique d’avance de trésorerie (30% du montant de la commande publique). Le locataire de Bercy promet de la même manière, une « transparence sur les délais de paiement des opérateurs publics ».
Une autre partie du projet de loi portera quant à elle sur le « rapprochement du droit des professionnels et des particuliers en matière de banque, d’assurance et d’énergie ». Sur les banques, Bruno Le Maire annonce un « alignement des règles de clôture de compte des entreprises sur celui des particuliers », qui ne feront l’objet d’aucun frais. Dans la même lignée, il indique « la résiliation sans frais des contrats d’assurance pour les TPE/PME ».
A ce titre, un coup de pression est mis sur les assureurs, qui devront désormais « respecter des règles strictes en matière d’indemnisation des entreprises et des particuliers », à savoir un délai de deux mois maximum quand l’expertise n’est pas nécessaire, et un délai de 6 mois en cas d’expertise. En cas de non-respect, Bruno Le Maire précise que la sanction sera une « astreinte journalière », sans toutefois préciser le montant. Par ailleurs, il révèle que le coût de résiliation des contrats d’électricité sera désormais « plafonné ».
Last but not least sur la simplification, et qui devrait constituer une bonne nouvelle pour tous les salariés, la fiche de paie sera désormais grandement simplifiée, passant de 55 à 15 lignes au maximum. « A force de rentrer trop dans le détail, on la rend illisible », tonne le ministre de l’Economie, qui estime que cette nouvelle formule permettra de « rendre compte à chacun de ce qu’il touche (…), ce qu’il paye comme impôts et cotisations (…) et ce qu’il reçoit ».
« Informer et conseiller les entrepreneurs »
Le nouveau projet de loi veut également « mieux informer et conseiller les entrepreneurs », afin de préserver la confiance entre les patrons et l’Etat : « Il n’y a aucune raison qu’un entrepreneur redoute l’administration », avance Bruno Le Maire, qui annonce la généralisation de l’utilisation des rescrits, un « gage de confiance », selon lui. Ces actes administratifs font référence à une « réponse de l’administration fiscale à la question de l’interprétation d’un texte fiscal sur l’appréciation d’une situation », et engage l’administration sur sa réponse, la rendant responsable, si trois conditions sont respectées : le suivi de la position ou des indications communiquées par l’administration, la « bonne foi », ainsi qu’une « situation identique à celle sur laquelle l’administration a pris position ».
Dans la continuité de cette première mesure, le ministre de l’Economie annonce la suppression de certaines peines de prison encourues par les chefs d’entreprise, qu’il juge comme n’étant « pas des bandits en puissance ». « [Ils] ne doivent pas encourir des peines pour une simple erreur de déclaration », soutient-il, ajoutant que désormais, « les agents chargés du contrôle auront l’obligation d’effectuer un stage en entreprise avant leur prise de fonction ».
Pour autant, Bruno Le Maire se veut attentif à ce que « l’hydre de la complexité ne reprenne pas ses droits », annonçant la montée en puissance des études d’impact, via les « tests PME », votés au Sénat il y a quelques semaines : « Dès qu’il y aura une nouvelle norme, une évaluation systématique sera faite » sur le coût des normes et l’impact sur les PME, décrit-il, estimant « stupéfiant » de multiplier les règles, « sans jamais se demander ce que ça représente en coût économique global ». Une « stupéfaction » quelque peu étonnante, lorsque l’on sait que les études d’impact, créées en 2009, ne font pas l’objet d’un intérêt très prononcé des derniers gouvernements, comme l’ont souligné plusieurs sénateurs centristes en avril 2023, les qualifiant d’ « angle mort des gouvernements français ».
« Libérer le potentiel économique de la nation »
Enfin, Bruno Le Maire se fixe comme objectif de « libérer le potentiel économique de la nation », présentant plusieurs mesures en ce sens. En premier lieu, pour faciliter les installations industrielles, il explique que « les grands projets industriels n’auront plus à organiser un débat au titre de la commission nationale du débat public », ainsi que le « bénéfice automatique du quota national ZAN (NDLR : Zéro artificialisation nette ») pour les nouvelles usines et l’extension des usines existantes. Les contraintes seront également « assouplies » en matière de compensation environnementale : « Le fait que la compensation soit immédiate peut bloquer la réalisation de projets industriels », avance le ministre de l’Economie, qui annonce désormais l’utilisation de la notion de « délai raisonnable ».
Voilà qui ne devrait pas manquer de faire réagir les forces de gauche sur les ambitions écologiques du gouvernement, même si Bruno Le Maire fait part de sa volonté de prendre « toutes les mesures nécessaires pour faciliter le développement des énergies renouvelables », et d’accélérer le versement du crédit impôt recherche, le délai d’agrément passant désormais d’un an à six mois.
D’autant plus que si l’on en croit les derniers développements concernant la dématérialisation de la procuration de vote, une autorisation devra également être confirmée …. en mairie, disposant d’un lecteur d’empreintes. Alors que le ministre de l’Economie formule le vœu que « tous les ministères proposent chaque année des mesures de simplification dans leur champ d’action, qui devront être traduites dans le projet de loi annuel « Simplification », celui-ci semble dès lors, être bien pieux.
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