« L’État va se serrer la ceinture », a résumé Bruno Le Maire dimanche 18 février sur le plateau du 20 Heures de TF1, annonçant revoir à la baisse les prévisions de croissance pour l’année 2024 et la nécessité de trouver 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires.
La moitié des coupes budgétaires seront faites sur les dépenses de fonctionnement des ministères. Mais le ministre de l’Economie et des Finances a également indiqué une diminution d’un milliard d’euros de l’enveloppe allouée à MaPrimeRénov’ et une limitation de la hausse du Fonds vert à 100 millions d’euros, contre les 500 millions initialement prévus.
Des coupes budgétaires, malgré l’annonce d’un « effort historique »
« On nous avait présenté le projet de loi de finances 2024 comme celui qui devait préparer l’avenir face aux enjeux climatiques, de santé, d’éducation… Au final, c’était un effet d’annonce », déplore la sénatrice Les Républicains Christine Lavarde, rapporteure du volet écologie de ce PLF 2024. Le ministère de la Transition écologique avait, en effet, annoncé « un effort historique » sur la rénovation énergétique des bâtiments, portant à 5 milliards d’euros le budget de MaPrimeRénov’.
Le dispositif, visant à financer une partie des travaux d’isolation et de chauffage des ménages, devait ainsi permettre de contribuer aux travaux de rénovation énergétique de 200 000 habitations cette année. « Pour tenir nos engagements de neutralité carbone, l’État s’est engagé à rénover 700 000 logements par an, même avec la hausse budgétaire initialement prévue, nous étions loin de remplir cet objectif », s’inquiète Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat et rapporteur l’an dernier d’une commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
Malgré la coupe annoncée, le budget de MaPrimeRénov’ augmentera tout de même de 600 millions d’euros en 2024. Une hausse largement insuffisante pour Guillaume Gontard : « C’est un signal désastreux qui montre que ce gouvernement n’a pas de vision. Bruno Le Maire a l’impression de faire des économies, mais si on n’investit pas dans ces secteurs de transition et d’adaptation au changement climatique, ce seront des dépenses publiques beaucoup plus importantes pour les années à venir. »
« Pour limiter les dépenses, il faut privilégier les incitations fiscales »
« À très court terme, ces dépenses pour la transition ne sont pas vitales puisqu’on en voit les bénéfices au long cours. Dans l’état actuel des finances publiques, ce sont donc les premières dépenses qui sont coupées », reconnaît Christine Lavarde. Pour la sénatrice, une politique de rénovation énergétique efficace passe pourtant par une pérennisation des fonds dédiés à cette question : « Pour toutes ces mesures de transition écologique qui nécessitent une adaptation des industries, le déploiement de nouvelles compétences, on ne peut pas avoir de stop and go de la part du gouvernement. »
Dans son rapport sur la mission écologie du PLF 2024, la sénatrice pointait du doigt le manque de pertinence de MaPrimeRénov’, un dispositif mal calibré, qui n’encourage pas de rénovations globales des logements mais davantage des rénovations « monogestes » (le changement de mode de chauffage, par exemple). Pour inciter les Français à mener des travaux de rénovation énergétique, Christine Lavarde invite donc le gouvernement à « penser différemment ». « La majorité sénatoriale dénonce depuis longtemps le coût phénoménal de l’endettement de la France. Pour limiter les dépenses, il faut privilégier les incitations fiscales, les ménages ont de l’argent à mobiliser pour la rénovation énergétique, à commencer par l’épargne accumulée pendant la crise Covid », plaide la sénatrice.
La piste de la création d’une programmation budgétaire spécifique à la rénovation énergétique est également sur la table et fait partie des recommandations de la commission d’enquête menée sur le sujet au Sénat. « Nous avons auditionné les ministres du Logement et de l’Ecologie des dix dernières années, tous nous ont dit être empêchés dans leur action par une trajectoire financière illisible pour agir dans la durée », constate Guillaume Gontard.
Une diminution « incompréhensible » du Fonds vert
Autre dispositif touché par les coupes budgétaires annoncées par Bruno Le Maire : le Fonds vert, mis en place il y a un an pour aider les collectivités territoriales à financer des projets de transition. Sa dotation devait augmenter de 500 millions d’euros, la hausse sera finalement de 100 millions. Un coup de rabot « incompréhensible » pour le président des écologistes au Sénat : « Tout le monde dit que c’est par le local que passera en premier lieu la transition, en matière d’agriculture, de mobilité, d’énergie… Ce fonds donnait un peu de souffle aux collectivités pour mener des actions concrètes avec un réel impact. »
Dans son rapport sur la mission écologie du PLF 2024, Christine Lavarde notait que le nombre de dossiers déposés par les communes pour demander le financement d’un projet par le Fonds vert, près de 17 000 en 2023, témoigne d’un certain succès du dispositif. Si l’enveloppe budgétaire peut être utilisée pour soutenir divers projets, la majorité des dossiers déposés et acceptés formulait une demande de rénovation énergétique d’un bâtiment public.
Lors d’un déplacement dans un collège en septembre 2023, Emmanuel Macron avait annoncé qu’un budget de 500 millions d’euros serait débloqué en 2024, pour financer spécifiquement la rénovation des écoles au travers du Fonds vert. Une ambition qui, au vu des coupes budgétaires annoncées, sera nécessairement revue à la baisse.