Énergie : le Sénat adopte en commission une programmation pluriannuelle de l’énergie

Énergie : le Sénat adopte en commission une programmation pluriannuelle de l’énergie

Réponse de la droite sénatoriale face à l’absence de projet de loi de programmation sur l’énergie, une proposition de loi définissant la stratégie quinquennale du pays a été adoptée ce 29 mai en commission. Le texte acte notamment la relance de l’énergie nucléaire.
Guillaume Jacquot

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La droite sénatoriale met le pied dans la porte. Devant le refus du gouvernement de présenter un projet de loi sur la stratégie énergétique de la France, le groupe majoritaire au Sénat a décidé de prendre les devants en déposant lui-même un texte afin de ne plus priver le Parlement d’un débat clé, tant attendu. Examinée en commission des affaires économiques ce 29 mai, la proposition de loi LR a été adoptée sans grandes difficultés.

La loi énergie-climat de 2019 imposait pourtant à l’État de se doter d’une loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat, avant le 1er juillet 2023. Le texte devait actualiser les objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’évolution des différentes sources d’énergie. En avril, le gouvernement a confirmé qu’il renonçait à passer devant le Parlement, considérant qu’une « loi cathédrale » regroupant l’ensemble des sujets énergétiques s’avérera « difficile ». Dans un contexte de majorité relative à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Énergie Roland Lescure ne veut pas raviver la « guerre de religion qui oppose les pronucléaires aux prorenouvelables ».

Pour ne rien arranger, le projet de loi sur la souveraineté énergétique a été reporté sine die, et surtout, vidé de sa substance. Allégé des objectifs d’électricité d’origine nucléaire, le texte est resserré aux questions de régulation des prix et de protection des consommateurs dans le domaine énergétique.

L’objectif des 14 EPR4 d’ici 2050 inscrit dans le texte

Refusant que le gouvernement agisse seul par voie réglementaire, les sénateurs LR s’attaquent donc à la mise à jour des différentes cibles à atteindre, les objectifs datant de 2019 étant obsolètes. Les auteurs consacrent en particulier la relance du nucléaire, actée par le virage d’Emmanuel Macron début 2022 sur le sujet. La proposition de loi sénatoriale prévoit notamment un maintien à plus de 60 % la production d’électricité nucléaire à l’horizon 2030 et un mix majoritairement nucléaire à l’horizon 2050. Pour rappel, en 2023, dans le cadre de la loi sur l’accélération de la construction de réacteurs, le Parlement avait retiré du Code de l’énergie l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2035.

Le texte fixe l’objectif de construire « au moins 27 gigawatts de capacités installées d’ici 2050 », dont 14 EPR2 et 15 petits réacteurs modulaires (les SMR). Le groupe LR reprend donc à son compte les objectifs fixés par le chef de l’État, tout en voyant plus loin. Il demande d’étudier la construction de 6 EPR supplémentaires, d’ici la prochaine loi de programmation.

Autre objectif inscrit : recourir à plus de 20 % de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire d’ici 2030. En commission, les rapporteurs Alain Cadec et Patrick Chauvet (LR) ont fait modifier la trajectoire, en requérant 10 % en 2030 et 20 % en 2040.

Ajout d’un objectif pour l’énergie photovoltaïque, dans le texte de la commission

Côté énergies renouvelables, les sénateurs LR demandent, d’ici 2030, « une part de 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale brute d’énergie », dont « 45 % pour la chaleur et le froid renouvelables et 20 % pour le gaz renouvelable ». Là où le Code de l’énergie ne fixe pas d’objectif chiffré sur la montée en puissance de l’hydraulique, le texte sénatorial inscrit un objectif de 29 GW de capacités installées d’ici 2035.

Sur l’éolien en mer, le texte ne va pas au-delà des textes actuels, qui prévoient une progression de 1 GW chaque année pour la capacité installée. Une précision importante est apportée : il devra s’agir « prioritairement » d’installations flottantes, qui « respectent des exigences de sécurité des installations électriques, de conciliation avec les activités économiques ou récréatives, de qualité des paysages et de préservation de la biodiversité ». Quant à l’éolien terrestre, un amendement adopté ce mercredi en commission vise à « privilégier » le nouvellement des installations existantes à l’installation de nouvelles. Son auteur, Didier Mandelli (LR), vise des installations « plus performantes » pour prendre la suite des éoliennes en fin de vie.

En commission des affaires économiques, un amendement de Didier Mandelli a été adopté pour préciser l’objectif relatif à la production d’origine photovoltaïque. Celle-ci devra avoir une capacité installée « d’au moins 50 GW à l’horizon 2030 ». La trajectoire actuelle a fixé un palier de 44 GW en 2028, et le projet de stratégie française sur l’énergie et le climat, mis en consultation fin 2023, fixe un horizon à 75 à 100 GW dès 2035.

Dérogation à l’interdiction des centrales à charbon en cas de simple menace sur l’approvisionnement

De façon globale, la proposition de loi établit un objectif de baisse, d’ici 2030 des énergies fossiles, de 30 % de la consommation énergétique finale totale. Elle prévoit aussi d’interdire la production d’électricité produite à partir de charbon d’ici 2027, comme le propose l’exécutif. En fixant néanmoins une dérogation en cas de « menace grave pour la sécurité d’approvisionnement ». Les rapporteurs ont supprimé le mot « grave ».

À l’article 1er, qui consacre plusieurs grands principes dans le marbre de la loi (le caractère nationalisé du groupe EDF ou encore la propriété publique des réseaux de distribution et de transport), les sénateurs ont ajouté que l’État devait garantir « l’existence des tarifs réglementés de vente d’électricité ».

Des dispositions pour renforcer la protection des consommateurs d’électricité complètent le texte en dernière partie. Les sénateurs se sont notamment inspirés des recommandations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou du Médiateur national de l’énergie (MNE). Ils demandent que les présentations des offres de fourniture soient accompagnées de fiches harmonisées, afin d’en faciliter la comparaison. Autre mesure : un fournisseur devra être tenu de proposer une révision de l’échéancier de paiement, afin de réduire le montant de la facture de régularisation.

La droite profite également du texte pour réintroduire une disposition votée dans le cadre du projet de loi d’accélération du nucléaire, mais retoquée par le Conseil constitutionnel car elle a été considérée comme cavalier législatif. L’article prévoit un durcissement des peines et l’interdiction de subvention pour des associations mises en cause, en cas d’intrusion dans les installations abritant ou ayant vocation à abriter des matières nucléaires.

La proposition de loi sera débattue en séance publique les 11 et 12 juin.

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