Deux ans après la réforme des retraites et le recul de l’âge légal de départ à taux plein de 62 à 64 ans, la France cherche à rattraper son retard sur l’employabilité des seniors. Le projet de loi sur « l’emploi des salariés expérimentés et le dialogue social » arrive en séance publique au Sénat ce mercredi 4 juin. Conformément à un engagement du gouvernement, ce texte transpose deux accords nationaux interprofessionnels (ANI), conclus le 14 novembre 2024 par l’ensemble des organisations salariales et patronales, à l’exception de la CGT. Les dispositions prévues par les partenaires sociaux visent notamment à inciter les employeurs à l’embauche de salariés de plus de 60 ans et à faciliter leur maintien dans l’emploi.
Au cœur de ce texte : l’article 4 qui propose de créer un nouveau type de contrat à durée indéterminée (CDI), à destination des seniors et baptisé « contrat de valorisation de l’expérience ». Réservé aux salariés à partir de 60 ans – ou 57 ans si un accord de branche le permet – il permet à l’employeur une mise à la retraite d’office lorsque le salarié atteint l’âge légal de départ et s’il cumule suffisamment de trimestres pour prétendre à une pension à taux plein. Ce type de contrat exonère également l’employeur d’une partie des cotisations patronales versées sur le montant de l’indemnité de mise en retraite.
En commission, les sénateurs ont souhaité renforcer le caractère expérimental du dispositif, prévu pour une durée de cinq ans.
Le projet de loi instaure également deux nouveaux entretiens professionnels obligatoires dans la vie du salarié (article 3) : le premier à 45 ans, « consacrés respectivement à l’anticipation de la seconde partie de carrière », et le second à partir de 58 ans, destiné à préparer la fin de carrière.
Développer le dialogue social
Les articles 1 et 2 renforcent le dialogue social sur l’emploi des seniors avec l’institution d’une négociation obligatoire, à la fois au niveau des branches professionnelles, mais aussi dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Elle devra se tenir tous les quatre ans et portera « sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés. »
Par ailleurs, le texte entend faciliter l’accès à partir de 60 ans à un temps partiel en vue d’une mise à la retraite progressive, en rehaussant les exigences légales qui devront être présentées par l’employeur pour motiver un refus (article 5). Un accord d’entreprise, ou à défaut de branche, pourra éventuellement permettre un maintien de la rémunération du salarié passé en temps partiel via la réaffectation de l’indemnité de départ à la retraite (article 6).
Les sénateurs n’ont que très peu retouché ce projet de loi lors de son examen en commission des Affaires sociales, afin de rester au plus près du périmètre de l’accord conclu par les partenaires sociaux et le patronat. Précisons toutefois qu’ils ont fait sauter l’habilitation réclamée par le gouvernement pour légiférer par ordonnance afin de réformer les différents dispositifs de transition professionnelle, dont l’articulation est jugée insuffisante.
Le taux d’emploi des seniors en France (55 à 64 ans) était de 58,4 % en 2023, selon les chiffres de la Dares. Un niveau inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne, 63,9 %, et très en deçà de certains pays comme la Pologne (67,1 %) ou l’Allemagne (74,6 %). « La France a rattrapé son retard par rapport à l’Allemagne chez les 50-59 ans », a expliqué Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre chargée du Travail et de l’Emploi, au moment de la présentation du projet de loi début mai. En revanche, « le décrochage » persiste à partir de 61 ans.