En commission, la majorité sénatoriale a supprimé les 800 millions d’euros d’économies sur le fonds de compensation de la TVA. Ils ont surtout supprimé le fonds de précaution de 3 milliards d’euros, pour le remplacer par un « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales », doté de 1 milliard d’euros. L’effort est ainsi mieux réparti : environ 3000 collectivités seront concernées, contre les 450 les plus riches dans la copie gouvernementale. Le gouvernement est « d’accord sur les modalités qu’on propose », soutient le sénateur LR Stéphane Sautarel.
Electricité : la piste explosive d’une hausse des taxes plus importante que prévu
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Mauvaise nouvelle en vue pour les Français. À la recherche de 60 milliards d’euros pour boucler le budget 2025, dans un effort d’une ampleur rarement vue mêlant réduction de la dépense publique et nouvelles recettes fiscales, le gouvernement est tenté de rehausser les taxes sur l’électricité à un taux supérieur à ce qui était prévu il y a encore quelques mois.
Selon Le Parisien, le ministère des Comptes publics songerait à augmenter la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité (TICFE) au-delà de 32,44 euros par mégawattheure en 2025, soit au-delà du niveau qui avait été annoncé au début de l’année 2024. Cette taxe finance le service public de l’énergie.
Le deuxième et dernier acte de la fin du bouclier tarifaire
Petit rappel des épisodes précédents, en premier lieu. Au moment de la crise inflationniste, fin 2021, le gouvernement décide de diminuer cette taxe, afin d’amortir la hausse des prix sur les consommateurs. Les cours de l’électricité avaient bondi en raison de problèmes de disponibilité d’une partie du parc nucléaire français, et à partir de février 2022, des conséquences de la guerre en Ukraine sur le marché de l’énergie. Le 1er février 2022, le tarif de la TICFE est ramené de 22,50 euros à 1 euro le mégawattheure pour les ménages, et à 50 centimes pour les entreprises. Son plus bas niveau permis par la réglementation européenne.
La sortie de ce bouclier tarifaire se fait en deux temps. Le premier rattrapage se fait au mois de février 2024, avec un retour à 21 euros par mégawattheure, occasionnant une hausse des factures au tarif réglementé de l’ordre de 10 %. La mesure était inscrite dans la loi de finances. L’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, annonce durant l’hiver dernier que le retour de cette fiscalité, sur la consommation d’électricité, au niveau d’avant-crise de 32,44 euros aura lieu au 1er février 2025, en raison de la décrue importante du prix de l’électricité sur les marchés.
L’élément nouveau serait donc que le gouvernement propose d’aller au-delà de ce niveau. Bercy a confirmé ce dimanche auprès de l’Agence France Presse que cette hypothèse était à l’étude, tout en soulignant qu’il n’y avait « rien de définitif ». « Ce sera soumis au débat parlementaire », a précisé le ministère du Budget et des Comptes publics. Invitée de France Inter dimanche, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, s’est contentée de communiquer sur un retour à un « niveau normal d’avant crise ».
Une hausse de la fiscalité pour tous les ménages, plus ou moins visible selon le type de contrat
L’augmentation de la TICFE, une taxe que l’on appelle une accise, concernera tous les consommateurs, puisqu’elle s’applique à tous les contrats, qu’il s’agisse de ceux souscrits par les ménages ou ceux signés par les entreprises, ou qu’il soit question d’une offre réglementée ou d’une offre relevant d’un fournisseur alternatif à EDF. « Cela impacte en valeur de la même façon les consommateurs. Mais les variations en pourcentage ne vont pas être les mêmes car on ne part pas du même niveau », explique Boris Solier, maître de conférences en économie et responsable du master économie de l’énergie à l’université de Montpellier. « Tout le monde la prendra plein pot, mais elle sera plus visible sur les offres de marché », souligne également Nicolas Goldberg, associé chez Colombus Consulting.
Explications. Les ménages qui ont souscrit à des offres de marché, et qui ont déjà bénéficié cette année du retour au calme du prix de l’électricité sur les marchés de gros, devraient donc voir leur facture augmenter.
Pour les autres, soit deux tiers, les abonnés à des tarifs réglementés, l’effet sur la facture en 2025 sera différent en raison du décalage à l’œuvre. En effet, la Commission de régulation de l’énergie va annoncer pour ces Français une baisse du prix de vente réglementé de l’électricité (hors taxes) au mois de février, puisqu’elle se base notamment sur les prix du marché constatés ces deux dernières années. Le pic de 2022 sera donc sorti du calcul. Mais la baisse promise pour février pourrait être plus limitée que prévu, si le gouvernement décide de relever la TICFE à un niveau supérieur à la trajectoire annoncée l’hiver dernier.
Au printemps, juste avant les élections européennes, le gouvernement avait beaucoup communiqué sur des factures d’électricité en baisse « de 10 % à 15 % » pour le début de l’année 2025. Mais avec la hausse du TURPE (Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), qui finance l’acheminement de l’électricité, « ce sera plutôt une baisse de 10 % » des factures au tarif réglementé, selon Boris Solier. Et une éventuelle hausse de la TICFE au-delà du seuil 32,44 euros pourrait grignoter les gains sur les factures. Le ministère du Budget a évoqué auprès de l’AFP une baisse « à hauteur de 9 % ». « Cela paraît quand même assez hasardeux dans la mesure où la consommation d’électricité est fortement en recul par rapport à la période avant-crise. Et comme toute taxe sur l’énergie, c’est régressif, cela va frapper plus fortement les ménages modestes », avertit l’enseignant-chercheur Boris Solier.
La gêne de la ministre de la Transition écologique et de l’Énergie
La piste d’une TICFE gonflée plus fortement qu’anticipé divise au sein du gouvernement. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique et de l’Énergie, a ainsi mis en garde ce dimanche sur France 3 contre « le risque » d’aller trop loin dans la remontée des taxes sur l’électricité et de dépasser le niveau sur lequel le précédent gouvernement s’était engagé. « Si on va au-delà, le risque, c’est qu’effectivement il y ait une augmentation de prix de l’électricité. Il faut être très vigilant parce que les Français modestes et les classes moyennes […] auront la double peine. Ce sont souvent elles qui vivent dans des passoires thermiques », a fait savoir la ministre, une figure de l’aile gauche de la macronie.
« Les arbitrages sont en cours et c’est le Parlement qui va trancher », a-t-elle fait savoir. Tout doit en effet transiter par le budget, qui sera dévoilé ce 10 octobre. Si la mesure venait à être inscrite dans le projet de loi de finances, elle ferait à coup sûr tousser plus d’un député ou d’un sénateur, y compris au sein des groupes les plus favorables au gouvernement. « C’est une très mauvaise mesure. Aller au-delà du seuil de 32 euros, c’est une ligne rouge, c’est clair », indique par exemple le sénateur Vincent Delahaye (Union centriste).
L’ancien rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le prix de l’électricité y voit d’ailleurs un signal qui va « totalement à l’encontre » de ses préconisations de l’été. Adopté à la quasi-unanimité, le rapport transpartisan plaidait même pour un retour de la TICFE à un niveau de 9,50 euros par mégawattheure pour les volumes de consommation de première nécessité. L’an dernier, durant la discussion budgétaire au Sénat, la majorité de droite et du centre s’était opposée à un premier relèvement des accises sur l’électricité qui soit de nature homogène et indifférenciée. Le rapporteur général Jean-François Husson (LR) avait fait adopter un amendement pour muscler l’accompagnement des foyers les plus modestes, à travers le chèque énergie, et sortir les plus aisés du mécanisme de soutien. Le groupe socialiste s’était abstenu et le gouvernement s’y était opposé.
L’augmentation de la TICFE au-delà du niveau de 32 euros par mégawattheure pourrait donc faire débat au Sénat. « A ce stade, je ne vois pas d’objection de principe, vu tout ce que l’Etat a fait quand les prix étaient forts. C’est quand même bien que l’Etat récupère un peu de ses avances sur trésorerie dans un contexte où le prix de l’électricité va baisser », réagit Christine Lavarde (LR). Cette spécialiste des sujets énergétiques au sein de la droite sénatoriale précise néanmoins : « J’ai bien tête qu’il faudra certainement un dispositif de soutien spécifique pour les consommateurs les plus précaires. On abordera ce budget avec la même philosophie. »
« Ça n’envoie pas un bon signal pour la transition énergétique »
Mesure explosive socialement, et politiquement, l’hypothèse d’une TICFE alourdie bien au-delà des 32 euros interroge sur le plan stratégique, pour finir, les spécialistes de l’énergie. Déjà l’an dernier, quand la TICFE avait déjà parcouru les deux tiers du chemin vers le retour à la normale, avait déjà surpris plusieurs experts. « Que ce scénario soit sur la table, c’est aberrant. Pourquoi vouloir surtaxer l’électricité alors qu’on dit qu’il faut électrifier. Il n’y a aucune cohérence, ce n’est pas qu’une question d’argent, mais de politique publique », reproche le consultant Nicolas Goldberg.
« Ça n’envoie pas un bon signal pour la transition énergétique », appuie également Boris Solier. « L’électricité va être deux fois plus taxée que le gaz notamment, si on repasse à des accises de 32 euros le mégawattheure. On va désintéresser de nombreux consommateurs à basculer vers l’électricité, c’est un mauvais calcul à long terme », souligne Boris Solier. Le centriste Vincent Delahaye se place exactement sur la même ligne. « On est en train de se tirer une balle dans le pied en termes de compétitivité, et de taxer au maximum une énergie décarbonée, que l’on voudrait voir se développer, ce n’est pas cohérent ». Avis de surtension dans les débats budgétaires.
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