La publication n’aura pas traîné. Le décret annulant 10 milliards d’euros de crédits budgétaires, voté dans la dernière loi de finances fin décembre 2023, a été signé mercredi à Matignon. Le texte budgétaire, qui met en œuvre les annonces de Bercy dimanche soir dans un contexte de révision à la baisse de la prévision de croissance, a été publié ce jeudi 22 février au Journal officiel.
Le budget de l’écologie, premier concerné par la baisse
Pas un ministère n’est épargné par ces baisses immédiates, comme l’atteste le tableau inséré en annexe, qui détaille les baisses mission par mission, et programme par programme. Mais toutes les politiques publiques portées par l’État ne sont pas logées à la même enseigne, l’effort est inégalement réparti. La mission « écologie, développement et mobilité durables » est celle qui est mise le plus à contribution.
Ses crédits sont diminués de 2,14 milliards d’euros (-9 % par rapport au niveau voté en décembre), soit un cinquième de l’effort global demandé au budget général. Ce montant comprend notamment la diminution à hauteur d’un milliard d’euros qui avait été annoncé sur le dispositif « MaPrimeRénov’ », dédié à la rénovation thermique des logements.
Le budget de la recherche affecté
Les missions « travail et emploi » et « recherche et enseignement supérieur » connaissent eux aussi des diminutions très marquées, en valeur absolue. La première à hauteur de 1,1 milliard et la seconde se voit amputée de 900 millions d’euros. En proportion, ces deux missions subissent donc des diminutions plus marquées en proportion, dans la diminution globale de 10 %, par rapport au poids qu’elles représentent dans le budget général. La baisse du budget « recherche et enseignement supérieur » comprend 192 millions d’euros de diminution pour la recherche spatiale ou encore 383 millions s’agissant d’organismes de recherche comme le CNRS. « En dehors de tout débat budgétaire au Parlement, le gouvernement sabre d’un trait de plume 700 millions d’euros sur la recherche ! On voit clairement le #réarmement et le pari sur l’avenir », s’indigne le sénateur LR Stéphane Piednoir. « C’est un drame pour notre époque et notre avenir », s’est aussi ému le sénateur Pierre Ouzoulias (PCF), sur le réseau X.
Le groupe communiste du Sénat qui, via un communiqué, demande « solennellement un projet de loi de finances rectificatif », estimant que cette « suppression de 10 milliards d’euros se fait à l’abri du Parlement ».
S’agissant de l’Education nationale, une diminution de 681 millions d’euros est inscrite dans le décret, dont 138 millions pour le premier degré, 123 millions pour le second degré, près de 99 millions pour l’enseignement privé (premier et second degrés). L’école est pourtant « la mère des batailles », avait décrété Gabriel Attal au début de l’année.
À noter également la diminution de 737 millions d’euros du budget de la mission « cohésion des territoires », dont 300 millions pour l’aide à l’accès au logement, et 359 millions pour le programme « urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Le budget de l’aide publique au développement est diminué de 742 millions d’euros, ce qui correspond à 12 % du montant inscrit en loi de finances.
-4,9 % pour le budget de la culture, -10,5 % pour la mission sport, jeunesse et vie associative
Le budget de la Culture connaît également un retrait notable. Avec 204 millions d’euros d’économies, c’est 4,87 % du budget inscrit en loi de finances. Avec 180 millions d’euros d’annulations, la mission « sport, jeunesse et vie associative » voit ses moyens diminuer de 10,5 % par rapport au montant initialement promulgué en décembre.
Les ministères régaliens échappent à des mouvements comparables en proportion. Le ministère des Armées n’est concerné que par un recul de 106 millions d’euros, qui concerne les dépenses de personnel pour les fonctions administratives. Celui dédié à la gendarmerie la police et la sécurité civile recule de 232 millions d’euros, uniquement sur les dépenses hors personnel.
Pour la Justice, ce sont 327 millions d’euros en moins, ce qui neutralise les deux tiers de la hausse portée dans le budget de l’année dernière. Le programme dédié à l’administration pénitentiaire, qui porte les opérations immobilières de rénovation et construction, est diminué de 117 millions d’euros.
781 millions d’euros de coupes pour les dépenses de personnel
Au total, le décret prévoit près une diminution de 781 millions d’euros de crédits pour les dépenses de personnel (elles sont désignées dans le décret par la mention « titre 2 ») pour l’ensemble des ministères. 60 % de cet effort se concentre sur l’Education nationale. Selon le Café pédagogique, site d’information associatif de référence pour les enseignants, cette diminution correspondrait à 11 000 emplois.
Selon le décret, les dépenses affectées aux dépenses de personnel pour l’enseignement privé reculent de 1,08 %, celles du public pour le premier degré de 0,49 % et celle du public pour le second degré de 0,23 %. La catégorie relative aux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et aux assistants d’éducation (surveillants) est diminuée de 3,46 %.
Pour rappel, le ministère des Comptes publics avait indiqué que 700 millions d’euros proviendront de moindres dépenses de personnel, notamment en décalant dans le temps certains recrutements. Thomas Cazenave avait également indiqué 750 millions d’euros de baisse des achats de l’État, ainsi qu’une réduction de 25 % des surfaces de bureaux de l’État d’ici 2030 ou encore une baisse de 20 % des déplacements des agents publics.
Le budget des collectivités locales impacté s’agissant de la transition écologique
Bruno Le Maire avait annoncé que cet effort supplémentaire de 10 milliards d’euros porterait exclusivement sur l’État. C’est vrai dans la mesure où les concours financiers aux collectivités territoriales ne sont affectés par le décret d’annulation. Cependant, il faut tout de même noter la diminution de 500 millions d’euros du programme intitulé « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ». Plus connu sous le nom de « Fonds vert », il a pour objectif de financer les projets des collectivités territoriales en lien avec la transition écologique. « Il est tout de même invraisemblable que l’urgence climatique, considérée comme grande cause nationale par l’État, devienne une variable d’ajustement dès que le premier plan d’économies nationales est annoncé », réagissait hier Jean-François Vigier (UDI), vice-président de l’AMF et coprésident de la commission transition écologique.
Ce nouveau serrage de vis s’ajoute aux 16 milliards d’économies déjà inscrits dans le budget français pour 2024, provenant pour l’essentiel de la suppression du bouclier énergétique.
Le montant de 10 milliards d’euros pour un décret d’annulation reste inédit, en comparaison à d’autres décrets du même type publiés ces dernières années.