En commission, la majorité sénatoriale a supprimé les 800 millions d’euros d’économies sur le fonds de compensation de la TVA. Ils ont surtout supprimé le fonds de précaution de 3 milliards d’euros, pour le remplacer par un « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales », doté de 1 milliard d’euros. L’effort est ainsi mieux réparti : environ 3000 collectivités seront concernées, contre les 450 les plus riches dans la copie gouvernementale. Le gouvernement est « d’accord sur les modalités qu’on propose », soutient le sénateur LR Stéphane Sautarel.
[DOCUMENT] Des sénateurs centristes attaquent le décret d’annulation de 10 milliards d’euros d’économies devant le Conseil d’Etat
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Un accès de « mauvaise humeur », nourri par la volonté de faire « respecter les droits du Parlement ». C’est ainsi que la sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste) présente sa démarche. Comme de nombreux autres membres de la commission des finances du Sénat, la parlementaire de l’Orne n’accepte pas le décret d’annulation, pris dans la précipitation par le gouvernement le 22 février. Elle entend provoquer son annulation. Inédit par son ampleur et sa précocité, le texte a rayé dix milliards d’engagements budgétaires, pourtant adoptés grâce au 49.3, seulement deux mois auparavant.
Justifié par l’exécutif sur la base d’une chute des rentrées fiscales en toute fin d’année, ce frein d’urgence budgétaire a été d’autant plus mal vécu au Sénat après les révélations du rapporteur général Jean-François Husson (LR). Le 21 mars, le sénateur a usé de ses pouvoirs pour réaliser un contrôle sur pièces et sur place au ministère des Finances. Au cours de ses investigations, il a découvert que les services de Bercy avaient alerté le gouvernement dès l’automne d’une dégradation de la conjoncture.
Ces soupçons de « rétention d’information » ont débouché sur le lancement d’une mission d’information pour faire la lumière sur l’état des connaissances du gouvernement au moment de l’examen du budget au Parlement. De son côté, Nathalie Goulet a engagé un combat juridique. Elle a déposé un recours « pour excès de pouvoir » devant le Conseil d’Etat le 22 avril, dans l’espoir de faire annuler le décret. « Le cocktail de non-dits et de contournement du Parlement dans une matière qui lui est constitutionnellement réservée, est tout à fait inacceptable », peut-on notamment lire dans le document adressé à la plus haute juridiction administrative du pays.
Les sénateurs estiment que les prérogatives du Parlement et le principe de sincérité budgétaire n’ont pas été respectés
Trois autres collègues de l’Union centriste de la commission des finances ont cosigné le recours : Michel Canevet, Vincent Delahaye et Hervé Maurey. Les parlementaires estiment que le gouvernement aurait dû passer devant le Parlement, par l’intermédiaire d’un projet de loi de finances rectificative. Ils s’appuient en particulier sur ce qu’avait écrit le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre sur la loi de finances : « S’il apparaissait en cours d’année que l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative. » Ce qui était encore dans les clous en décembre ne l’est plus aujourd’hui, selon eux. La révision du déficit de l’année 2023 de 0,6 point de PIB modifie profondément la donne. « Le fait que le gouvernement connaissait les éléments au moment même où on a voté le budget, c’est une tromperie », accuse Nathalie Goulet.
« Confortés » par les découvertes de leur rapporteur général, la sénatrice de l’Orne et ses collègues considèrent que le décret d’annulation est « hautement problématique au regard du principe de sincérité budgétaire », figurant dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). « Défini comme l’absence d’intention de fausser la loi de finances, le principe de sincérité budgétaire est violé dès lors que le Gouvernement a cherché à tromper le Parlement de manière intentionnelle », argumentent-ils.
Le quatuor soutient également que le décret d’annulation « n’est pas fait pour prévenir une détérioration future » et que le dérapage budgétaire sera bien supérieur à 1,5 % des crédits, c’est-à-dire le plafond permis par la loi pour annuler des crédits par voie réglementaire.
Un vice de procédure
Autre angle d’attaque : les sénateurs centristes déplorent un « vice de procédure », pouvant là aussi justifier selon eux l’annulation du décret. Selon la loi, le décret d’annulation doit être transmis pour information aux commissions des finances des assemblées avant sa publication. « J’ai vérifié auprès du rapporteur général, il n’a pas eu vent du décret », relate Nathalie Goulet.
Après une procédure parlementaire marquée une nouvelle fois par le sceau de l’article 49.3 de la Constitution, et dans lequel le Sénat s’est senti particulièrement ignoré dans la reprise de ses apports, l’épisode du décret d’annulation fait donc figure de goutte d’eau pour les requérants centristes. « On a quand même dépassé le cadre de ce qui est acceptable en matière de respect des principes démocratiques », réagit Hervé Maurey, l’un des cosignataires. Pour Nathalie Goulet, cette démarche constitue un « signal important de remettre le Parlement au cœur du village ».
Nathalie Goulet se veut d’autant plus confiante dans ce recours, que d’autres spécialistes de droit public ont également attaqué le décret après sa publication. L’université Jean Moulin Lyon 3 a elle aussi déposé un recours en février, considérant que le décret est une « atteinte aux droits du Parlement », et conduit à s’interroger sur la sincérité budgétaire.
Ressource téléchargeable
Recours des sénateurs centristes adressé au Conseil d'EtatTélécharger
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