En commission, la majorité sénatoriale a supprimé les 800 millions d’euros d’économies sur le fonds de compensation de la TVA. Ils ont surtout supprimé le fonds de précaution de 3 milliards d’euros, pour le remplacer par un « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales », doté de 1 milliard d’euros. L’effort est ainsi mieux réparti : environ 3000 collectivités seront concernées, contre les 450 les plus riches dans la copie gouvernementale. Le gouvernement est « d’accord sur les modalités qu’on propose », soutient le sénateur LR Stéphane Sautarel.
Déserts médicaux : les mesures coercitives à l’installation divisent les sénateurs
Par Thomas Fraisse
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87 % du territoire français manque de médecins. Ce sont plus d’un Français sur dix de plus de 17 ans qui ne possèdent pas de médecins traitants. Et ce phénomène ne touche pas uniquement les zones rurales. « Paris comme la Nièvre sont des déserts médicaux », admettait Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, lors du 104e congrès de l’Assemblée des Maires de France (AMF) en novembre dernier. L’accès aux soins est en crise. Pour y répondre, le texte du député Frédéric Valletoux (Horizons), cosigné par quelque 200 députés de la majorité, entre en débat ce lundi à l’Assemblée nationale.
Dans cette proposition de loi, on retrouve l’interdiction d’intérim médical en début de carrière, la simplification d’exercice pour les médecins diplômés en dehors de l’Union européenne ou encore l’inscription de tous les professionnels de santé aux Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui organiseront une coopération entre les soignants sur un territoire. Des mesures déjà jugées trop contraignantes par les syndicats de médecins. Pourtant, le député socialiste et membre de la NUPES Guillaume Garot espère instaurer des mesures encore plus coercitives. Accompagné d’un groupe transpartisan sur le sujet, il souhaite que les installations de médecins soient soumises à une autorisation préalable des agences de santé régionale (ARS). Celles-ci privilégieraient les zones sous-dotées et n’autoriseraient une installation en zone surdotée qu’à condition d’un départ à la retraite. Un amendement qui risque de « pourrir la situation », selon le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun.
« Il faut arrêter ce fantasme sur la coercition »
Les déserts médicaux sont un sujet de préoccupation depuis très longtemps au Palais du Luxembourg. Ces cinq dernières années, les sénateurs ont rédigé plus de 50 rapports sur la situation des soins, quels qu’ils soient, au sein des territoires sous-dotés. Depuis janvier, 42 questions ont déjà été posées par les sénateurs aux différents membres du gouvernement. C’est dire si la thématique intéresse les élus. Si l’Assemblée nationale semble divisée, le Sénat ne déroge pas. Deux visions s’opposent.
D’une part, des sénateurs de tous les bords politiques affichent leur soutien à l’amendement de Guillaume Garot. Hervé Maurey (UC) est l’un des sénateurs les plus actifs sur le sujet des déserts médicaux. « Mes premières interventions datent de 2009, un an après mon élection », estime-t-il. Depuis quatorze ans, le sénateur normand préconise l’instauration d’une régulation de l’installation. « Si vous voulez aller dans un territoire où il y a déjà un grand nombre de médecins, soit vous remplacez, soit vous ne bénéficiez pas du conventionnement de la sécurité sociale ». Un modèle de zonage emprunté à celui des masseurs-kinésithérapeutes, organisé depuis 2019 par les différentes ARS. Le sénateur LR Bruno Rojouan, auteur d’un rapport sur le renforcement de l’accès aux soins dans les territoires, est encore plus radical. « Il faut prévoir la fin totale de la liberté d’installation. La coercition est indispensable ». « La commission des Affaires sociale n’est pas de cet avis », ironise-t-il.
Comptant seize sénateurs issus du monde médical parmi ses membres, la commission des affaires sociales du Sénat est en effet moins enthousiaste à imposer des obligations aux médecins. Au contraire, elle pousse pour instaurer des mesures incitatives afin de laisser la liberté aux médecins de leur installation. Médecin généraliste, le vice-président de la commission apparenté au groupe socialiste, écologiste et républicain (SER), Bernard Jomier estime déjà que la « loi pose des verrous de partout. C’est une erreur profonde ! ». Alors obliger les médecins à pratiquer dans un territoire qu’ils n’ont pas choisi l’énerve : « Il faut arrêter ce fantasme sur la coercition ». Même son de cloche de l’autre côté de l’hémicycle. « La question des mesures coercitives s’impose mais n’est qu’un débat parmi une vision plus globale. Ce débat ne commence pas lors de la phase d’installation mais dès la formation », avance Philippe Mouiller, sénateur LR membre de la commission des affaires sociales et auteur d’un rapport sur les déserts médicaux préconisant de mener un grand débat national sur le sujet.
Agir dès la formation
Si les sénateurs récalcitrants à l’idée d’instaurer des mesures coercitives s’emportent, c’est que pour eux le débat ne situe pas les bonnes priorités. « Le problème c’est que les jeunes ne s’installent pas. Il y a une pénurie de médecins. Depuis deux ans, on est revenu à 10 000 jeunes formés par an, c’est insuffisant », martèle Bernard Jomier. « Nous devons créer un cadre de travail attractif. C’est la priorité. Je me désole que des parlementaires de gauche n’aient pas compris ça ».
Agir contre les déserts médicaux pourrait donc passer par une meilleure action pendant la formation des jeunes médecins. En ce sens, François Braun a présenté ce lundi une réforme de l’enseignement pour les médecins généralistes. Le gouvernement crée une quatrième année d’études d’internat professionnalisante, qui constituera la désormais dixième et dernière année d’enseignements pour devenir médecin généraliste. « Je veux que, partout en France, dans nos communes rurales, de montagne, par exemple, dans les outremers, aussi, partout où il peut manquer des médecins, nos jeunes généralistes viennent exercer, et surtout, s’y forgent une envie d’y rester », énonce le Ministre. Cette réforme, issue d’une proposition de loi de Bruno Retailleau reprise par le projet de loi finances de la sécurité sociale de 2023 (PLFSS), est censée favoriser l’implantation des jeunes dans des territoires notés « sous-dense » grâce, notamment, à une rémunération pouvant s’élever jusqu’à 4500€. « Il faut une rémunération élevée mais ne pas miser uniquement sur l’aspect financier ». Pour lutter efficacement contre les déserts médicaux, Bernard Jomier est catégorique, il faut revoir l’entièreté du système d’attractivité du monde médical.
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