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Dérapage des finances publiques : devant les sénateurs, Bruno Le Maire récuse toute « faute, toute dissimulation, toute volonté de tromperie »

Dérapage des finances publiques : devant les sénateurs, Bruno Le Maire récuse toute « faute, toute dissimulation, toute volonté de tromperie »

L’ancien ministre de l’Économie et des Finances était entendu ce jeudi matin par la commission des finances du Sénat. Après des mois de dégradation de l’estimation du déficit 2024, les sénateurs voulaient savoir les éléments dont disposait alors le gouvernement. Retrouvez les temps forts de l’audition de Bruno Le Maire via ce live.
Rédaction Public Sénat

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« Une erreur pareille ne peut se reproduire deux fois », déclarait au mois de mai le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, face aux sénateurs enquêtant sur les causes et la gestion du dérapage des comptes publics à la fin de l’année 2023. Les finances publiques ont à nouveau fortement dérivé par rapport aux prévisions au cours des mois suivant.

Cinq mois plus tard, l’ancien homme fort de Bercy va être réentendu par la commission des finances du Sénat, alors que le niveau prévisionnel du déficit s’est fortement creusé depuis le printemps, passant de 4,4 % dans la loi initiale à une estimation de 6,1 %. C’est le premier des anciens membres du gouvernement à être entendu, depuis que la mission sénatoriale a été réactivée. Celle-ci veut faire la lumière sur la « dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l’administration et le gouvernement et les modalités d’information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France ».

L’audition est à suivre en direct sur le canal 13 de la TNT ce jeudi 7 novembre à partir de 8 heures, sur nos réseaux sociaux ainsi que sur notre site internet.

« J’ai dit que le fait que nous étions en affaires courantes entraînait un risque de perte de maîtrise des finances publiques »

Bruno Le Maire souligne qu’il a bien alerté publiquement sur l’état des finances publiques dans la période qui a suivi la dissolution, jusqu’au nouveau gouvernement. L’ancien ministre a également souligné que la démission du gouvernement, entraînée par la dissolution de l’Assemblée nationale, avait empêché de prendre de nouvelles mesures de freinage de la dépense.

« J’ai dit que le fait que nous étions en affaires courantes entraînait un risque de perte de maîtrise des finances publiques. J’ai appelé à ce que rapidement un nouveau gouvernement soit nommé. Parce que je n’étais pas en mesure de prendre les décisions administratives, politiques, juridiques, pour annuler ces crédits. »

Et d’ajouter, en direction de l’Assemblée nationale : « Et je trouve un peu piquant de voir que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale vient de regarder s’il ne fallait pas déposer une plainte parce que nous aurions excédé nos pouvoirs. Alors, il faut savoir, soit j’en ai pris trop, soit j’en ai pris pas assez, mais il faut faire un choix entre les deux. »

Le sénateur Vincent Capo-Canellas (Union centriste) a également voulu savoir si le ministre avait « alerté en interne », et s’il y avait « des traces ». Également intéressé par de tels documents, le rapporteur général a appuyé cette demande. « Je vous les transmettrai », a répondu le ministre.

Refus d’un budget rectificatif : Bruno Le Maire renvoie vers « ceux qui ont pris l’arbitrage »

Bruno Le Maire n’a jamais caché sa préférence pour le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative (PLFR) au printemps 2024, au moment où le cadre budgétaire poursuivait sa dégradation. Ce véhicule aurait permis, selon lui, de « mettre la lumière sur le sujet des finances publiques ». Mais l’ancien ministre n’a pas obtenu gain de cause. Les sénateurs ont voulu savoir si la proximité des européennes le 9 juin était un élément d’explication.

« La réponse est à demander à ceux qui ont pris l’arbitrage », a évacué l’ancien ministre. « Vous ne pouvez pas faire une pirouette », s’est exclamé le rapporteur général Jean-François Husson. « J’ai pris une position, je la défends, je suis solidaire des décisions qui sont prises, mais s’il faut demander l’explication de la décision, c’est à ceux qui ont pris la décision, pas à celui qui a défendu une position différente », a réagi Bruno Le Maire. Avant de préciser que « ceux qui ont refusé avaient de bons arguments pour cela ».

Les sénateurs se tourneront probablement demain matin vers le Premier ministre en responsabilité à l’époque, Gabriel Attal.

« À chaque fois qu’il y a eu des alertes, j’ai soit pris une décision, soit j’ai anticipé », estime Bruno Le Maire

L’ancien ministre de l’Economie et des Finances retrace les événements qui ont conduit à la situation actuelle, d’un déficit évalué à 6,1 % du PIB pour l’année 2024. Dès le 13 décembre 2023, Bruno Le Maire affirme avoir alerté la Première ministre Elisabeth Borne « sur la poursuite d’annonces coûteuses en matière de dépenses publiques ». « Dès le 13 décembre, j’ai fait des propositions à la Première ministre et si la situation de dégradation se confirmait, nous étions prêts, parce que nous avions anticipé », estime l’ancien ministre.

Bruno Le Maire poursuit son exposé chronologique, en indiquant que le 8 janvier, il a fait état lors de ses vœux aux acteurs économiques que « la situation était difficile et que le plus dur était devant nous ». À ce moment, l’ancien ministre assume d’avoir maintenu l’objectif de déficit à 4,4 % du PIB pour l’année 2024, faute d’informations suffisamment fiables sur la situation économique à venir. « Aujourd’hui, cette déclaration me vaut des accusations brutales, « il savait et ne nous a rien dit ». Je m’inscris totalement en faux contre ces accusations. Le 8 janvier, nous n’avions pas les nouvelles évaluations internationales sur la croissance », observe-t-il.

« J’ai pris sur moi d’aller présenter aux Français des mesures impopulaires, sans rien cacher de nos difficultés »

Ces alertes des organisations internationales sont arrivées entre mi-janvier et mi-février. Une note des services de Bercy estime alors à 30 milliards d’euros les économies nécessaires pour bien tenir l’objectif d’un déficit à 4,4 % du PIB en 2024. « C’est rigoureusement, à l’euro près, le montant d’économies que j’aurais proposé d’ici juin 2024 », affirme Bruno Le Maire. « Ce que je veux montrer, c’est qu’à chaque fois qu’il y a eu des alertes confirmées, j’ai soit pris une décision, soit anticipé des décisions qui permettaient de tenir l’objectif », affirme l’ancien ministre.

Courant février, alors que la conjoncture économique continue de se dégrader, l’ancien ministre affirme avoir « informé le président de la République de cette nouvelle donne », en lui proposant plusieurs pistes d’économies. « J’ai pris sur moi d’aller présenter aux Français des mesures impopulaires, d’aller présenter des économies au 20 heures de TF1 devant le grand public, sans rien cacher de nos difficultés », estime-t-il.

« Sans doute qu’un travail beaucoup plus étroit entre législatif et exécutif est salutaire »

Alors que son administration avait recommandé de ne pas transmettre certaines informations, jugées encore incertaines à l’automne 2023, Bruno Le Maire se prononce en faveur d’un plus grand échange d’informations budgétaires entre le gouvernement et les commissions des finances.

Le ministre avait déjà estimé en mai qu’une transmission de notes de ses services, avec les deux plus hauts responsables des commissions des finances, était une option à étudier. « On peut envisager une autre méthode de travail », a-t-il confirmé ce 7 novembre. « Il me semblerait utile de transmettre en temps réel les budgets d’été, les budgets d’hiver, et de transmettre toutes les notes de prévision du Trésor, de la Direction générale des finances publiques, aux seuls deux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, et aux deux seuls rapporteurs généraux. C’est un changement radical de méthode. »

Il reprend désormais à son compte deux propositions formulées par le Sénat cet été, sur lesquelles il avait à l’époque exprimé des réserves. « Vous étiez entravé ? » a interrogé le rapporteur général. « J’ai fait partie d’une équipe », a répondu l’ancien ministre, expliquant avoir « une vue moins globale ».

« Le ministre des Finances ne décide pas de tout, tout seul dans son bureau de Bercy », affirme Bruno Le Maire

L’ancien ministre de l’Economie et des Finances poursuit son exposé sur la dégradation des finances publiques, en évoquant les « réunions d’arbitrage » qu’il a eu avec le reste de l’exécutif en août 2023. « Est-ce que j’ai gagné tous les arbitrages dans ces réunions ? Non », affirme-t-il, « le ministre des Finances défend sa décision, mais il ne prend pas la décision finale ».

Ainsi, Bruno Le Maire confirme par exemple avoir porté et « gagné l’arbitrage » auprès du chef du gouvernement sur « la réforme de l’assurance chômage, qui me paraît totalement essentielle pour notre pays ». « Il y a d’autres arbitrages que nous avons perdus », concède-t-il. En août 2023, Bruno Le Maire indique ainsi avoir porté avec Thomas Cazenave d’autres pistes d’économies, qui n’ont pas été retenues : « Nous avions proposé la moindre revalorisation des prestations sociales et des retraites, parce qu’il me semblait juste que les retraités et les bénéficiaires des prestations sociales soient traités de la même manière que les salariés. Nous n’avons pas été suivis sur ce point. »

Pour l’ancien ministre de l’Economie, la responsabilité du dérapage des finances publiques doit donc aussi être partagée avec le reste de l’exécutif : « Contrairement à ce que j’entends depuis des mois, dieu soit loué, le ministre des Finances ne décide pas de tout, tout seul dans son bureau de Bercy ! »

« Des modèles de prévision de recettes qui se sont plantés », martèle Bruno Le Maire

L’ancien ministre a largement insisté sur la difficulté de prévoir les rentrées fiscales après la pandémie « des recettes plus faibles que ce que nous pouvions attendre, une croissance qui donne moins de recettes fiscales et des modèles de prévision de recettes qui se sont plantés ». L’élasticité des recettes à la croissance a été faible, plus faible qu’attendu en 2023. Et malgré une correction par les services de Bercy pour prendre en compte cette nouvelle donne, l’année 2024 a encore constitué une nouvelle fois une mauvaise surprise, par rapport aux modèles qui prévalaient depuis 30 ans. « C’est bien ce qui explique les 41 milliards de trou dans la caisse, cumulés en 2023 et 2024 », a-t-il expliqué.

Le président de la commission des finances, Claude Raynal, a estimé qu’après les recettes anormalement élevées en 2022, « sans doute aurait-il été pertinent d’interroger la robustesse du modèle ». Mais pour Bruno Le Maire, « il y a une étanchéité totale entre le travail des services sur les recettes, et le ministre et son cabinet ». Ce « mur » permet, selon lui, « d’éviter les manipulations ». « Ce sont des cloisons que je recommande de maintenir ».

Le rapporteur général Jean-François Husson (LR) a expliqué que l’estimation de la croissance dépendait, elle, d’un arbitrage politique. « Il n’est pas de bonne règle d’expliquer que la croissance c’est politique et que tout le reste est technique », a-t-il répliqué.

À ce sujet, Bruno Le Maire a précisé qu’il n’était « pas favorable » au fait de confier la prévision de croissance annuelle au Haut conseil pour les finances publiques (HCFP), comme l’avait recommandé la veille son président Pierre Moscovici, devant le Sénat.

« Je conteste ce chiffre de 6,1 % (…) c’est le choix du gouvernement actuel », affirme Bruno Le Maire

Bruno Le Maire refuse d’être tenu comme unique responsable de la dégradation de la situation financière du pays. « Quand on me dit qu’on a trouvé un déficit à moins de 3 % en 2017 quand je suis arrivé en fonction au ministère, non. Nous avons fait repasser le déficit sous les 3 % en prenant des mesures courageuses dont personne ne voulait », souligne-t-il.

Par ailleurs, l’ancien ministre affirme que la trajectoire annoncée d’un déficit à 6,1 % de PIB pour l’année 2024, évaluée par les services de Bercy, relève de « choix du gouvernement actuel ». « Je vous apporterai toutes les preuves qu’on pouvait avoir, en 2024, avec des mesures de redressement plus vigoureuses, un déficit autour de 5,5 %. Je conteste formellement ce chiffre de 6,1 % qui est ressassé à l’envi pour dire que l’ancien gouvernement a tout mal fait et que le gouvernement actuel fait tout bien », affirme-t-il.

« Il n’y a eu ni dissimulation, ni volonté de tromperie », martèle Bruno Le Maire

L’ancien ministre de l’Economie promet un discours de vérité. « Je suis libre », affirme-t-il alors qu’il n’est plus en fonction à Bercy depuis la nomination d’un nouveau gouvernement. Pour expliquer la dégradation des finances publiques, Bruno Le Maire reconnaît une « grave erreur technique d’évaluation des recettes ».

Mais l’ancien ministre réfute toute volonté de cacher cette situation, expliquant que le ministre et son cabinet ne se prononcent jamais sur cette évaluation des recettes : « On ne peut pas m’expliquer que 80 % de la dégradation des finances publiques vient d’une mauvaise évaluation des recettes à laquelle je ne participe pas, puis me dire ensuite “M. Le Maire, vous avez fait n’importe quoi” ». « Il n’y a eu ni faute, ni dissimulation, ni volonté de tromperie », se défend l’ancien ministre.

Déficit public : « Ce n’est pas une tempête exceptionnelle, c’est un ouragan de longue durée », pointe le rapporteur général de la commission Jean-François Husson

Le président de la commission des finances, Claude Raynal (PS) introduit l’audition

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