Après avoir débattu de verdissement de la commande publique ou d’accélération des procédures d’implantations d’usines, les sénateurs ont abordé dans la nuit du 21 au 22 juin la question des déchets, dans le projet de loi Industrie verte. L’article 4, adopté, prévoit de simplifier la réutilisation des résidus de production dans l’industrie et de mieux sanctionner les exportations irrégulières de déchets. C’est dans cette section que la sénatrice socialiste Angèle Préville a tenté de frapper un grand coup contre les vêtements de mauvaise qualité, produits à très bas coûts, dont la vie finit souvent dans la nature sur les côtes africaines. Le Ghana est devenu emblématique de ces immenses amoncellement de vêtements inutilisables et de surcroît difficiles à recycler, car faits de mélange de coton et de polyester dont est friand l’industrie de la fast fashion.
Très sensibilisée contre la pollution aux micro-plastiques, la sénatrice du Lot a tenté de pénaliser ces envois massifs, en pleine progression. En l’espace d’à peine 20 ans, les vieux textiles exportés par les Etats européens ont triplé, pour atteindre 1,7 million de tonnes en 2019. Selon les termes de son amendement, « l’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets dans le pays destinataire est assimilée au transfert illicite de déchets ».
« Une profonde hypocrisie »
« Il s’agit ici de mettre fin à une profonde hypocrisie qui consiste à se débarrasser de nos déchets textiles, sous couvert de leur donner une deuxième vie à des populations défavorisées […] Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la responsabilité que nous avons », a enjoint Angèle Préville. L’amendement a reçu un double avis défavorable, de la commission de l’aménagement du territoire, et du gouvernement, pour des raisons juridiques. Il a été rejeté. « L’objectif est louable, mais tel qu’il est rédigé, l’amendement ne fonctionne pas », a estimé le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. Fabien Genet, rapporteur LR de ce chapitre, a souligné que cette compétence relevait de l’Union européenne.
Malgré ses faiblesses, l’amendement a été soutenu sur le fond. « La préoccupation est légitime », a reconnu le sénateur LR André Reichardt. « A priori, il n’est pas parfaitement construit. J’entends bien. Je le voterai, pour qu’il rentre dans la navette parlementaire », a encouragé l’écologiste Daniel Salmon. Le sénateur communiste Fabien Gay a invité le gouvernement a réfléchir en commun à un projet de loi pour favoriser l’émergence rapide d’une filière nationale de recyclage de ces vêtements usagés. Le ministre s’est montré favorable à entamer un travail avec les parlementaires. « Je suis prêt à travailler sur ce sujet », a-t-il répondu, indiquant qu’il était important de « réfléchir à la manière de mieux encadrer la fast fashion ».
Déjà cet automne, le gouvernement avait annoncé une nouvelle feuille de route pour encourager des pratiques durables dans l’industrie textile, avec l’ambition de favoriser les produits vertueux et la réparation, ainsi que la mise en place d’une filière française du recyclage. Un investissement d’un milliard d’euros sur six ans, payé par les producteurs sur le principe du « pollueur-payeur » a été annoncé en novembre.