Les enseignes de la grande distribution ont été parmi les premières cibles de la colère des agriculteurs, accusées de ne pas respecter les lois EGalim censées assurer un revenu décent aux agriculteurs. Auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat, le président de la FNSEA s’est opposé à un encadrement des prix de la grande distribution, mais demande davantage de « transparence ».
En pleine période de négociations entre industriels et distributeurs pour fixer les tarifs des produits dans les rayons des supermarchés, c’est le sénateur socialiste Rémi Cardon qui a mis les pieds dans le plat. « Que pensez-vous de plafonner les marges de la grande distribution, pourquoi ne le revendiquez-vous pas, alors que c’est attendu par la profession », a-t-il demandé à Arnaud Rousseau.
« Il faut d’abord une négociation entre les producteurs et les industriels »
Le président de la FNSEA assure avoir demandé au ministre de l’Economie Bruno Le Maire de diligenter une enquête de l’Inspection générale des finances (IGF), pour connaître les chiffres des marges opérées par la grande distribution. Les résultats de l’inspection devraient être connus « sous quelques jours ou quelques semaines », assure Arnaud Rousseau. Pour autant, le syndicaliste s’oppose à un encadrement de ces marges : « Je pense que ce n’est pas raisonnable. Nous demandons de la transparence, ce n’est pas la même chose que l’encadrement. »
Face aux demandes d’administration des prix alimentaires, le président de la FNSEA prône plutôt une transformation du mode de négociation des prix. « Pour nous, il faut d’abord une négociation entre les producteurs et les industriels, puis une négociation avec la grande distribution », défend Arnaud Rousseau. Une méthode qui permettrait, selon lui, d’éviter un blocage des négociations au niveau de la grande distribution : « Cela éviterait ce qu’il se passe en ce moment, avec un certain nombre d’entreprises qui disent aux agriculteurs “au regard de la difficulté de la négociation avec la grande distribution, je ne suis pas en mesure de vous donner plus que…”. »
Autre problématique soulevée par Arnaud Rousseau, la question des centrales d’achat installées à l’étranger. Les enseignes de grande distribution sont accusées d’utiliser ces intermédiaires, implantés dans d’autres pays de l’Union européenne, pour contourner les lois françaises. « Nous avons besoin d’une évolution du cadre européen et national. L’esprit, ce n’est pas que des produits alimentaires puissent être négociés dans un cadre européen et arriver en France en détournant le cadre de la loi », a assuré le syndicaliste. Lors d’un débat organisé sur ce sujet au Sénat il y a une semaine, le gouvernement a annoncé une intensification des contrôles et s’est engagé à porter à Bruxelles une « plus grande harmonisation de la réglementation européenne, afin d’éviter tout déséquilibre dans les relations commerciales ».
« La France agricole ne peut pas se passer de continuer à échanger »
Parmi les autres revendications des agriculteurs : la fin de la conclusion d’accords de libre-échange, également accusés de fragiliser les revenus des exploitants en introduisant une concurrence déloyale. Depuis le déclenchement de la colère des agriculteurs, le gouvernement affirme son opposition à la conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, le marché commun des pays d’Amérique du Sud.
Dans ses termes actuels, cet accord commercial permettrait l’importation en Europe, sans tarifs douaniers, de bœuf élevé sans respect des normes européennes. « Le problème, ce n’est pas d’importer de la viande bovine, le sujet c’est comment elle est produite. On a du mal à comprendre qu’un élevage français moyen, qui est d’environ 80 vaches, soit comparé à un feed-lots argentin ou brésilien, qui compte entre 3 000 et 5 000 animaux », a dénoncé Arnaud Rousseau. Le président de la FNSEA n’est pour autant pas opposé à la conclusion d’accords de libre-échange : « La France agricole ne peut pas se passer de continuer à échanger. Qui imagine demain la viticulture concentrée sur le marché national ? Ce serait sa fin programmée et immédiate. »
En matière d’échanges internationaux, c’est davantage vers l’Ukraine que l’inquiétude d’Arnaud Rousseau se tourne. « Avant le conflit, 20 000 tonnes de sucre ukrainien entraient en Europe, l’an dernier il en est entré près de 700 000 tonnes. Je pense que tout le monde comprend qu’il y a un problème en termes de déstabilisation des marchés », a-t-il affirmé. Sans empêcher l’Europe de venir en aide à un pays en guerre, le syndicaliste estime qu’il faut organiser des corridors pour permettre l’exportation de ce sucre. Ce mercredi, la Commission européenne a annoncé vouloir prolonger l’exemption de droits de douane accordée aux produits ukrainiens, tout en l’assortissant de mesures spécifiques sur les secteurs de la volaille, des œufs et du sucre. En 2024, si le volume d’importation de ces produits depuis l’Ukraine atteint le volume d’importation moyen des années passées, alors des droits de douane seront rétablis.