L’accord UE-MERCOSUR peut-il être bloqué par un seul pays, comme la France ?
Sur le principe non, car sur ce sujet il s’agit d’un vote à la majorité qualifiée et certains pays européens poussent pour que cet accord ait lieu : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, les pays scandinaves…. Néanmoins, la France a un poids politique qui lui permet de peser sur ce dossier. D’ailleurs l’annonce de la Commission de suspendre les négociations, résulte d’une pression de Paris.
Et ce n’est pas la première fois, en 2019, un accord avait été trouvé sur le dossier UE-Mercosur, mais avant même d’engager une ratification, la France s’y était opposée. Nous étions sous présidence Bolsonaro au Brésil et elle avait demandé plus de garanties quant aux risques de déforestation. A l’époque déjà, l’avis de la France n’avait pas été contourné et on avait essayé de trouver un terrain de négociation.
Vous l’avez dit certains pays sont « pour » cet accord, pourquoi ?
En fait pour comprendre il faut dézoomer un peu, cet accord n’est pas qu’un accord agricole.
Il s’inscrit dans un contexte de guerre commerciale au niveau mondial qui présente des risques pour l’Union européenne. On le sait, elle essaye de diversifier ses importations et ses exportations pour éviter d’avoir des dépendances excessives à un pays et cet accord permettra des débouchés d’exportations pour les entreprises européennes. Il peut aussi permettre d’assurer plus de diversification d’approvisionnement en minerais stratégiques critiques, je pense au lithium, au cobalt, au graphite et au nickel que l’on trouve au Brésil.
Et puis, il faut savoir que la Chine est déjà devenue le premier partenaire commercial du Brésil, si l’Union européenne n’occupe pas la place, c’est la Chine qui la prendra.
L’autre nuance à apporter sur l’agriculture, c’est que tous les secteurs agricoles ne sont pas opposés à cet accord ; les secteurs du vin, des spiritueux et du lait sont très demandeurs, même si on les entend moins ; à l’inverse, en effet, les secteurs du bœuf, du porc et du sucre y sont opposés.
On parle beaucoup du « bœuf brésilien ou argentin » qui pourrait inonder nos étals…
Là encore, il faut relativiser, pour l’instant le bœuf venant du Mercosur ne représente que 2,5% de la consommation annuelle de bœuf dans l’Union européenne. On va, certes, réduire les droits de douane pour un quota maximum de tonnes importées (qui sont déjà importées et non qui s’ajouteraient aux importations actuelles), mais on ne va pas les supprimer pour les filières sensibles. Il faut aussi savoir que dans tous les accords commerciaux, il y a ce qu’on appelle des « mesures de sauvegarde ». Si on constate un pic d’importations imprévu, il y a la possibilité de suspendre ces conditions préférentielles.
Enfin je terminerai sur deux points, la négociation UE-Mercosur n’est pas la seule dans laquelle l’Union européenne est engagée, puisqu’elle est la première puissance agricole mondiale. Elle a par exemple signé un accord avec le Japon qui est favorable à la filière bovine, ce qui permet de rééquilibrer les concessions faites dans d’autres accords commerciaux.
Les revendications des agriculteurs européens portent sur le fait de devoir respecter des engagements environnementaux qui ne peuvent pas être imposés frontalement aux pays du Mercosur : ce qui est possible avec un petit pays comme la Nouvelle-Zélande ne peut pas l’être avec un ensemble aussi important que le Mercosur. Dans ce cas, la solution est peut-être à trouver au niveau européen en soutenant plus nos agriculteurs dans leur transition environnementale.