Ce 23 novembre, le Sénat a achevé l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Il sera soumis à un vote global des sénateurs ce 26 novembre. Au cours des débats, plusieurs modifications ont été apportées au texte du gouvernement. Pour être inscrites dans la loi, elles doivent encore passer le barrage de la commission mixte paritaire, qui réunira députés et sénateurs le 27 novembre.
Budget : vers un nouveau coup de froid entre le gouvernement et les élus locaux ?
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Comment se déclinera concrètement le plan budgétaire du gouvernement qui amorcera un « refroidissement de la dépense publique », selon les termes employés par le ministre Bruno Le Maire le 20 avril ? Peu de détails ont filtré depuis la présentation du programme de stabilité, cette feuille de route pluriannuelle, transmise à la Commission européenne. Les conclusions des « Assises des finances publiques » organisées par Bercy, attendues début début juin, permettront peut-être d’y voir plus clair.
Une chose est certaine « tous les acteurs publics » seront mis à contribution : l’État, la Sécurité sociale mais aussi les collectivités locales. Pour le Sénat, qui les représente, et les associations d’élus, ce dernier volet suscite quelques inquiétudes, en l’absence de modalités claires, qui devront être définies dans la concertation. Selon le programme de stabilité, les collectivités territoriales sont invitées à poursuivre la « maîtrise de leurs dépenses ». Le gouvernement souhaite notamment que leurs dépenses de fonctionnement soient « maîtrisées en volume », c’est-à-dire qu’elles augmentent moins vite que l’inflation.
Lors du débat organisé au Sénat le 3 mai sur le programme de stabilité et d’orientation des finances publiques, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a reprécisé les chiffres de la modération attendue. L’État devra diminuer en moyenne de 0,8 % ses dépenses en volume, et les collectivités territoriales de 0,5 %. Ces données, qui n’apparaissent pas dans le programme de stabilité, seront inscrites dans le projet de loi de programmation des finances publiques, a annoncé le ministre. Ce texte, jamais réinscrit à l’agenda parlementaire après l’échec de la commission mixte paritaire en décembre, doit faire son retour au Parlement en juillet.
Quelques coups de semonce au Sénat
Cet été, la nouvelle répartition de l’effort proposée par le gouvernement, -0,8 % pour les dépenses de l’État et -0,5 % pour les collectivités, devrait être mieux accueillie par la Haute assemblée. L’an dernier, l’exécutif soutenait une réduction de 0,5 % des dépenses des collectivités, contre seulement 0,4 % pour l’État. La commission des finances s’était empressée d’aligner le deuxième curseur sur le premier. En amont du prochain débat sur la loi de programmation, Gabriel Attal assure avoir entendu élus locaux et parlementaires.
Mercredi soir, de nombreux sénateurs en séance ont tout de même exprimé quelques interrogations sur l’effort demandé aux collectivités, a priori inchangé par rapport à l’an dernier. L’approche des sénatoriales, en septembre, ne devrait pas participer à calmer le jeu. « La trajectoire budgétaire doit tenir compte des besoins des collectivités territoriales et ne saurait se faire au détriment du monde rural », a ainsi recommandé le sénateur centriste Bernard Delcros. « La baisse de 0,5 point exigée est une mise sous tutelle », a embrayé son collègue Daniel Breuiller, du groupe écologiste. Pour Christian Bilhac (RDSE), l’objectif demandé aux collectivités territoriales est « inatteignable, sauf sous la contrainte d’un nouveau pacte de Cahors ». La préfecture du Lot, où s’était tenue la Conférence nationale des territoires sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron en 2017, est devenue par métonymie le synonyme des contrats financiers conclus entre l’État et les collectivités jusqu’en 2020.
« Je crains des mauvaises nouvelles »
Le gouvernement ne compte pas réintroduire le système de sanctions dans la nouvelle mouture du projet de loi de programmation des finances publiques. La discussion doit d’ailleurs reprendre sur la base du texte du Sénat, qui avait supprimé ce dispositif. Le programme de stabilité indique noir sur blanc que le mécanisme prévu l’an dernier ne sera pas rétabli. Ce gage n’est pas de nature à lui seul à ramener la sérénité dans les associations d’élus, en plein flou actuellement.
« On a une forme de communauté de destin avec l’État. On a bien conscience que la situation financière de la nation est difficile. Mais on ne voit pas trop où ils veulent nous emmener. À ce stade, on est prudents. On est une association assez optimiste par nature mais je crains quand même des mauvaises nouvelles », témoigne Sébastien Miossec, président délégué d’Intercommunalités de France.
Pour ce maire PS de Riec (Finistère), l’effort réhaussé à -0,8 % pour l’État interpelle. « Comment l’État va faire ? Est-ce qu’une partie de cet effort ne va pas passer par l’économie des concours de l’État aux collectivités territoriales ou par le transfert aux collectivités de certaines charges ou responsabilités ? » Selon l’élu breton, les précédentes majorités ont montré que la contrainte pouvait « passer par d’autres outils que les contrats ».
« On ne peut pas d’un côté nous dire passez la vitesse supérieure et nous demander de freiner nos dépenses »
Dans les instances de l’influente Association des maires de France (AMF), le sujet est l’objet de toutes les attentions. Ces dernières semaines, ses cadres ont réaffirmé qu’ils étaient opposés à un encadrement des dépenses de fonctionnement ou d’investissement. « On est toujours très prudents quand on voit arriver des demandes d’économies. On a tous en mémoire la baisse de la DGF [Dotation globale de fonctionnement] des années 2014-2017 », tient à souligner Jean-François Vigier (UDI), membre du bureau de l’AMF. Outre les mauvais souvenirs du passé, c’est une « absence de cohérence » dans le discours gouvernemental qui fait réagir le maire de Bures-sur-Yvette (Essonne). « On nous demande d’entretenir les écoles et d’être engagé dans la transition écologique. On ne peut pas d’un côté nous dire passez la vitesse supérieure et nous demander de freiner nos dépenses. »
Rapporteur des crédits de la mission « relations avec les collectivités territoriales » dans les lois de finances, le sénateur Charles Guené (LR) estime que l’État place les communes dans un « étau », avec d’un côté les effets de l’inflation (énergie et hausse du point d’indice des fonctions publiques) et de l’autre la maîtrise des recettes, plusieurs impôts locaux disparus étant désormais compensés par l’État. « C’est de fait une sorte de pression qui va s’appliquer sur les collectivités territoriales », pressent le parlementaire de la Haute-Marne. « Je conçois que l’État ne puisse pas à lui seul régler tous les problèmes, mais il ne faut pas se servir des collectivités comme d’une variable d’ajustement ».
Le vice-président de la commission des finances voit d’ailleurs d’un mauvais œil les réunions qui se succèdent à Bercy entre conseillers et associations d’élus, dans le cadre des Assises des finances publiques. « Ces rencontres sont sympas, mais on a besoin d’une nouvelle gouvernance, d’un dialogue dans un cadre quasi-institutionnel ». Une programmation en bonne et due forme, selon lui, qui offrirait « visibilité et pluriannualité » aux maires.
Les échanges à Bercy dans le cadre des Assises des finances publiques vont se poursuivre tout au long du mois de mai, avec les élus locaux. D’ultimes réunions pour éviter que « refroidissement de la dépense publique » n’entraîne un nouveau coup de froid entre le gouvernement et les collectivités locales.
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