Budget : que contient le projet de loi spéciale, présenté en Conseil des ministres ?
Le projet de loi spécial, prévu pour assurer le financement des services de l’État au 1er janvier, a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres.
Par François Vignal
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Pour les sénateurs, c’est souvent le nerf de la guerre. Dans le budget 2025, on ne sera pas surpris que les sénateurs soient aux petits soins pour les collectivités. D’autant que le gouvernement Barnier leur demande un effort de taille : 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances (PLF).
Comme nous l’expliquions, la majorité sénatoriale LR-UC, ici élargie aux groupes RDPI, Les Indépendants et RDSE, entend alléger la facture. « Nous défendons une réduction de l’effort global, passant de 5 à 2 milliards d’euros. Ce sera peut-être plutôt 2,2 milliards d’ailleurs », explique Stéphane Sautarel, sénateur LR du Cantal, et rapporteur de la commission des finances sur les crédits des collectivités, avec sa collègue socialiste, Isabelle Briquet. Son rapport, contre lequel les trois groupes de gauche ont voté contre, a été adopté en commission mardi. Il porte plusieurs modifications de taille, qui devront encore être formellement défendues et adoptées, lors des débats dans l’hémicycle, à partir de la semaine prochaine.
Si les sénateurs ne touchent pas au gel des transferts de TVA, pour 1,2 million d’euros, destinés à remplacer les recettes fiscales qui ont été supprimées ces dernières années, les sénateurs décident en revanche de tout simplement supprimer l’article qui baisse de 800 millions d’euros le fonds de compensation de la TVA (FCTVA), un mécanisme d’aide à l’investissement. Point important : « Le gouvernement s’est engagé à nous suivre », assure Stéphane Sautarel. Il reste un débat avec l’exécutif concernant « 60 millions » sur les dépenses de fonctionnement.
L’autre changement d’envergure que proposent les sénateurs repose sur « le fameux fonds de réserve ». « Le dispositif proposé – brutal et inabouti – est inacceptable », est-il écrit dans le rapport… Les sénateurs vont en conséquence sérieusement le réduire et même changer son nom.
« Avec 3 milliards d’euros, il est à la fois élevé, et discutable dans ses composantes. Donc nous proposons de ramener ce fonds de précaution de 3 à 1 milliard d’euros », explique le sénateur LR du Cantal. « Par clarté », les sénateurs suppriment carrément l’article 64 qui porte la mesure, pour à la place « créer un nouveau dispositif qui s’appelle « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales » ». Pour la clarté du terme, on pourra en débattre, mais l’idée est là.
Le principe est qu’« il n’y ait pas de prélèvements sur les collectivités placés dans un fonds », mais « un lissage dans le temps des recettes ». Ainsi, « les collectivités retrouveront leurs recettes. Ce n’est pas un dispositif confiscatoire. Chaque collectivité a l’assurance d’avoir sa ressource, mais décalé dans le temps. Ainsi, ça contribue malgré tout à l’amélioration du solde public, tout en préservant la capacité d’épargne des collectivités », défend le rapporteur de la mission collectivités. Pour illustrer, si une collectivité devait recevoir 10.000 euros une année, elle recevra plutôt 5.000 euros la première année, puis 5.000 euros la suivante. Soit la même chose au total, mais de manière étalée.
Les sénateurs ont aussi modifié les critères. Dans le fonds de réserve version gouvernementale, les 450 collectivités les plus riches, celles qui ont plus de 40 millions d’euros de budget de fonctionnement, étaient mises à contribution. La majorité sénatoriale propose à la place de répartir davantage l’effort. Ainsi, « ce sera au total probablement 3000 collectivités qui seront concernées. Ce sera surtout beaucoup plus d’intercommunalités et quelques communes, qui ont des ressources de barrage ou de centrale nucléaire », annonce Stéphane Sautarel.
Dans la copie du gouvernement, « il y a des effets de seuil énormes. Les 450 collectivités concernées participaient à hauteur de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Nous, on lisse. Ça peut être 0,1 % des recettes et c’est toujours plafonné à 2 %. Cela va rendre l’effort plus étalé sur un nombre de collectivités plus important, mais bien moins conséquent pour chacune et surtout progressif », détaille le rapporteur.
Autre point important aux yeux des sénateurs : « Ça fait sortir 50 départements du dispositif. Par exemple, le département du Cantal, concerné par l’ancien dispositif, ne le serait plus par le nouveau. Et pour les autres, ça va considérablement réduire l’effort », souligne Stéphane Sautarel, qui évoque « un seul département qui serait au maximum des 2 %, ce sont les Hauts-de-Seine ». On sait que de nombreux départements sont en difficulté, confrontés à la hausse de leurs dépenses sociales, et aux baisses des frais de notaires (DMTO), dont ils touchent une partie. C’est pourquoi Michel Barnier a déjà annoncé la possibilité d’augmenter les DMTO de 0,5 %.
Si l’amendement, adopté en commission des finances, devrait encore être « amélioré » et affiné, sur le plan technique et juridique, d’ici la séance, il répond à l’objectif de la majorité sénatoriale. Le rapporteur résume : « Le dispositif a plusieurs vertus : ne pas être confiscatoire, être plus juste, plus progressif et plus réparti ».
Et quid du gouvernement ? « Le gouvernement semble, à l’heure où je vous parle, plutôt favorable à ce dispositif. On a encore des réunions de travail aujourd’hui même pour le caler définitivement avant de débuter les débats lundi », avance Stéphane Sautarel, qui travaille avec les cabinets des ministres Laurent Saint Martin, Catherine Vautrin et « avec Matignon, en arbitrage », depuis maintenant trois semaines. Une coconstruction entre le gouvernement et le Sénat.
Reste à voir si le gouvernement suit globalement sur la réduction de 5 à 2 milliards d’euros de l’effort demandé aux collectivités. « Notre engagement sénatorial, c’est de faire valoir que les 3 milliards qu’on ne prend pas aux collectivités, nous sommes en capacité de les retrouver en économies supplémentaires sur d’autres postes de dépense. Le gouvernement voulait le même solde à la sortie. On le garantit. Et je vous confirme qu’ils sont d’accord sur les modalités qu’on propose », annonce Stéphane Sautarel. De son côté, le rapporteur général, le sénateur LR Jean-François Husson, parle même d’« une convergence générale » avec le gouvernement « sur l’engagement collectif porté dans ce PLF », et y compris « sur les collectivités ».
Politiquement, le sénateur assume que le Sénat réduise de 3 milliards d’euros l’effort demandé aux collectivités. « L’effort était trop important, même si effort il doit y avoir », soutient le sénateur du Cantal, « les collectivités sont garantes d’un niveau de service public sur le territoire et d’investissements publics qu’on ne peut mettre à mal. Le poids ne serait pas supportable au regard de la situation et de l’effet récessif sur l’économie et l’emploi ».
Dès ce jeudi après-midi, on devrait en savoir plus avec le discours de Michel Barnier devant le congrès de l’Association des maires de France. S’il a déjà avancé sur le sujet, notamment devant les départements, il confirmera peut-être que le gouvernement est prêt à alléger davantage la barque pour les collectivités.
Pour aller plus loin
En Haute-Savoie avec Loic Hervé