Photo illustration declaration d impots sur le revenus 2023

Budget 2025 : quels impôts pourraient être concernés par une hausse fiscale ?

Matignon joue la carte de l’apaisement alors que les rumeurs sur des augmentations d’impôts dans le futur projet de loi de finances 2025 vont bon train. Au Sénat, certains membres de la commission des finances, notamment les socialistes et les centristes, étudient les marges de manœuvres possibles du côté des recettes fiscales. Ils feront leurs propositions cet automne, au moment des discussions budgétaires. Du côté de la droite, où les hausses d’impôts constituent une ligne rouge, certains élus ont commencé à nuancer leur discours.
Romain David

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Faudra-t-il en passer par des hausses d’impôt pour redresser le budget de la France ? C’est une petite musique qui monte depuis plusieurs jours, à mesure que le Premier ministre, Michel Barnier, égrène les consultations, parmi lesquels de nombreux responsables politiques favorables, pour le moins, à l’ouverture d’une discussion sur la fiscalité. « La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave », a fait savoir le nouveau locataire de Matignon dans une déclaration à l’AFP mercredi matin. « Mon objectif est de retrouver le chemin de la croissance et de faire progresser le niveau de vie des Français, alors que nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte », précise-t-il. Une formule vraisemblablement destinée à apaiser les craintes de la droite et de la majorité sortante, qui conditionnent en partie leur soutien à l’absence de hausses d’impôts.

Si Michel Barnier a promis, lors de son arrivée rue de Varenne, « la vérité » aux Français « sur la dette financière et la dette écologique », pour le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, cette volonté de transparence doit en passer par un débat sur l’augmentation de la fiscalité. « Il faudra lever le tabou sur les hausses d’impôts », explique le haut fonctionnaire dans un entretien au Parisien, évoquant plus spécifiquement la nécessité d’un « effort exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et certains gros contribuables », sans toucher « si possible » aux classes moyennes et au PME.

En vérité, si les leviers fiscaux sont nombreux, l’équation est plus complexe qu’il n’y paraît, appelant au compromis entre justice fiscale et préservation de la compétitivité, sans parler de la prise en compte du consentement des contribuables à l’impôt, après deux années de forte inflation. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, lors d’une audition mercredi devant les députés. Que le gouvernement présente ou non au Parlement une copie budgétaire qui touche aux recettes, il ne fait désormais aucun doute que les différents groupes politiques iront de leurs propositions sur les prélèvements et les niches fiscales.

Cibler les hauts revenus

Le Nouveau front populaire (NFP), accusé pendant les législatives de porter un programme qui n’était pas finançable, avait finalement présenté une réforme fiscale d’envergure, avec un barème de 14 tranches pour l’impôt sur le revenu et la création d’une CSG progressive, espérant ainsi dégager 5,5 milliards de recettes fiscales nouvelles en se concentrant sur les hauts revenus. La gauche entendait également s’attaquer à l’impôt sur les successions pour dégager 17 milliards. Ce sujet pourrait être ramené dans l’hémicycle par le récent rapport de l’ONG Oxfam, qui estime que le système de taxation actuel est inégalitaire et représente une perte de 160 milliards d’euros pour l’Etat sur les 30 prochaines années.

« La question n’est pas d’augmenter les impôts, mais les recettes fiscales », pointe le sénateur socialiste Claude Raynal, président de la commission des Finances. « Dans l’imaginaire collectif, tout le monde paye les hausses d’impôt, alors que les recettes fiscales sont ciblées sur certains secteurs ou certaines catégories », souligne l’élu. « À l‘occasion du débat budgétaire, je ne doute pas que toutes les méthodes imaginables soient posées sur la table. Mon groupe fera des propositions, elles seront en lien avec le programme de la gauche aux législatives, mais il y aura des priorisations sur les recettes », explique-t-il. Avec, en ligne de mire, les hauts revenus et les superprofits des grandes entreprises. « Cela n’aurait aucun sens d’augmenter les impôts pour tout le monde », pointe l’élu de Haute-Garonne.

La question du rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) est devenue un véritable totem pour la gauche. Si son rendement tournait autour de 4 à 5 milliards au moment de sa suppression en 2017, le NFP estime que l’évolution des grandes fortunes ces sept dernières années, combinée à une augmentation des taux marginaux, pourrait porter les recettes de cet impôt à 15 milliards par an.

Sans aller jusqu’à un rétablissement de l’ISF, les élus centristes de la commission des finances du Sénat travaillent plutôt sur une refonte de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui l’a remplacé. En 2023, l’IFI a frôlé les deux milliards de recettes, boosté par l’augmentation des prix de l’immobilier, selon les chiffres de la direction générale des Finances publiques. « Nous souhaitons donner une composante écologique à cet impôt en y incluant le patrimoine mobilier polluant. Je pense aux yachts, aux jets, aux voitures de luxe… », énumère la sénatrice du Jura Sylvie Vermeillet.

La taxation des entreprises

En 2022, cette élue avait porté un amendement sur la taxation des superprofits pour les entreprises ayant réalisé un bénéfice net supérieur de 20 % à la moyenne des trois dernières années. Le sujet a profondément divisé la majorité sénatoriale de droite et du centre, Les Républicains étant farouchement opposés à une telle taxation. Cette année encore, les centristes devraient récidiver, avec le soutien de la gauche qui porte une mesure similaire dans le programme du NFP. L’une des marges de manœuvre consisterait à élargir l’assiette de la rente intramarginale des énergéticiens, mise en place dans la loi de finances 2023, à d’autres secteurs comme le milieu bancaire.

« En tout cas, il y aurait une mesure rapide à prendre : c’est de suspendre la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée », plaide Sylvie Vermeillet. La suppression de cet impôt local, dû par les entreprises sur leur chiffre d’affaires, est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, mais le calendrier initialement présenté a déjà été décalé de trois ans par Bercy. « C’est un enjeu de 11 milliards. Pour l’instant, on en a supprimé un quart. Vu notre situation, il serait urgent de préserver ce qu’il en reste… »

La droite, prête à revoir certaines lignes rouges ?

De leur côté, les élus de droite de la commission des finances du Sénat que nous avons interrogés affichent des positions quelque peu divergentes sur le levier fiscal. De là à supposer que la ligne d’intransigeance portée par LR sur les hausses d’impôt puisse s’effriter au moment du débat budgétaire ? « Les hausses d’impôts, très clairement, c’est non ! », avertit le sénateur de l’Essonne Jean-Raymond Hugonet. « Les économies, personne n’est prêt à les faire, mais il est grand temps que l’Etat balaye devant sa porte », martèle l’élu. Plus mesuré, son collègue Stéphane Sautarel, sénateur du Cantal, nuance : « Je ne parlerais pas de ligne rouge. Je dirais que la volonté première, c’est de ne pas accroître la pression fiscale. Moins on alourdit la charge pour les contribuables, mieux c’est ».

Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, a appelé mardi auprès de l’AFP à un « effort collectif », estimant que « la configuration politique […] oblige à dépasser les attendus et les périmètres préconçus ». « Mes convictions n’ont pas changé : je pense qu’on est trop taxés. Mais quand on est dans le rouge, il faut redresser la situation. Il faut tout regarder », explique l’élu, qui a quitté LR après la dissolution, et qui parle d’une « bérézina dans les comptes publics ».

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Pour Stéphane Sautarel, la droite pourra difficilement échapper au débat sur les superprofits cette année. « Je n’exclus pas des possibilités de taxation sur les produits exceptionnels de certains secteurs. C’est un point qui doit être considéré, aujourd’hui cela ne peut plus être un tabou », concède-t-il. Avant d’ajouter : « En revanche, il n’est pas question de toucher à l’impôt sur les sociétés, ni à la flat tax. Elle fait partie des quelques acquis du macronisme pour attirer des investisseurs étrangers. Elle a la vertu de donner de la visibilité et de la stabilité aux entreprises. »

Créé en 2018, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), dit « flat tax », applique un taux généralisé de 30 % sur différents placements financiers. Une augmentation de plusieurs points augmenterait mécaniquement les recettes – 6,8 milliards attendus en 2024 – mais risquerait aussi de pousser les épargnants à changer leurs habitudes. Pour autant, la gauche souhaite supprimer la flat tax pour revenir à un système plus progressif.

Une hausse ciblée de la TVA ?

Le sénateur Stéphane Sautarel évoque également l’hypothèse « d’une TVA sociale sur les importations ou d’un système approchant » pour financer la protection sociale et réduire l’écart entre le brut et le net sur la fiche de paie des salariés.

Côté centriste, Sylvie Vermeillet se dit favorable à une augmentation « d’un ou deux points du taux normal de TVA, aujourd’hui à 20 %, sur les importations ». Pour l’Etat, ce serait entre 6,5 et 13 milliards de recettes supplémentaires. « La mesure s’appliquerait à tous, mais dans la mesure où les foyers les plus aisés consomment trois fois plus, ils seraient les principaux contributeurs de cette hausse » argumente-t-elle. Toutefois, au sein du groupe centriste l’idée ne fait pas l’unanimité, et certains élus s’inquiètent de son impact sur les ménages modestes.

Les niches fiscales au peigne fin

En revanche, la suppression de certaines niches fiscales pourrait être une piste de consensus entre les différents groupes politiques. Le système fiscal français compte 467 dispositions fiscales dérogatoires pour un coût annuel de 81,3 milliards d’euros, selon les chiffres du gouvernement. Pendant la campagne des législatives anticipées, la gauche espérait pouvoir récolter 25 milliards d’euros en supprimant plusieurs niches « inefficaces, injustes et polluantes ».

Là aussi, les centristes de la commission des finances du Sénat se sont lancés dans un important travail de prospection. Dans leur ligne de mire notamment : certaines dérives liées aux certificats d’économies d’énergie. Ce dispositif permet aux énergéticiens de s’émanciper des pénalités pour non-respect de leurs obligations en matière d’économie d’énergie, en finançant des travaux de rénovation énergétique. Mais aussi le crédit d’impôt recherche (CIR), devenu un véritable serpent de mer au fil des années.

« On parle d’une niche fiscale à 7 milliards d’euros », rappelle la sénatrice Vermeillet. « C’est un excellent outil, il n’est pas question de le supprimer, mais peut-être serait-il bon de le limiter aux entreprises européennes. Nous éviterions que les Américains et les Chinois ne viennent profiter des chercheurs français, payés par le CIR, avant de rapatrier les débouchés économiques sur leur territoire… » Même constat du côté de Stéphane Sautarel, qui plaide pour « un toilettage de cette niche fiscale » via une réduction de son montant.

« Il suffirait de reprendre les rapports de la Cour des comptes pour avoir la liste des niches qui sont les plus problématiques », résume Jean-Raymond Hugonet. « La difficulté de l’exercice, c’est de ne pas se ruer sur les petits coups et de construire une véritable stratégie », d’autant plus difficile à construire avec une Assemblée nationale fracturée comme jamais. « Mais quoi que vous touchiez, il y aura des hurlements. Les lobbies sont déjà aux aguets », avertit encore cet élu.

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