Budget 2025 : le gouvernement veut faciliter le rachat de logements intermédiaires par leurs locataires

Une disposition, qui devait initialement figurer dans le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, sera inscrite dans le prochain projet de loi de finances, a annoncé ce 15 mai au Sénat le ministre du Logement. Guillaume Kasbarian veut réduire la période au terme de laquelle des locataires peuvent acheter leur logement intermédiaire. Il réfléchit à des dispositions pour faciliter les emprunts bancaires des jeunes.
Guillaume Jacquot

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« La véritable aspiration des classes moyennes, c’est l’accession à la propriété. Ne manquez-vous pas la cible ? » La sénatrice Amel Gacquerre (Union centriste) y voit là l’angle mort du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, dont elle est l’une des deux rapporteures. C’est l’un des principaux reproches de la majorité sénatoriale de droite et du centre, qui donnera le la sur ce texte débattu à la mi-juin.

L’ambition du texte est de stimuler la construction de logements s’adressant aux classes moyennes en recherche de solutions d’hébergement bon marché, mais également de mieux favoriser la rotation dans le parc HLM. C’est le seul texte déposé par le gouvernement, dans une crise particulièrement sévère pour tous les pans du logement, de la construction jusqu’au marché locatif. En parallèle, d’autres textes d’initiative parlementaire sont en cours d’examen avec le soutien de l’exécutif, ils traiteront la transformation de bureaux en logements, ou encore l’encadrement des meublés touristiques.

Un « saucissonnage » de textes pas du goût de la commission des affaires économiques

Cet empilement de débats très centrés, et sans études d’impact du fait de leur origine parlementaire, est loin de donner entièrement satisfaction au Sénat qui réclame à cor et à cri la présentation d’une grande loi de programmation sur le logement, pour éviter que l’orage en cours ne nourrisse une « crise politique ». La présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, a déploré cette situation face au ministre du Logement Guillaume Kasbarian, auditionné ce 15 mai en prévision des débats de juin. « Si le saucissonnage peut être une tactique parlementaire efficace, en situation de majorité relative, elle ne permet pas de présenter au Parlement une véritable vision stratégique du gouvernement pour le logement dans notre pays », a regretté la sénatrice des Alpes-Maritimes.

Dans ce saucissonnage législatif, il faut aussi citer le projet de loi de finances de fin d’année. « C’est un peu frustrant, car il y a beaucoup de clés qui se trouvent là, pour la relance du logement », a ajouté la sénatrice LR Sophie Primas, co-rapporteure du projet de loi sur le logement abordable. « Nous aurons le débat fiscal en temps voulu », a promis le ministre, attaché à laisser ce type de disposition dans ce rendez-vous phare de l’automne, objet d’intenses arbitrages au sein de l’exécutif tout au long de l’année. Cette volonté de séparer les mesures ayant un impact fiscal explique d’ailleurs l’absence d’articles en faveur de l’accès à la propriété dans le projet de loi sur le logement abordable.

Des dispositions annoncées pour le prochain projet de loi de finances

« Une des mesures que nous aurions souhaité mettre dans le texte initial, sur laquelle nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un impact fiscal, c’était le fait d’avancer la possibilité d’acheter son logement intermédiaire », a relaté Guillaume Kasbarian. Actuellement, un locataire ne peut racheter ce type de bien seulement s’il a été acheté ou construit par un bailleur social depuis plus de dix ans, voire 15 ans. Souhaitant ramener ce seuil à 5 ans, le gouvernement portera la mesure dans le projet de loi de finances, a annoncé Guillaume Kasbarian. « Dans une logique d’accession à la propriété, nous voulions faciliter, accélérer l’acquisition de ces logements par les locataires. »

Relancé par le sénateur Frédérique Buval (groupe du Rassemblement démocratique des indépendants et progressistes, de la majorité présidentielle), le ministre du Logement a également précisé que d’autres mesures étaient « à l’étude ». « Nous souhaitons en débattre au sein du projet de loi de finances », a-t-il indiqué. Guillaume Kasbarian souhaite en particulier trouver des réponses « qui permettraient de donner un coup de pouce à des jeunes qui souhaitent accéder à la propriété », en facilitant la constitution d’un apport susceptible de « réduire la facture bancaire ». Sans plus de détails, l’ancien député a évoqué la forme de « mesures intergénérationnelles ».

La gauche dénonce un « détricotage de la loi SRU »

Pour relancer la demande de logement – le point clé selon les rapporteures – le ministre a rappelé que tout n’était « pas une qu’une question législative et fiscale ». L’un des principaux freins reste l’envolée des taux d’intérêt pour les crédits bancaires, passés de 1 % à 4 % en l’espace d’un an et demi. Le gouvernement espère une baisse le plus tôt possible dans les mois à venir. L’écologiste Yannick Jadot a tenu à rappeler que les racines de la crise étaient plus profondes. « On a un peu d’expérience pour ne pas considérer que la crise du logement a démarré avec la hausse des taux d’intérêt, ça date d’un peu plus longtemps », a corrigé le sénateur de Paris.

Lors de l’audition, les sénateurs de gauche ont été nombreux à s’émouvoir des principales mesures inscrites dans le projet de loi, à commencer par l’article 1er. Ce dernier vise à permettre aux communes en retard avec leurs objectifs de logements sociaux fixés par la loi SRU, de pouvoir combler une partie du manque avec 25 % de logements intermédiaires. « Nous, ce qu’on ne souhaite pas, c’est que la construction de logements intermédiaires se fasse au détriment de la construction de logements sociaux », s’est exclamée la socialiste Viviane Artigalas. Sa collègue communiste Marianne Margaté a dénoncé un « désengagement de l’État sur les questions de logement social ».

« Vache sacrée »

Refusant les accusations de « détricotage » de la loi SRU, Guillaume Kasbarian a défendu une mesure « très pragmatique », permettant de « construire plus de logements », et de rendre « économiquement plus viables » certains programmes de logements sociaux, grâce à la présence renforcée de logements intermédiaires. Ce système permettrait, en outre, de favoriser la « mixité sociale », selon lui. « J’ai l’impression de toucher à une vache sacrée », a-t-il également lâché.

La généralisation des surloyers en cas de dépassement des plafonds de ressources, ainsi que la prise en compte du patrimoine des locataires du parc HLM, n’est pas plus une « stigmatisation », s’est aussi défendu le ministre, en réponse aux nombreuses critiques, surtout à gauche. « C’est une mesure de bonne gestion et de justice sociale », a fait valoir Guillaume Kasbarian. « Tout dépend où on met le curseur », a rétorqué la présidente LR Dominique Estrosi Sassone. En cas de dépassement de 20 % du plafond de ressources durant deux années (3 724 euros net pour un célibataire en Île-de-France, selon le ministère), et après un délai de prévenance de 18 mois, les locataires devront quitter leur logement social, selon le projet de loi. Dans le pays, 80 000 personnes seraient concernées par cette disposition.

« Est-il scandaleux de demander à des personnes qui ont ces niveaux de revenus, alors que dans le même temps 2,6 millions de personnes font la queue en dessous ? » a demandé le ministre. L’audition a donné un aperçu des débats probablement vifs qui devraient se tenir dans un mois.

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