Le gouvernement n’a pas encore dévoilé toutes ses cartes en matière budgétaire. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, l’un des plus sévères de la Cinquième République avec 60 milliards d’économies à trouver pour faire face à la forte dégradation des comptes publics ces deux dernières années, continuera d’être enrichi par l’exécutif pendant le débat parlementaire. En effet, certains arbitrages de dernière minute ne figurent pas dans la copie présentée jeudi en Conseil des ministres, et ce malgré un retard de neuf jours sur le calendrier constitutionnel, en raison des atermoiements politiques qui ont suivi les législative anticipées.
« Des évolutions interviendront à l’initiative du Gouvernement au cours des débats parlementaires, pour traduire des ajustements souhaités par le Premier ministre, en cohérence avec le discours de politique générale », avait déjà averti Bercy. Auditionnés ce vendredi matin par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, les ministres Antoine Armand, à l’Economie, et Laurent Saint-Martin, aux Comptes publics, ont listé les mesures qui seraient défendues par le gouvernement pendant le parcours législatif.
Une revalorisation de l’enveloppe budgétaire accordée au garde des Sceaux
À commencer par le budget de la justice, avec un réalignement sur l’objectif prévu dans la loi de programmation du ministère de la Justice pour la période 2023-2027.
« Le garde des Sceaux a été clair sur le fait de se rapprocher davantage de la loi de programmation. Je lui donne raison, il y a une cohérence à avoir sur l’accent mis sur le renforcement du régalien », a justifié Laurent Saint-Martin. Le PLF prévoit pour la justice un budget de 10,2 milliards en 2025 contre 10,1 milliards cette année. Dans la loi de programmation, il est question de porter les crédits du ministère à 10,8 milliards d’ici 2027. Il s’agit notamment de permettre le recrutement de 10 000 fonctionnaires, dont 1 500 dans la magistrature et 1 800 pour les greffes.
Préservation du budget de La Poste, hausse des crédits du Patrimoine
« Les dotations versées à La Poste et à l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine, ndlr) seront revues par voie d’amendement », a également précisé Laurent Saint Martin. Une première mouture du budget prévoyait d’amputer de 50 millions d’euros les crédits consacrés au contrat de présence postale territoriale, ce qui avait soulevé la colère des associations d’élus, confrontés à la disparition des services de proximité, en particulier dans les territoires ruraux.
Il est aussi question de rehausser les crédits dévolus au patrimoine. Le programme 175 « Patrimoines », dédiés au financement des monuments historiques, des musées de France, des Archives nationales et aux fouilles archéologiques a bénéficié de 1,19 milliard d’euros en crédits de paiement pour l’année 2024.
5 milliards d’économies par voie d’amendements
Par ailleurs, sur les 60 milliards d’économies annoncées par l’exécutif, 5 milliards seront proposés par voie d’amendements, répartis sur l’ensemble des ministères, en dehors des administrations dont la revalorisation a déjà été actée par des lois de programmation ces dernières années. Les baisses s’appuieront « sur des efforts de réorganisation et de modernisation des administrations, notamment le regroupement de structures ayant des activités proches, une simplification du fonctionnement de l’Etat et des normes. Les opérateurs de l’Etat seront également mis à contribution pour un montant d’économie de près de 1,5 milliard d’euros », indique Bercy.
Elargissement du prêt à taux zéro
Au moins deux mesures de fiscalité seront également introduites dans ce budget par des amendements du gouvernement. « Cela a été annoncé par le Premier ministre, nous proposerons une extension de prêt à taux zéro sur l’ensemble du territoire, pour tous les primo-accédants dont les conditions devront être précisées et débattues », a expliqué le ministre des Comptes publics. Ce dispositif, crée en 1995, permet aux futurs propriétaires, sous condition de revenus, de financer jusqu’à 50 % du montant d’un achat immobilier avec un prêt gratuit. Mais depuis le 1er avril 2024, son déploiement a été limité aux seules zones urbaines.
Augmentation du coût du gaz
Enfin, le gouvernement proposera par amendement « une hausse de la fiscalité sur le gaz », a fait savoir Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, lors d’un point presse vendredi. « Il est surtout important d’éviter que des politiques publiques et de l’argent public rendent les solutions carbonées moins chères que les solutions décarbonées », a-t-elle fait valoir.
À la faveur du contexte déflationniste, le projet de loi de finances pour 2025 contient déjà un relèvement de l’accise sur l’électricité, qui avait été largement revue à la baisse pendant la crise énergétique. Mais la hausse prévue pour 2025 se fera au-delà des niveaux d’avant-crise : 50 euros le mégawattheure, contre 22 actuellement, et 32 euros avant 2022. Elle devrait toutefois permettre de maintenir une baisse de 9 % du tarif réglementé. En revanche, la mesure laisse planer une inconnue sur la facture d’électricité des 40 % de Français qui ont souscrit une offre de marché.