Après plusieurs alertes du Sénat sur les investissements dans le secteur du ferroviaire, le compte n’y est toujours pas. Il y a un an, les sénateurs Hervé Maurey (Union centriste) et Stéphane Sautarel (Les Républicains) pointaient dans un rapport les insuffisances du financement des infrastructures du train en France. « L’avenir du réseau ferroviaire est plus que jamais préoccupant », dénonçaient-ils. Auditionné par le Sénat avant la publication du rapport, le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou évaluait à 100 milliards d’euros sur 15 ans les besopins d’investissement dans le ferroviaire.
En février dernier, un rapport du Conseil d’orientation des infrastructures estimait que 2 milliards d’euros annuels d’investissements supplémentaires étaient nécessaires pour moderniser le réseau de voies ferrées. Au même moment, la Première ministre annonçait un plan de développement et de modernisation des transports de 100 milliards d’euros d’ici 2040. Au total, ce seront ainsi 1,5 milliard d’euros d’investissements annuels pour moderniser les infrastructures.
300 millions d’euros supplémentaires pour moderniser le réseau en 2024
Dans le cadre de l’examen du budget 2024, étudié au Sénat depuis le 23 novembre, un rapport de la commission des finances salue cette « prise de conscience » du gouvernement, mais souligne que « cet engagement, dont l’ambition n’est pas tout à fait à la hauteur des recommandations du COI, notamment sur les investissements dans la modernisation, reste entouré de nombreuses zones d’ombres ».
Si le montant des investissements d’ici 2027 « fait encore l’objet de tractations », on sait déjà qu’en 2024 le budget pour moderniser le réseau augmentera de 300 millions d’euros, financés « par une affectation supplémentaire de bénéfices de SNCF Voyageurs », explique le rapport.
Cette fois-ci, pour les rapporteurs spéciaux du Sénat Marie-Claire Carrère-Gée (Les Républicains) et Hervé Maurey, c’est le modèle choisi pour financer la modernisation du réseau ferroviaire qui pose question. « L’État ne cache pas sa volonté de faire financer l’intégralité de la montée en puissance des investissements dans le réseau ferroviaire d’ici 2027 par la SNCF elle-même », indiquent-ils.
La crainte d’une répercussion sur le prix des billets
Ce choix financier est jugé « dangereux » par les sénateurs, en premier lieu « car il est tout sauf garanti que la SNCF puisse supporter à elle-seule le fardeau financier de ces nouveaux investissements ». Dans l’hypothèse où SNCF Voyageurs (filiale de la SNCF qui gère le transport des voyageurs) financerait l’intégralité de la modernisation des rails pour SNCF Réseau, la filiale devrait y consacrer 50 % de ses dépenses annuelles, contre 20 % aujourd’hui.
Les sénateurs considèrent également ce modèle de financement comme inégalitaire, à l’heure de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire : « SNCF Voyageurs pourrait être amenée, à horizon 2027, à financer la moitié des investissements de régénération et de modernisation d’un réseau sur lequel elle fera circuler des trains en concurrence avec d’autres opérateurs ferroviaires qui, eux, ne participeraient pas à l’abondement du fonds de concours ».
Enfin, en renforçant les contraintes qui pèsent sur le budget de SNCF Voyageurs, la commission des finances craint une répercussion de cette hausse des investissements sur le prix des billets de train. Selon les chiffres de l’Insee, entre juin 2022 et juin 2023 les prix des billets de train a augmenté en moyenne de plus de 8 %.