Comme l’an dernier, le Sénat a largement adopté ce 30 novembre 2023 le budget des forces de sécurité intérieure dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Première mission débattue après l’adoption plus tôt dans la journée du volet recettes, cette mission sécurité traduit un effort budgétaire conséquent. Les moyens de la police et de la gendarmerie nationale progressent d’un peu plus d’un milliard d’euros, soit près de 5 %. De quoi financer la poursuite de la hausse des effectifs, avec 2 184 effectifs supplémentaires l’an prochain (après 2 857 l’an dernier). En ce sens, le budget est conforme à la trajectoire de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), entrée en vigueur il y a près de deux ans.
« Est-ce que la copie est raccord ? Les chiffres parlent dans ce sens », a salué le rapporteur spécial Bruno Belin (LR). Le budget intègre aussi la hausse du point d’indice de la fonction publique mais aussi des mesures catégorielles. Si le sénateur de la Vienne, tout comme de nombreux autres intervenants, a exprimé un soutien, ce dernier n’était toutefois pas exempt de réserves.
Une hausse globale consommée pour l’essentiel par la croissance des effectifs
Le principal bémol, le voici : la commission des finances note que la hausse massive sur les personnels se fait au détriment d’autres types de dépenses. Philippe Paul (LR) a ainsi regretté un « effet d’éviction massif sur le fonctionnement et l’investissement, à commencer par l’investissement immobilier, vrai sacrifié de ce budget ». Ce membre de la commission de la défense s’est inquiété d’une « année quasi-blanche » pour certains programmes. « En logeant mal les gendarmes, nous risquons d’annuler les effets attendus des revalorisations, dans un contexte où nos forces ont des difficultés à recruter et fidéliser. »
Le sénateur socialiste Jérôme Darras relève aussi que la hausse dans les ressources humaines « se paye sur d’autres postes », comme le renouvellement des véhicules légers. Après des années de commandes massives permises par le plan de relance, « nous sommes clairement revenus à une tendance baissière qui ne pourra perdurer », a regretté le sénateur.
« Le diable se cache dans les détails », considère également son collègue Jérôme Durain, lequel s’inquiète d’une « légère dégradation de l’effort de formation ». Même crainte pour le sénateur communiste Ian Brossat, qui rappelle la « persistance d’une grande souffrance au travail » dans la profession, ou encore chez l’écologiste Mélanie Vogel, qui évoque une « hausse mal ciblée, témoignant d’un manque de vision d’ensemble ».
La sécurisation des Jeux olympiques toujours évaluée à 200 millions d’euros
Pour le sénateur LR André Reichardt, le budget aurait aussi gagné à s’inspirer des recommandations émises par la Cour des comptes en juillet. « Les pistes d’économies sont insuffisamment prises en compte », a-t-il épinglé, regrettant l’absence de mutualisations entre police et gendarmerie sur certains aspects, notamment logiciels.
Le sénateur du Bas-Rhin a d’ailleurs demandé au gouvernement quelle était l’estimation du coût de la sécurisation des Jeux olympiques à l’été prochain, un évènement hors normes qui constituera un défi de taille pour 35 000 policiers et gendarmes mobilisés.
L’évaluation n’a pas changé d’un pouce en six mois. Dominique Faure (qui secondait Gérald Darmanin, retenu à l’Assemblée nationale pour les débats sur le projet de loi immigration) a évoqué un coût prévisionnel de 200 millions d’euros. Ce budget s’entend « hors hébergement, et hors gratifications qui pourraient être mobilisées », a précisé la ministre chargée des Collectivités territoriales.
Une attention portée aux moyens de la sécurité civile
De façon générale, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur a vanté un « effort budgétaire sans précédent pour renforcer la présence des forces de sécurité intérieure partout sur le territoire », à travers ce projet de loi. « Jamais les Français n’ont autant eu besoin de sécurité, jamais l’État n’a mis autant de moyens au service de leur sécurité », a-t-elle mis en avant.
L’été à venir n’est pas seulement un défi sécuritaire, il le sera aussi sur le front de la lutte contre les incendies. Et à ce titre, le Sénat n’était pas vraiment entièrement rassuré au sujet des moyens de la sécurité civile. La rapporteure Françoise Dumont a fait part de ses « préoccupations » sur le respect des engagements d’Emmanuel Macron du 28 octobre 2022, en matière d’équipements aériens.
À son initiative, le Sénat a adopté un amendement pour augmenter de 92 millions d’euros les moyens du programme, afin « d’accélérer » la commande de deux hélicoptères lourds bombardiers d’eau. L’élue du Var a aussi regretté « l’opacité » autour du programme de renouvellement de la flotte de Canadairs. « Il convient que la parole publique soit suivie d’effets et que les éventuelles difficultés soient recensées avec transparence. »