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Baisse du budget de l’audiovisuel public : « C’est normal qu’il contribue comme tout le monde »  

Pour atteindre les 40 milliards d’euros de réduction des dépenses dans le budget, le gouvernement a dévoilé les nouvelles mesures d’économies qu’il souhaite passer par amendements. Parmi celles-ci, 55 millions devraient viser la culture et plus particulièrement l’audiovisuel public. Le pass culture serait aussi touché.
Quentin Gérard

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On s’oriente vers un coup de rabot pour l’audiovisuel public. Pour atteindre les objectifs d’économies budgétaires, le gouvernement prévoit de baisser la dotation de la mission culture de 55 millions d’euros l’année prochaine. France Télévisions et Radio France seront principalement touchés, mais le pass culture est aussi dans le viseur de Bercy.

Concrètement, comme annoncé depuis plusieurs semaines, Michel Barnier veut un effort de 60 milliards d’euros pour ramener le déficit public à 5 % en 2025. Ça passe par 20 milliards de hausses d’impôts et 40 milliards de réduction des dépenses. Cette partie des dépenses est arrivée en commission des Finances de l’Assemblée nationale ce lundi 28 octobre. Dans les 40 milliards d’euros, l’Etat doit réduire son train de vie de 20 milliards. Parmi cette somme, 15 milliards sont déjà fléchés dans le budget de l’Etat et de la sécurité sociale, mais 5 milliards manquent encore à l’appel. Les mesures d’économies seront prises par amendements, le gouvernement n’ayant pas eu le temps de les mettre dans le Projet de loi de Finances.

L’audiovisuel public compris dans les 5 milliards de réductions de dépenses

Dans ces 5 milliards d’euros, plus de la moitié, soit 2,6 milliards, est un rabais général de tous les ministères et des opérateurs de l’Etat (Agences de l’eau, Agence de financement des infrastructures de transport…). Les ministères protégés par des lois de programmation budgétaire (Défense, Intérieur, Justice, Enseignement supérieur et Recherche) en sont exemptés, tout comme le ministre des Outre-mer, au nom de la préservation de la « souveraineté ».

La fonction publique est aussi mise à contribution pour 1,2 milliard d’euros, via l’augmentation des jours de carence. L’objectif est de lutter contre l’absentéisme des fonctionnaires. Les jours de carence passeront à trois – comme le secteur privé – contre un actuellement. La rémunération des trois premiers mois d’un arrêt maladie sera également plafonnée à 90 %, contre 100 % aujourd’hui. S’y ajoute une réduction de certains budgets spécifiques pour 1 milliard d’euros. Dont 640 millions de baisses pour l’aide au développement, 300 millions sur le dispositif dédié au verdissement des véhicules et 55 millions sur la mission culture, dont l’audiovisuel public et le pass culture.

« L’audiovisuel public doit aussi contribuer à l’effort national »

Si on ne connaît pas la répartition exacte des 55 millions d’euros entre l’audiovisuel public et le pass culture, le premier va largement payer la note. Pour Cédric Vial, sénateur Les Républicains de la Savoie et proche de Michel Barnier, « c’est normal que l’audiovisuel public contribue comme tout le monde », car « il y a un effort national à faire ». Cependant, il admet que ce montant « n’est pas neutre sur 4 milliards d’euros », ce qui correspond au financement annuel des médias publics (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, INA, TV5 Monde). Sur le projet de loi de finances initial, le budget de l’audiovisuel public était déjà en baisse, car non revalorisé sur l’inflation, ce qui fait 80 millions d’euros en moins. « Le premier effort est passé relativement facilement, mais là il faudra peut-être cibler différemment. Par exemple, viser l’aide à la création de France Télévisions qui représente 500 millions d’euros », indique le conseiller régional de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Cédric Vial est aussi co-auteur d’une proposition de loi sur la pérennisation du financement de l’audiovisuel public. Elle a largement été adoptée au Sénat (339 voix contre 1) le 23 octobre dernier et sera examinée le 19 novembre à l’Assemblée nationale. (Lire notre article). Le texte a pour objectif de maintenir son financement par une fraction de TVA, donc sur la consommation des ménages. Si cette proposition de loi n’est pas adoptée, le financement de l’audiovisuel serait assuré par le budget de l’Etat. Ce qui constitue une « menace » pour le sénateur LR parce qu’elle « modifie profondément la relation entre le gouvernement et le média concerné ». Et de poursuivre : « En cas de budgétisation, le gouvernement prend le pouvoir comme n’importe quelle politique publique ».

Au Sénat, les écologistes et socialistes avaient défendu des amendements pour revenir à un système de redevance, comme c’était le cas avant 2022. Chaque foyer devait alors s’acquitter de 138 euros. Monique de Marco, sénatrice écologiste de la Gironde, souhaite une approche « plus progressive et équitable ». « Les ménages pourraient payer une somme qui va de moins de 10 euros à 350 pour les plus riches », explique la conseillère municipale de Talence (Gironde). Si ces amendements n’ont pas été adoptés au Palais du Luxembourg, le groupe écologiste au Palais Bourbon pourrait bientôt le remettre sur le devant de la table. Ce qui serait une bonne idée pour la sénatrice écologiste car « on voit bien aujourd’hui la faiblesse de la fraction de TVA qui ne sécurise pas les 4 milliards du budget de l’audiovisuel public ».

« Le pass culture fonctionne au détriment de la culture du quotidien »

Si Monique de Marco n’est pas favorable à la baisse du budget de l’audiovisuel public, « il faudrait davantage le conforter dans cette période d’instabilité », elle se réjouit de la réduction de la dotation du pass culture. « Sa copie doit complètement être revue », lance la sénatrice. « Le pass culture fonctionne au détriment de la culture du quotidien. Pour les jeunes, on se rend compte qu’il ne joue pas son rôle d’ouverture. Des pans entiers ne sont pas ciblés comme le spectacle ou l’art visuel », indique l’élue.

Il y a quelques jours, Rachida Dati, la ministre de la Culture, avait déjà fait part de sa volonté de « profondément réformer » le pass culture. Le 11 octobre, dans le journal Le Monde, la maire du 7e arrondissement de Paris a annoncé vouloir « moduler la somme offerte » et en finir avec le libre-service, qui permet « à chaque jeune de 15 à 18 ans, de dépenser comme bon lui semble les 300 euros qui lui sont octroyés ». Un dispositif qui coûte 210 millions d’euros par an à l’Etat.

Raboter le pass culture ne « choque pas » Cédric Vial, sénateur LR de Savoie. « Il y a des choses très bien dans le pass culture, mais c’est un secteur d’action des collectivités territoriales que l’Etat a voulu investir. Les régions ont déjà ce genre de dispositifs », indique-t-il. Et de conclure : « L’ambition de revoir son système et financement est tout à fait légitime ».

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