En commission, la majorité sénatoriale a supprimé les 800 millions d’euros d’économies sur le fonds de compensation de la TVA. Ils ont surtout supprimé le fonds de précaution de 3 milliards d’euros, pour le remplacer par un « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales », doté de 1 milliard d’euros. L’effort est ainsi mieux réparti : environ 3000 collectivités seront concernées, contre les 450 les plus riches dans la copie gouvernementale. Le gouvernement est « d’accord sur les modalités qu’on propose », soutient le sénateur LR Stéphane Sautarel.
Baisse d’impôts des classes moyennes : « Les mesures annoncées depuis quelques jours sont illisibles et contradictoires »
Par Simon Barbarit
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Après la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle, Emmanuel Macron annonce dans le journal l’Opinion vouloir continuer à baisser les impôts des classes moyennes. « La fiscalisation des revenus des classes moyennes est trop importante et s’accélère trop vite. Elle écrase les gains de pouvoir d’achat entre 1.500 et 2.500 euros. Je parle de ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre », explique-t-il dans cet entretien.
Par quel levier l’exécutif compte-t-il mettre cette réforme en œuvre ? Baisse de la CSG ? Décote ? Nouvelles tranches ? Emmanuel Macron ne donne pas de pistes. « Il faut qu’on travaille pour voir comment réduire ce qu’on appelle le coin fiscalo-social, pour les revenus entre 1500 et 2500 euros », indique-t-il simplement. Invité du 20H de TF1, ce lundi 15 mai, Emmanuel Macron donnera probablement des précisions.
« Ce gouvernement n’a pas de ligne directrice et pas de méthode pour embarquer les Français dans ses réformes. Quasiment tous les 2 jours, un ministre annonce une dépense nouvelle tout en nous disant qu’il faut faire un effort sur la dépense publique. Cette inflation d’annonces traduit un manque de maîtrise collective des problèmes », relève Jean-François Husson, le rapporteur LR du budget au Sénat.
Depuis les tumultes entourant la réforme des retraites, le chef de l’Etat ne cesse de prendre la parole pour afficher sa volonté réformatrice. Des réformes qui ont un coût au moment la dette publique française s’élève à 2 950 milliards d’euros, selon les données publiées par l’Insee fin mars, soit 111,6 % du PIB, un taux en légère baisse par rapport à 2021 (112,9 % en fin d’année). Loi de programmation militaire, loi d’orientation de la justice, plan de réindustrialisation, revalorisation des enseignants, réforme du lycée professionnel, transition écologique… Ce que le chef de l’Etat appelle des « investissements » pour redonner du « muscle » au pays.
« C’est un vieux discours banal de droite »
Mais à gauche du Sénat, on craint fort que ces investissements soient faits sur le dos des plus modestes. « Promettre de baisser les impôts des classes moyennes, c’est un vieux discours banal de droite qui consiste à opposer classe moyenne et classe modeste. Et c’est souvent une illusion. La suppression de la redevance a été remplacée par une fraction de la TVA, donc un impôt. On retrouve dans cette interview l’esprit d’une ancienne vidéo ou le chef de l’Etat pestait contre le pognon de dingue mis sur le social. C’est à mettre en perspective avec une baisse de soutien au RSA et la réforme de l’assurance chômage », considère le sénateur socialiste, Rémi Féraud.
La semaine dernière pourtant, Gabriel Attal, le ministre en charge des Comptes publiques, lançait en grande pompe, un plan contre la fraude fiscale en ciblant les contribuables les plus riches. « Il y a un début d’inflexion à la volonté de Gabriel Attal dans cette interview du chef de l’Etat », selon Rémi Féraud. Pour être précis, dans cette interview, Emmanuel Macron refuse d’assimiler fraudeurs et ultrariches. Tout en se disant « intraitable » avec la fraude qu’elle soit fiscale et sociale, Emmanuel Macron dit assumer « d’avoir un discours qui valorise les entrepreneurs et la réussite » […] Ce qu’on comprend pour le sport ou les arts, on doit le comprendre pour l’économie », encourage-t-il.
« Est-ce que la limite, c’est zéro impôt ? »
Le sénateur communiste, Éric Bocquet s’interroge sur les intentions de l’exécutif. « Est-ce que la limite, c’est zéro impôt ? Ce serait problématique alors que le budget de la France est fiancé à 50 % par les taxes et les impôts et à 50 % par la dette. Donc attention à ne pas dépenser l’argent qu’on n’a pas pour s’attirer les bonnes grâces des classes moyennes », souligne-t-il.
Il y a quelques jours, Pierre Moscovici, le président du Haut Conseil des finances publiques, a mis en garde l’exécutif contre « les baisses d’impôts non compensées quelle qu’en soit la nature ». Toutefois, l’ancien ministre socialiste des Finances indique avoir conscience du « ras-le-bol fiscal » et « sur un possible point de rupture pour le consentement à l’impôt des ménages ».
« Je ne suis pas opposé à une réduction des impôts afin que tous ceux et celles qui travaillent aient une motivation pour être acteur au redressement du pays mais il faudra bien compenser d’une autre manière. Est-ce que ça veut dire qu’on va réduire les dépenses des prochaines lois de programmation ? Notre dépense publique s’envole malgré des impôts élevés. Les mesures annoncées depuis quelques jours sont illisibles et contradictoires », s’inquiète Jean-François Husson.
« Il y a des angles morts et des incohérences dans ce qu’annonce le chef de l’Etat »
A gauche, on invite le chef de l’Etat à travailler sur d’autres pistes pour améliorer le pouvoir d’achat des Français. « Il y a des angles morts et des incohérences dans ce qu’annonce le chef de l’Etat. On a bien compris qu’il cherchait à tourner la page des retraites. Mais il ne parle pas de la question des salaires, ni la possibilité de créer des tranches d’impôts supplémentaires pour les plus hauts revenus, de faire un impôt plus progressif. Ce sont nos propositions à chaque projet de loi finances », rappelle Rémi Féraud.
« Au lieu de parler de baisse d’impôt, on ferait mieux de se pencher sur les salaires et d’ouvrir le chantier du partage de la valeur dans les entreprises », appuie Éric Bocquet.
Un projet de loi visant à transposer l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise, conclu en février entre les partenaires sociaux devrait être présenté à la fin du mois pour une adoption avant l’été au Parlement.
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